Chroniques d'Arda
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Autant en emporte le vent... 232342Grandebannire



 
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 Autant en emporte le vent...

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Culgor
Personnage mort

Culgor
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Race: Humain
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Statut: Personnage décédé(e)
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MessageSujet: Autant en emporte le vent...   Autant en emporte le vent... EmptyLun 5 Sep 2011 - 0:19

D’un geste vif, la botte de cuir chassa le caillou couleur rouille qui traînait là, au milieu de cette ruelle, comme égaré. Sous la violence du coup, il s’arracha au sol, défiant toute gravité. Cela ne dura que quelques brefs instants. Contrariées, les lois physiques reprirent leurs droits. Le malheureux bout de pierre percuta violemment un de ces larges pavés qui glissent tant sous les pluies, ricocha sur une de ses faces irrégulières, se souleva une nouvelle fois. Cette fois, le vol fut bien plus laborieux, bien plus bref. Finalement, il roula piteusement, pour se dissimuler dans l’ombre d’une pierre bien plus imposante que lui, non loin d’un édifice à l’apparence miteuse, aux murs branlants et aux poutres apparentes et rongées par la pourriture. Là, il resta immobile, espérant bien se faire oublier pour quelques siècles. La vie d’un caillou anonyme est particulièrement dure en milieu urbain Quand à cette botte, sans davantage prêter attention à l’incident, elle poursuivait déjà sa route, accompagnée de sa fidèle jumelle.

Ces deux bottes allaient donc allègrement, de part les rues qui s’offraient à elles, pleines de promesses et de divers détritus. Elles avançaient d’un bon train. Que l’une se pose et l’autre se décidait à s’envoler, pour atterrir ensuite un peu plus loin. La première imitait alors sa consœur et, merveille de la synchronisation, le mouvement se répétait encore maintes et maintes fois. L’activité avait beau être fastidieuse, mêlant à la fois un petit peu d’énergie et une bonne couche d’équilibre, elles n’étaient guère épuisées. Au contraire, elles peinaient à dissimuler l’excitation qui montait en leur fort intérieur. Il faut dire que dans ces bottes trépignaient dix orteils qui, lassés de ce long exercice, désiraient au plus tôt s’extirper de leur puante demeure afin de respirer un peu. Une série de décharges électriques envoyées de Là-Haut avait tenté de les calmer en leur indiquant qu’ils ne sauraient tarder à rejoindre les draps miteux dans lesquels ils aimaient s’enfouir. Ce n’était plus qu’une question de minutes, maintenant.

Ces orteils frénétiques, Culgor les avait obtenu il y avait bien une trentaine d’année de cela, et ils étaient alors si courts, aussi rouges que potelés. Tout cela se déroulait dans le sud, loin de ces ruelles sinueuses. En Gondor, au pied des montagnes blanches, dans les vertes prairies de Lossarnach. Cela avait alors paru une bonne nouvelle à deux de ces paysans peuplant ces paisibles contrées. Mais ces orteils n’étaient pas seuls, ils étaient aussi accompagnés d’une bouche, qui eu quelques périodes de forte activité avant de se calmer au fur et à mesure qu’elle s’emplissait de nouveaux mots. De bras aussi, deux bras maigrelets mais pas moins dangereux, et qui se poursuivaient jusqu’à dix fins doigts prompts à saisir toute nourriture laissée sans surveillance sur un étal négligé. Ou pas, d’ailleurs, car il y avait aussi cette paire de jambes, prompts à porter un corps glouton aussi loin qu’il le faut pour échapper aux poursuites, quand bien même il fallut pour cela écorcher ces genoux constellés de tâches de rousseur. Mais, petit à petit, ces bras prirent l’habitude de rester balans, le long d’un corps immobile. Les doigts ne se refermèrent plus guère, sinon pour accomplir cette multitude de gestes quotidiens. Les jambes oublièrent les longues courses, et restèrent de longues heures à se balancer dans le vide. Néanmoins, cela ne dura guère plus d’une poignée de mois, et ces pieds habitués à l’herbe grasse des pâturages et à la paille piquante firent connaissance avec les longues ruelles pavées de Minas Tirith, la glorieuse cité des Dùnedain. Là, ses doigts reprirent de leur adresse, et manièrent avec vivacité la plume et le parchemin. Ses yeux habitués aux larges panoramas se rétrécirent à une largeur de page, aux manuscrits des obscures bibliothèques.

Mais les temps passent vite, et, avec le temps viennent les ennuis. Il s’en alla, de Gondor en Rohan, et de là il gagna l’Arnor, avant de rebrousser chemin à nouveau. Il rencontra un guerrier trop fier, un marchand trop petit, un comte trop mystérieux, un rebouteux aux connaissances douteuses, une guérisseuse généreuse, un assassin violent, un interprète un peu rude… De nombreuses lieues séparent les grandes cités de l’Empire de l’Ouest, et de nombreux périls attendent les voyageurs inattentifs. Mais ces orteils franchirent ces distances, tantôt foulant les larges pavés, tantôt enserrés dans des étriers. Et, alors qu’ils entraient pour la deuxième fois à Edoras, ils étaient encore dix, et aucun d’entre eux n’aurait souhaité quitter ces deux pieds auxquels ils avaient bien, il faut bien l’avouer, fini par s’attacher. Mais la fièvre des voyages est dangereuse. Certes, ils demeurèrent quelques mois dans une masure poussiéreuse de la capitale des Eorlingas, pendant que, quelques pieds plus haut, deux yeux déchiffraient d’antiques manuscrits, deux oreilles écoutaient les conseils plutôt défraîchis d’un guérisseur qui ne valait pas mieux que ce qu’il disait. Et ne parlons pas de la nourriture qu’il offrait à son disciple. Mais il tint bon, là où d’autres avant lui avait failli. Certes, il avait connu les rigueurs de la vie campagnardes, les longues errances sur les routes de l’Empire. Mais cette épreuve se révéla plus sournoise, plus dure que les précédentes. Et c’est la tête pleine d’annotations rédigées en elfique, rohirrique et parler commun qu’il passa quelques années, entre la poussière opaque de l’étude de Fastred et les punaises des auberges d’Edoras. Les jours, les mois, et bientôt même, les années s’écoulèrent ainsi, tous semblables. Culgor s’enfonçait dans une routine désespérante d’inaction et de morosité. Jusqu’à ce que vienne la guerre.

Ce ne furent tout d’abord que quelques échos, quelques messagers en provenance de l’Ouest, porteurs de messages de peur et de défaite. Des hommes, des elfes surtout, ainsi que quelques nains. Il en vint bientôt plusieurs par semaine, toujours plus nombreux, et chaque fois les nouvelles empiraient. Des nouvelles de massacres, de débandade, d’exodes. Puis vinrent les premiers réfugiés. Ils étaient peu nombreux, la plupart d’entre eux ne poussèrent tout d’abord pas jusqu’au Rohan. Dans un premier temps, du moins. Certains s’installèrent, où du moins tentèrent de le faire, car ils étaient démunis, et, bientôt, ce fut un campement qui s’installa aux portes mêmes de la ville, et là, on put voir des familles, parfois brisées, séparées, mais toujours désespérées, s’agrippant à l’espoir d’une nouvelle vie, de l’arrêt des troupes de Morgoth le noir. Ou, du moins, d’un délai de paix supplémentaire. Mais, tandis que leur flot gagnait chaque jour en importance, vinrent les guerriers. Ceux-là ne provenaient pas de l’Ouest, mais de Gondor, et se fut des centaines de rangs de fantassins, archers, cavaliers, tous étincelants dans leurs armures lustrées, pendant que, au dessus de leurs cimiers, flottait fièrement l’arbre blanc, sur son étendard noir, noir comme la nuit qui les menaçait tous. Ce fut à cet instant que démarrèrent la conscription et le rassemblement des forces armées du Rohan.

Cela faisait trois années que Culgor s’était établi ici, trois années qu’il étudiait d’antiques manuscrits sous le nez renifleur du vieux Fastred. Plus que les grains de sable dégringolant perpétuellement dans leur sablier de verre, ces longs reniflements rythmaient les heures de la journée, inlassablement. Au fur et à mesure que craquaient les pages des parchemins, au fur et à mesure que défilaient les tengwar aux courbes légères, toujours ce bruit rauque et profond retentissait, comme un antique cor dans le lointain. C’était là une mécanique infaillible, bien rouillée, certes, mais mue par l’implacable force de la routine. Fastred vivait hors du temps, emprisonné au cœur de ses appels répugnants, sortis de ses narines, de son être, et qui restaient sans réponse. Misérable, le guérisseur arpentait inlassablement ce coin de planches usées, à peine plus grand qu’un meuble renversé. Ses longues jambes, bien trop maigres, basculaient d’arrière en avant, avant de pivoter lentement. Le corps, maladif, presque cadavérique, suivait peu après le mouvement impulsé. On aurait dit un vaste échassier déplumé et mourant, égaré sur le bord d’une piste poussiéreuse, loin de tout point d’eau. Oui, une bête mourante, c’était tout à fait cela. Par ailleurs, il avait, il faut bien le reconnaître, une haleine exécrable. Cela donnait-il au rouquin une raison suffisante pour tout abandonner, du jour au lendemain ? Absolument. Toute personne normalement constituée et saine d’esprit aurait d’ailleurs depuis longtemps abandonné l’étude de ce vieux fou. Mais ce n’était pas le cas de Culgor. Seul, déraciné, il voyait là son dernier point d’accroche. Tous ces grimoires, ces parchemins craquelés, ces livres bien trop lourds lui rappelaient les vastes bibliothèques de la cité blanche, l’odeur de poussière persistante qui accompagnait ce savoir antique. La comparaison s’arrêtait là, bien sûr. Car étudier dans la demeure de cet homme relevait d’une gageure physique. Quel organisme aurait pu supporter toute la poussière qui emplissait la place, cette poussière épaisse et malodorante ? En l’occurrence, le sien avait plus ou moins supporté ces conditions de survie. Sans laisser de séquelles. Du moins, de séquelles visibles.

Mais, au sein de cette étouffante routine, une insidieuse envie de liberté, d’un air neuf, emplissait son cœur. C’était cette folie irraisonnée de l’homme, l’attraction qu’exerce un gouffre sans fond, l’envol de l’oiseau qui était prisonnier de la haute branche. Et cet appel profond résonnait dans la maigre poitrine de l’aspirant guérisseur. Chaque soir, alors qu’il se retirait dans quelque misérable chambrette, perdue en haut de l’escalier d’une auberge guère plus luxueuse que son logis, il ne pouvait s’empêcher d’écouter. Il écoutait les récits des hommes, ces réfugiés arrachés à leurs terres, il écoutait leurs chants douloureux, il écoutait la souffrance, l’héroïsme, la vaillance, la mort aussi. La défaite, la désolation semblaient inéluctables, à chaque fois. Et pourtant… Pourtant, les bouches, tordues par le désespoir et le cynisme, évoquaient doucement les ordres de conscription lancés à travers les plaines, évoquaient les nouvelles de fraîches armées en marches, avançaient des nombres qui défiaient l’entendement. C’était de l’espoir, brut, qui pulsait en même temps que battait leur cœur, en même temps que la vie animait chacun de leur muscle, illuminait leur regard craintif. Cela raisonnaient sourdement, mais portait loin, s’insinuait dans chaque oreille, se logeait au plus profond de la poitrine de ceux qui le percevait. Et, chaque jour, alors que les trompettes d’airain résonnaient dès l’aube, les hommes se faisaient moins nombreux. Dans l’étude du vieux Fastred, le parchemin perdait subitement toute sa splendeur calligraphiée, et les murs poussiéreux devenaient chaque fois plus oppressants. Les borborygmes du vieillard se taisaient subitement, lorsque le jeune rouquin rêvait de la bravoure des armées humaines, de ces paysans revêtus de mailles brillantes, et qui, de leurs mains calleuses, saisissaient la lance ou l’arbalète. Le guérisseur avait beau remuer ses lèvres, nul son ne parvenait aux oreilles de son apprenti, si ce n’étaient les lentes pulsions de son cœur qui résonnait, encore et encore, et diffusait une soif d’acier étincelant et d’étendards colorés dans tout son corps, dans toute son âme. Objectivement, on aurait pu dire qu’il devenait fou. Du moins, aussi fou que tous ces pauvres péquenots inexpérimentés qui partaient pour le front.

Puis un beau jour, il craqua. Sans prévenir quiconque – ce qui est plutôt compliqué quand on vit seul et quand son état de schizophrénie n’est guère avancé, – il prit la fatale décision (du latin fatalis, -e : funeste, pernicieux, mortel). C’était par une belle soirée d’été. Un soleil rougeoyant – comme il se doit – se couchait dans le lointain, embrasant les toits de chaume de la cité d’Edoras de ses derniers feux. En changeant le décor pour une plage de sable et quelques cocotiers, tout cela aurait été parfait pour une scène d’amour aussi romantique que torride. Malheureusement, la plage la plus proche était à plus de 50 miles à vol de nazgul –espérez que nous n’en croiseront pas en route ! – et le voyage s’allongeait encore à cause d’une chaîne de montagnes malencontreusement déposées là par un Vala qui s’ennuyait ferme dans son Ouest paradisiaque. Fort heureusement, aucunes de ces pensées particulièrement inutiles n’assaillit notre héros, aussi reprendrons-nous le fil de l’histoire si vous le permettez. Oh et puis zut. Même si vous ne le permettez pas, je continue. Bref. Culgor venait donc de prendre une décision. Toutes ses décisions précédentes avaient été mauvaises, et celle-ci ne dérogerait pas à la règle. Ainsi, après une journée fort ennuyeuse passée à étudier les différents aspects des pustules liées au développement de la variole des vaches – les rohirrims n’avaient alors pas de rapports protégés avec leurs vaches, et n’en ont toujours pas d’ailleurs – Culgor remonta vers les quartiers supérieurs d’Edoras, sans la moindre arrière pensée. Quelle folie le poussait donc ? Une envie d’admirer le splendide coucher de soleil sur les mornes plaintes du Rohan ? L’attrait des grands sites touristiques inscrits au guide du pistard ? Nul ne saura jamais. Toujours était-il que quelques soldats trainaient par là, de ces brutes assoiffées de bières qui sont payées une misère et à qui on promet une prime s’ils permettent l’engagement d’un nouveau pigeon. Ce soir-là, le pigeon, ce fut Culgor.

Le brave rohirrim aviné l’accosta d’une tape amicale, quoique un brin maladroite. Son état d’ébriété ne lui permettait pas d’accomplir un acte plus précis que celui de porter une chope vers le trou béant qui lui faisait office de bouche. Bien éduqué, le jeune apprenti guérisseur n’osa pas l’envoyer paître, comportement qui est toujours vulgaire, surtout vis-à-vis d’un seigneur des chevaux. Celui-ci ne cherchait alors qu’une oreille attentive et compréhensible. Vous voyez, sa femme l’avez quitté, cette ingrate, alors qu’il l’engueulait même pas souvent, toutes les mêmes celles-là, il lui avait même offert une bouteille d’un petit vin du Gondor un jour, et pour tout remerciement elle lui avait crié dessus cette pimbêche, ah, il ne comprendrait jamais les femmes, il aurait dû écouter ses amis qui lui avaient dit qu’ils étaient faits pour vivre en bande et pas en couple, ou alors pas longtemps, et… La probabilité qu’il se souvienne de la prime accordée à ceux qui permettraient l’engagement d’une nouvelle recrue était alors de 1 sur 9 476 592. Il s’en souvint. La suite s’enchaîna logiquement et implacablement. Le jeune apprenti fut immédiatement séduit par le discours chaotique et inintelligible du soldat ivre, discours qui faisait tant écho à ses rêves les plus fous. Dès que son acquiescement fut arraché par le brave guerrier, ce dernier le tira alors vers le centre de recrutement le plus proche ; et après maints zigzags à en rendre fou Euclide, ils arrivèrent au logis de son supérieur. Celui-ci grogna contre le non-respect des horaires de recrutement, mais passa tout de même outre son règlement. Le temps de donner quelques vagues indications, de distribuer une liasse de feuilles illisibles et de faire signer l’engagement, et le rouquin était déjà membre des brillantes et hétéroclites armées rohirrims, avec ordre de se rendre à sa caserne de rattachement le lendemain dès l’aube. Cherchant à partager ses émotions avec ses nouveaux camarades, il fut sèchement expulsé dehors, un parchemin fourré dans une poche.

Il ne restait donc plus à sa brave paire de bottes que de retourner dans sa chambre miteuse d’auberge, donnant au passage quelques coups dans les cailloux qui encombraient encore les routes malgré l’heure tardive. Nul chercheur n’a jamais voulu prouver les bienfaits de ce défoulement, notamment dans le cas d’un jeune rouquin persuadé d’avoir fait la plus grosse erreur de sa vie et marqué par le dépit. C’est un tort, mais les subventions ne visent pas en priorité ce type d’études. D’ailleurs, ceci est un tort aussi. Néanmoins, de nombreux philosophes considèrent la mort comme le remède à tous les problèmes, du surplus d’identité capillaire aux soucis intestinaux d’un troll boulimique. De plus, un serpent pas plus gros qu’un doigt et adepte des bons jeux de mots assurait qu’il résolvait toutes les énigmes. Il va sans dire que sa morsure était mortelle. Malheureusement, on ne croise ces reptiles qu’au fin fond du Harad, à mille miles de toute terre habitée. L’option du suicide ne passa même pas par l’esprit plutôt désordonné de la nouvelle recrue. Ce fut donc un anonyme truand qui se chargea de l’affaire. Aimablement, il offrit la nuque du rouquin à la morsure de sa lame. Cette morsure là était mortelle, elle aussi. La dernière pensée de Culgor fut :

« Zut, j’ai encore oublié ma bourse chez le vieux Fastred ! »

Le truand fut déçu.
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