Le bruit des marteaux battant l’acier et la fournaise déployée par les hauts fours étaient véritablement insupportables mais apparemment, ça ne dérangeait pas outre mesure la centaine d’orcs travaillant. Ce qui était peut être l’une des rares qualités qu’on put leur attribuer : quelque soit l’ouvrage à accomplir, les orcs l’accomplissaient sans trop rechigner (à condition que les plus gros et forts aient des fouets suffisamment durs pour casser l’échine des récalcitrants), et ce, quelque soit les conditions de travail. Meilleurs que des esclaves, encore plus sacrifiables et meilleur marché. Cependant, le souverain d’Angmar se surprit à dire dans un souffle :
« Que je méprise cette race servile. Rien n’est beau ou bon en elle… »
« C’est parce qu’ils ne sont pas crées pour ça Sire… »
Toranur se détourna un instant du spectacle de la forge immense pour regarder intensément celle qui venait de parler : une femme de haute taille, portant avec grâce et élégance une grande cape avec capuche de couleur rouge sang.
« Vous avez raison Dame, je ne peux cependant m’empêcher de penser que les efforts que mon royaume déploient à leur multiplication eut été mieux utilisés ailleurs… »
« Vous raisonnez trop comme unique souverain Sire, n’oubliez pas à qui vous devez ce trône. »
Toranur la regarda d’un air dur. Mais cela ne dura que peu de temps. Un sourire revenant sur ces lèvres, Toranur répondit :
« Vous avez sans doute raison. Régner demande beaucoup plus d’habileté que commander, ce qui fait que parfois je m’égare. Mais ne craignez rien, je surmonterai ce défi comme je l’ai toujours fait. »
La femme fit une courte révérence en baissant les yeux.
« Personne n’en doute Sire, moi moins que les autres. Vous êtes l’homme qu’il faut pour affronter les temps qui viennent et préparer la venue de notre maître à tous. »
La relevant d’une main, Toranur ajouta :
« Merci Dame Eléonore. Avec vous pour conseillère, je n’ai aucune appréhension. Notre temps viendra, mais il nous faut le planifier correctement. »
Une fois face à lui, Toranur prit plaisir à observer la femme. Ses longs cheveux blonds étaient soigneusement dissimulés par sa capuche mais les rares mèches y échappant témoignaient de la qualité et de la beauté du capillaire. Le visage long mais pas osseux, les yeux d’un bleu profond et envoûtant, le nez droit et fier, et aussi une bouche charnue à souhait, oui da, sa conseillère était vraiment un morceau de choix, peut être même digne de se comparer à des elfes. Mais le temps tournait et de nombreuses choses restaient à accomplir. Menant sa compagne dans la forge, Toranur rejoignit ses deux plus fidèles serviteurs : Ulf, Kommodor des Garde de Jais et Isnak, Connétable de l’Armée d’Angmar.
« Alors messieurs, où en sommes nous ? »
Ce fut Isnak qui répondit. Bien que peu loquace, il pouvait passer pour un bavard à côté du sombre Ulf.
« Les travaux d’agrandissement avancent bien, nous devrions bientôt être en mesure de créer 300 unités par jour. Quand aux travaux de forge, nous venons d’atteindre notre efficacité maximum. Nous bénéficions pour l’heure de quoi équiper une Legion entièrement, y compris les armes de guerre et les pièces nécessaire à l’entretien. Mais désormais, nous serons en mesure de fabriquer des armes pour deux centuries par jour, ou 500 unités orcs, au choix. »
« C’est un bon début, mais ce n’est pas assez. Je veux que vous portiez le nombre d’unité crée par jour à 500 et un stock d’arme suffisant pour couvrir 5 fois l’armée actuelle. Mais avant de lancer la production d’orc à grande échelle, attendez mon signal. Compris ? »
« Oui Sire. Que faisons nous des unités orcs déjà crées ? »
« Sélectionnez les meilleurs et suivez le plan. Pour les autres, tuez les tous. »
Ulf s’avança alors et dit de sa lourde voix grave :
« Sire, je demande la permission d’armer les orcs à tuer pour entraîner nos nouvelles recrues. »
« Excellente suggestion Ulf. Faîte donc, mais les hommes sont plus rares ici qu’au Rhùn, veillez donc à ce que le taux d’accident soit acceptable. »
Ulf s’inclina, un mince sourire aux lèvres et partit accomplir les ordres. Toranur tourna donc à nouveau son attention vers Isnak et lui demanda :
« Mes ordres concernant cette forge ont-ils été respectés ? »
« Oui Sire, toute la zone située à cinq kilomètre de distance d’ici est considéré comme sinistrée à cause de la présence des wargs sauvages. De plus, vu la température au dehors, ils sont bien peu à vouloir tenter l’aventure d’aller jusqu’ici. Le territoire Lassoths est considéré comme peu sur par la majorité des Angmariens. Avec votre veto, ils sont encore moins incités à y venir. Au cas où, j’ai cependant placé une dizaine d’Unstergivens nains commandant une centurie de Legionnars en plus des wargs sauvages rôdant effectivement aux alentours. »
« Parfait Isnak. Et qu’en est-il des Lassoths ? »
« Votre plan fonctionne à merveille. Ils sont de plus en plus nombreux à venir quémander notre protection, surtout parmi la population jeune qui ne comprend par l’entêtement de ses anciens. Mais à vrai dire Sire, si vous me le permettez, je ne comprend pas pourquoi lorsqu’ils se rallient à vous, vous déplacez les wargs au lieu de leurs huttes. Cela nous oblige à chaque fois à devoir mécontenter de braves Angmariens en plus d’énerver les wargs. »
« C’est parce que tu ne réfléchis pas assez au long terme. Les territoires Lassoths sont inhospitaliers et hostiles à notre présence. Mais dans le même temps, à terme, ces hommes formeront nos meilleurs Kosaks. Les quelques éléments qu’Ulf a déjà intégré à notre armée sont de loin les meilleurs pisteurs. C’est un avantage que je ne veux pas supprimer pour des considérations de court terme. »
« Vous avez raison Sire, et je m’excuse d’avoir douté. »
« Ce n’est pas grave Isnak, tu as raison de me poser la question. J’ai besoin que tu comprennes ce que j’entreprend pour me seconder au mieux. Tu es mon meilleur conseiller ici. Bien ,je dois y aller. Transmet mes ordres et rejoint moi à Carn Dûm, j’aurais une mission à te confier. »
« Merci Sire. Je viendrais aussitôt que possible. »
Le Connétable s’éloigna rapidement tandis que Toranur, suivit par la dame, retournait aux écuries. Là, il retrouva une dizaine de Garde Jais, ainsi que son fidèle ami canin Croc Noir. Ce dernier s’étira paresseusement, semblant dire : « quoi ? Déjà ? ». Ensemble, ils empruntèrent un mince corridor grimpant vers la surface où ils furent accueillis par un vent glacial. Fort heureusement, il ne neigeait plus comme à l’aller, ce qui était une relativement bonne nouvelle. La douzaine de cavaliers lancèrent leurs montures au trot en direction de la capitale d’Angmar. Pendant quelques instants, Toranur ne dit pas un mot, profitant du plaisir de la chevauchée, sentant le vent fouetter librement son visage, écoutant le bruit des pattes souples de Croc Noir s’enfoncer dans la neige, percevoir les palpitations du cœur de sa monture résonnant à travers ses flancs ou encore observer à travers les larmes provoquées par le froid le paysage austère et glacée de la région. Mais comme tout plaisir, il fallut y mettre fin. Retournant à la hauteur de la femme, qui bénéficiait d’une monture bien plus lente et moins fougueuse que celle du roi, Toranur reprit la conversation :
« Avez-vous fait part de mon plan à notre Seigneur ? »
« Oui.»
Pendant quelques instants, elle n’ajouta rien d’autre et Toranur se demanda s’il fallait qu’il insiste ou qu’il se retire. Il n’était pas évident de percevoir les pensées de cette femme. Mais alors qu’il allait se retirer, elle reprit soudainement la parole :
« Il a approuvé et vous fais savoir qu’il attend que les graines de discorde que vous sèmerez poussent. Rares sont les êtres comme vous à percevoir toute l’importance de la rouerie et du mensonge. Trop nombreux sont ceux à croire que la force brute seule nous mènera à nos objectifs. Ceux là sont plus stupides que les orcs, mais comme toutes choses, ils ont leur utilité… »
Oui, et c’était malheureux pensa Toranur, faisant écho aux pensées de la femme. La troupe étant peu bavarde, le reste du trajet se fit en silence et enfin les hautes tours de Carn Dûm s’aperçurent. Les bêtes fournirent un effort supplémentaire qui les porta jusqu’aux portes de la ville. Désormais, Toranur l’appréciait beaucoup plus. Depuis qu’il n’était plus obligé de loger dans le donjon, le souverain d’Angmar se sentait beaucoup moins oppressé… Avec son escorte, il traversa rapidement la ville sous les acclamations de la foule, et enfin, les sabots de sa monture résonna sur l’allée conduisant à sa nouvelle demeure…
Accueil
FAQ
