Terre d'exil (plateau nord du Khand)

**

Errer. S'aérer. Marcher et voyager. Non pas pour découvrir d'autres contrées, le Hayoaty n'avait plus l'âme d'un explorateur, mais plutôt celle d'un esprit en peine, dévoilant l'envie subite de retrouver ses racines. Comment retrouver ces racines dans une terre si aride, ou pas même les arbres les plus tenaces en terre sèche, n'arrivaient à grandir. Lui, son écorce était abimé, lorsqu'il pleurait, la sève coulait à flot, et le rendait encore plus vulnérable. Il n'était qu'un vieil arbre affaiblit par les mites, pas plus flamboyant que l'arbre de Minas Thirit, ses feuilles tombaient même en été, ses branches hirsutes rappelaient les pieux de guerres brisées par des boucliers. Son oeil en moins, il gardait la tête vers le sol pour ne pas marcher sur des scorpions, il en avait trop croisés dans sa vie, qui avaient su le piquer où il fallait. Il connaissait ses contrées à peu près par coeur, il en avait dessiné des cartes juste avec ses souvenirs. Mais les lieux avaient sembles t'il beaucoup changé, les dunes d'Harad s'étaient propagées avec le vent, et les terres de Khand s'en étaient vu amoindries. Il s'étonna aussi à découvrir sur son trajet, autant de village fantôme, et se rendait ainsi compte d'au combien il avait abandonné ses paires variags, lorsqu'il était le Roi du Sud. Il l'était toujours. Du moins, en partie. L'homme marchant difficilement n'était que l'ombre de ce Roi. Tulkor Hayoaty, l'officiel, avait été placé sur le trône d'Harad pour un grand retour. En réalité, il avait veillé à faire placé un sosie officiel sur le trône, du moins, un de ses sosies de jadis, l'un de ceux qui avaient encore les deux yeux, le teint propre, et les mimiques séduisantes. Lui, et sa gueule défraichie, bien amochée par toutes ses aventures, n'aurait pas eu l'once de crédibilité face au peuple d'Harad, qui ne l'aurait pas reconnus. Pas plus qu'ici, en Khand, terre qu'il n'avait plus revu depuis des longues années, sa terre de naissance. Pas même sa mère, si son âme foulerait encore Arda, n'aurait su reconnaître le freaks qui se serait présenté face à elle. Gueule cassée. Il n'avait plus grand chose à dire. Il avait appris à se taire, où à se parler à lui même. C'est dans l'idée de ne plus jamais avoir à discourir du haut du balcon du Palais d'Harad, qu'il avait choisis l'exil. Toutefois, il ne savait pas s'il resterait ici jusqu'à la fin de ses jours. Il improviserait. Il n'aurait même pas été capable d'affirmer quelques jours auparavant qu'il se retrouverait en Khand à l'heure qu'il est. S'il quittait des devoirs royaux, s'était bien pour être un peu plus libre. Et la liberté comme il l'aimait, s'était d'abord de n'avoir rien à prévoir et rien de prévu.

Après des heures de marches, s'arrêtant à des oasis toutes les heures pour se rafraîchir le visage, la gorge et l'esprit - et entamant souvent des combats à mains nues avec les fennecs un peu trop possessifs, comme il l'avait appris en vivant avec les singes - il finit par enfin trouver âmes qui vivent, en tout cas, plus que la sienne. Un petit campement dont il ne prit même pas la peine d'analyser ni la grandeur, ni qui l'habitait - les orques voisins passaient souvent les montagnes de Mordor pour organiser des raids sur les Variags de Khand -. Il s'avança, avec son air de cyclope miniature, évitant de croiser des regards pour conserver l'unique oeil qu'il lui restait en vigilance. Nul n'aurait vu en lui un Roi, car rien ne traduisait ce statut dans ses apparats déchirés, son allure sale et sa gueule broyée. Rien, sauf un détail. Cette lame qui pendait à sa ceinture, d'une magnificence peu commune pour pendre à un ceinturon de vagabond. En même temps qu'il marchait, il réfléchissait au nouveau nom qu'il se donnerait. Peut être laisserait t'il ces gens choisir pour lui. Il s'approcha de la tente la plus proche, et y posa son baluchon.

**

Le cyclope était rassuré. Personne ne l'avait reconnu. Il était entré ici sans que personne ne lui jette un regard, ou une once d'intérêt. Sa sale gueule lui servait de masque, il était comme tous les hommes marqués par la vie, un peu trop vieux, ou entre deux âges, complétement invisible. Comme une âme errante au milieu de ceux qui de leur vie, on choisit d'ignorer celle des autres. Aussi lorsqu'il s'avança dans la première tente qu'il trouva, il s'étonna qu'on ne lui demande pas de déguerpir, ou au moins, d'où il venait. Il déposa son baluchon, et parti s'asseoir sur un petit rondin servant de siège, il y'en avait de disposé un peu partout devant les tentes. Il sortit de son sac un filet de pomme, et entama la dégustation d'une manière peu élégante. Ses dents un peu pourrie par les temps passées loin des mesures d'hygiènes frappaient contre le fruit dans un bruit presque mécanique.

Il jetait des regards un peu partout, et fut surpris de voir quelques hommes aux cheveux d'or, de ceux qui dressent les chevaux, crapahuter de long en large de ce village typiquement Kandish. Les maudits homme de l'Ouest étaient ils toujours aveuglés par la bannière luisante de l'Ouistreness et de l'Empereur de Pacotille à sa tête. L'Aragorn qu'on connaissait des livres du professeur n'était pas du même acabit ici, l'Aragorn d'ici avait bien plus de pouvoirs. Il était capable de disparaître, de réapparaître, d'un coup d'un seul, de sauver le monde d'un tour de bras, et de vaincre des milliers d'ennemis en trois lignes un quart. Le Aragorn d'ici n'était pas Roi, malheureusement, il était Empereur. Tulkor aurait pu se laisser guider par son éternel curiosité, mais il restait sage, se contentant d'observer pour comprendre les raisons de la présence des Rohirims dans ces parages. Il devait toujours avoir l'air d'être un variag, malgré sa gueule de troll ravagée par les cicatrices, et la plaie des âges. Car vraisemblablement, alors qu'il entamait sa troisième pomme, personne n'avait encore trouvé étrange sa présence.

**

**

**