Voyages d'Ewilan

Ewilan marchait avec lenteur dans les montagnes aux neiges éternelles, des flocons lui tombant dessus, le vent ébouriffant sa chevelure d'or et lui coupant le visage par sa froideur glaciale.
Enfoncée dans la neige presque jusqu'aux genoux, elle n'avançait qu'avec difficulté et chaque pas lui coûtait un grand effort.
La neige tombait toujours. Comme pour arranger les choses, le vent, déjà glacial et puissant, se mit à souffler de plus belle, et fit voler la cape de l'elfe, laissant celle-ci à la merci du vent.
Ewilan caressait le fourreau de l'épée offerte par Cìryon. Elle avait forgé le fourreau elle-même avec le plus grand soin. Un petit sourire apparut au coin de ses lèvres : elle n'en avait jamais portée ainsi lors de ses voyages vers sa terre natale et, étonnement, elle s'apercevait que cela lui procurait un sentiment de sécurité.
La neige tombait de plus en plus fort, et dans quelques minutes, il serait impossible d'évoluer dans ce tapis blanc, aussi la jeune elfe se mit à chercher un abri temporaire, le temps que les flocon arrêtent de tomber.
Ewilan eût de la chance : En quelques minutes, elle trouva une espèce de petite grotte, toute petite mais qui lui permettrait de s'abriter un minimum des éléments déchaînés.
L'elfe s'assit dans la petite caverne et attendit. Elle se mit à réfléchir sur les raisons de son voyage. Pourquoi ? Pourquoi tenait-elle tant à revoir ces lieux qui lui étaient si chers, mais qui étaient aussi des terres de deuil, là où elle avait laissé sa famille morte ?
Soudain, sans qu'elle l'aie voulu le moins du monde, un flot de souvenirs la traversa.
Le choc émotif lui aussi fut puissant. Ewilan fut plaquée contre le mur par la force invisible du désespoir, du deuil, de ses souvenirs qui hurlaient
sa culpabilité.

<< Tout ça est de ta faute... Ta faute, tu entends ?? >> ( C'est sa partie "folle" qui parle. )

<< N... Non ! Pourquoi... >> ( C'est sa partie "normale" qui parle. )

<< À cause de toi, ta mère est morte, laissant ton père en deuil, le tuant... >>

Trop choquée pour juger de l'absurdité de la réponse de sa partie folle, Ewilan se prit la tête à deux mains et hurla de rage, de tristesse, de désespoir. De fureur contre elle-même.
Dehors, la neige, semblant indifférente à ses pleurs, continuait de se déposer sur les montagnes.
L'elfe hurlait toujours. Sa rage prenait le dessus. Elle sentait sa raison lui échapper, son esprit basculer vers la folie...

A l'extérieur, loin de ce conflit intérieur qui était en train de subjuguer une elfe, une imposante silhouette avancée, courbée par les rafales, avec l'obstination propre aux peuples les plus vindicatifs. Enfoncé dans des peaux de bête, on pouvait penser au premier abord qu'il s'agissait là non pas d'un homme ou d'une créature de Sauron, mais bel et bien d'une monstruosité encore inconnue. L'homme, car pourtant, c'en était un, culminait à près de deux mètre cinquante de hauteur. Les fourrures qu'il portait laissaient deviner une largeur d'épaule toute aussi impressionnante que sa grande taille, et son visage, dur et fermé, mangé par une barbe de plusieurs jours, ne laissait apercevoir que sa volonté de passer le col. Et, sans relâcher son effort, il continuait à avancer, ses muscles puissants roulant au gré de ses mouvements, témoignant de la vitalité de ce combattant. Son paquetage laissait en effet deviner la forme d'un grand arc, plus grand que tous les autres, et d'une épée gigantesque, aussi haute qu'un homme normal, mais qui paraissait tout à fait proportionnée à ce titan.
Profitant d'un renfoncement de la montagne l'abritant du vent, l'oriental fit le point. Il pensait être sur la bonne route, celle qui le ramènerait chez lui, mais rien n'était encore joué. Cette maudite tempête le ralentissait et l'épuisait petit à petit, et il courrait le risque de se perdre, de glisser,... Une fin indigne de lui, qui ferait honte à ses ancêtres. Il valait mieux faire preuve de prudence. En son for intérieur, tandis qu'il scrutait les alentours à la recherche d'un abri ou passer la nuit, il espérait ne pas avoir trop failli à sa mission. Les pirates des mers du Sud n'étaient pas comme son peuple. Ils n'avaient pas d'honneur, ne pouvaient être tenus en laisse. Il avait abandonné cette triste compagnie non loin des côtes de ce qui avait été l'Isengard, et avait voyagé à pieds, aucun cheval de ces terres n'étant assez grand ou fort pour lui servir de monture, jusqu'à cette montagne.
Il n'avait pas vraiment le choix. Les Rohirims détestaient toujours les Orientaux, et il se refusait de passer par leurs terres. Quant aux Nains... Ils l'auraient sans doute abattu sans autre forme de procès. Et même si ça n'avait pas été le cas, s'il avait pu emprunter la route sous la montagne, l'aurait-il fait? Il ne pouvait que se sentir à l'étroit dans de tels endroits, et détestait ne pas avoir la place de se mouvoir et de se battre comme il l'entendait. Il se ramena à la réalité et au besoin de trouver un endroit ou se reposer, et reprit sa pénible avancée. La neige semblait s'intensifier, ou alors celle qui restait collée à ses vêtements et son paquetage ne faisait que l'alourdir...
Il finit par arriver devant l'entrée d'une grotte. Un peu plus qu'un trou dans la paroi, mais un endroit qui serait toutefois plus sec et abrité que le sentier. Il n'entendit les sanglots et les cris qu'une fois qu'il se fut avancé dans la pénombre: le vent les avait jusque là couverts. Immédiatement, sa main se porta à sa ceinture, dégainant un coutelas à large lame plus grand que certaines épées. Courbé ainsi, progressant avec précaution dans cet endroit exiguë, il parvint jusqu'à...une elfe?
Le géant resté décontenancé devant ce qui était pour lui une minuscule créature des Valars. Il n'avait jamais vu d'Elfe pleurer ou se montrer vulnérable. Il en fut décontenancé. Rengainant son arme (et estimant que le cas échéant, il pouvait compter sur sa carrure pour maîtriser l'Elfe), il déposa son paquetage dans un coin, en silence, et entreprit de construire un petit feu à l'aide du bois qu'il transportait, avant de tendre en travers de l'entrée (en veillant toutefois à laisser l'air circuler), une des peaux dont il était vêtu. Une fois que ce fut fait, il prit la parole, d'une voix grave et rocailleuse.

"Un homme est surpris de voir une elfe dans ces parages... Un homme demande à partager ce refuge avec l'Elfe..."

La construction de ses phrases reflétait une maîtrise assez imparfaite du Commun: il empruntait la structure de ses phrases à sa langue natale, et se contentait d'en traduire les mots. Il n'y avait aucune chance pour qu'il ait compris quoi que ce soit que l'Elfe ai pu crier dans sa langue natale.

"Le nom de cet homme est Kell."

Je poste ici pour annoncer à Ewilan que j'ai modifié le titre du topic en "Voyages d'Ewilan". Les règles du forum demandant un sujet par personnage, tous tes voyages seront donc racontés ici, quel que soit l'endroit où ils se déroulent.

Merci de votre attention, et bon RP à vous!

Ewilan continuait de se battre avec elle-même, en conflit avec son esprit fou qui tendait à la rendre meurtrière. Trop concentrée sur son combat intérieur, elle n'aperçut pas la silhouette pourtant titanesque d'un humain, qui lui parla, en elfique. Une petite part de l'elfe entendit pourtant quelques mots, et, étrangement, très flegmatiquement, elle se demanda pourquoi il lui parlait en elfique, alors qu'elle, parlait très bien l'humain. Une question dérisoire par rapport à la gravité de la situation. La parcelle de son esprit encore lucide mit les choses au clair : elle se trouvait avec un humain trois fois plus grand qu'elle, et elle, elle risquait à tout moment de se transformer en elfe meurtrière, ce qui impliquerait qu'Ewilan s'attaquerait très certainement à l'humain et que ce dernier, ne sachant pas les raisons de sa folie, riposterait certainement. La situation était assez catastrophique et le pire, c'est que l'elfe s'en rendait parfaitement compte.
Tout d'un coup, Ewilan comprit que si elle ne redevenait pas normale tout de suite, les conséquences seraient immenses, et catastrophiques.
La jeune elfe se prit de nouveau la tête entre les mains, sans hurler cette fois. Elle bascula la tête en arrière et serra les dents pour mieux se concentrer.

<< Ce... N'est pas ma faute... >> (<== Pensées)

<< Si ! Ta vie est une infamie... Elle a coûté la vie de ton père ! >>

La mauvaise partie avait touché au but...

<< C'est... Ma... Faute... >>

<< Oui, parfaitement... >>

Ewilan se releva. Elle ne pleurait plus. Elle ne hurlait plus. Calmement, elle tira Nostari de son fourreau, puis en caressa la lame.
L'elfe s'adressa d'une voix rauque, une voix qui n'était pas la sienne, à l'humain.

-Kell... C'est cela ? Oui. Moi, c'est Ewilan. Malheureusement, je crois que je ne pourrai pas vous permettre de rester ici... Mais...

Elle prit son épée et la prit à deux mains, en position d'attaque.

-Mais, à votre cadavre, si !

Sa mauvaise partie avait gagné le combat.

HJ: il y a une petite incompréhension ^^"
Kell sait déjà pas très bien parler le commun (il vient de Rhûn à la base), et il est juste incapable de comprendre quoi que ce soit à l'elfique. C'est pas quelqu'un d'éduqué, loin de là.]


Kell regarda l'Elfe, et marqua un temps d'incompréhension. Cette voyageuse était visiblement très perturbée. Au point qu'au terme de ce qui avait du être un conflit intérieur intense, elle avait tiré une épée, et s'étais mise en position d'attaque. Le géant cessa de réfléchir, ses instincts de guerrier reprenant le dessus. Il était dans une grotte bien trop petite pour qu'il puisse se tenir debout. Dégainer Revanche, sa gargantuesque épée, était hors de question. Il fallait qu'il trouve un moyen de se débarrasser de cette elfe, et rapidement... Un sourire apparu sur son visage.

"L'Elfe veut ma mort... Je suis un guerrier de Rhûn, un Lieutenant du Dieu-Roi. Beaucoup ont déjà essayé de me tuer...aucun n'y est parvenu!"

Il avait arraché la dernière épaisseur de fourrures qui le recouvrait, et l'avait dans le même geste projetée sur son adversaire, espérant disposer d'assez de temps pour couvrir la distance les séparant. Il y parvint. De justesse. La douleur qui irradia de son épaule gauche lui appris que l'épée elfique était tranchante. La blessure n'était pas profonde, juste ennuyeuse, et laisserai une marque de plus sur son corps habitué à la guerre.
En attendant, sa main droite s'était refermée avec la force d'un étau sur le bras armée d'Ewilan, et sa main gauche vint bientôt saisir l'autre. Il souleva l'Elfe de terre comme si elle ne pesait rien, et, d'une voix grondant d'une colère à peine contenue, reprit la parole.

"Et maintenant, petite Elfe... Donne moi une raison de ne pas te démembrer sur le champ..."

Il écarta les bras, tendant le corps de son assaillante, tentant progressivement de se calmer. Il ne savait pas réellement pourquoi il laissait une chance à cette Ewilan. D'ordinaire, il châtiait tout attentat contre sa personne dans le sang et la mort, surtout dans le cas d'un assaut aussi dés-honorable. Sans doute était-ce la voix rauque avec laquelle elle s'était exprimée qui lui laissait penser qu'elle ne devait pas être elle-même. Et puis... Il faisait trois fois la taille de son adversaire, et avait assez de force pour lui arracher les membres. La tuer de la sorte et appeler ça de l'honneur ne lui semblait pas tout à fait juste.
Il fronça les sourcils.

"J'attends, petite Elfe..."

Ewilan se retrouva bien vite en fâcheuse posture... Peut-être que ce fut son instinc de survie qui parla... Peut-être autre chose... Tout est-il que, d'un coup, la raison lui revint et Ewilan parla de sa vraie voix, sa voix d'elfe.

-Ce n'était pas moi...

Ses yeux étaient rouges et sa voix tremblante. Ses poings serrés, elle haletait en attendant la réaction du géant.

[ Oui, elle est immobilisée, elle peut pas faire grand-chose... ]

[HJ: Désolé du retard ^^"]


Kell contempla un instant la fragile créature entre ses mains, confus. Elle semblait revenue à elle... Il avait déjà rencontré des hommes atteints du même mal, mais jamais il n'aurait pensé que les Elfes puissent eux-aussi en souffrir. Il la reposa par terre, sans grande douceur, mais sans violence excessive, avec un grommellement. Son instinct lui disait de l'expédier dans un autre monde sans autre forme de procès, mais une part de lui-même refusait de le faire. Il n'avait jamais eu la chance de côtoyer un membre du peuple elfique de près. Les rares elfes au service de l'Empire l'avaient toujours regardé avec dédain à défaut de pouvoir le regarder de haut, comme la brute qu'il était. Et ils n'avaient pas tort. Il savait être un esprit commun, sans rien de bien particulier. Intellectuellement, il était semblable à tout autre, il n'était guère cultivé, et la plupart des discussions d'état-major lui restaient obscures. Dans la guerre de Torn contre les Rebelles, il n'avait été présent que parce qu'il avait amené le noyau dur de guerriers, rescapés du désastre de Minas Tirith. On ne lui demandait pas son avis, et quand on cherchait son accord, il se contentait de déchiffrer l'expression du Généralissime, et de répondre en fonction.
Dans son monde, on réglait tout par les lames. Les guerres n'étaient que la conséquence de deux chefs refusant de s'affronter, et c'est pour ça qu'il avait toujours respecté Krell et Torn: ceux-là se battaient avec leurs hommes. Et le premier était mort avec eux, comme l'un d'entre eux. Une mort auréolée de gloire, une mort de guerrier. Son monde était teinté de sang, et on lui avait toujours dépeint les Elfes comme des êtres intellectuels, sans prise sur la réalité. Des duellistes, des combattants redoutables, mais sans la mentalité d'un guerrier. Et voilà qu'une minuscule Elfe venait de tenter de le tuer, sans sommation. Elle l'intriguait au plus au point.
Il attrapa l'épée tombée à terre (et qui ne paraissait guère plus qu'une dague entre ses mains), l'examinant. C'était de la belle ouvrage...

"Tu as une belle épée... Cet homme va la garder pour le moment. Par sécurité."

Il la déposa derrière lui avec la déférence d'un guerrier pour une arme, puis ajouta, avec un sourire:

"Je ne vais pas te jeter dehors dans le froid et la mort, petite elfe. Il faut du courage pour se jeter sur moi. Je respecte ça. Tu mérite une mort de guerrier. Pas une mort de paysan."

Il jeta un oeil sur son épaule meurtrie, et, avec un nouveau grognement, se décida à y appliquer un linge pour comprimer la plaie et faire cesser le saignement. La blessure n'était ni large ni profonde, et il avait connu bien pire, mais il savait qu'en s'en occupant, elle guérirait plus vite.

"Qu'est-ce qui t'amène ici, petite elfe?"

Ewilan, les yeux en feu et les mains moites, était misérablement recroquevillée à quatre pattes, haletant, souffrant au plus haut point de sa blessure intérieure : sa mauvaise partie, évaporée provisoirement, la faisait toujours autant souffrir et c'était presque si elle ne se retenait pas de recommencer à hurler et à pleurer.
Elle réussit tout de même à s'asseoir et elle se mit à regarder l'humain.
Une légère appréhension se saisit d'Ewilan quand elle s'aperçut que son épée se trouvait derrière Kell, pour deux raisons : la jeune elfe n'avait pas vraiment compris si le géant avait des intentions pacifiques ou autres, et de plus, Ewilan n'avait pas forgé elle-même la lame, elle lui avait été offerte. De quoi aurait-elle l'air si l'humain ne lui rendait pas l'arme ?
Heureusement pour elle, la stature de Kell la découragea assez facilement et Ewilan resta sagement assise, en silence, les yeux dans le vague.
De nouveau des questions vinrent l'assaillir. Pourquoi, pourquoi, et encore pourquoi ! Toutes sur sa famille. Son père tenait-il plus à sa mère qu'à elle, petite elfe orpheline, toute seule, perdue ?
Pourquoi l'avait-il laissée, alors qu'elle n'avait pas dix ans ?
Pourquoi ?
Ewilan soupira mélancoliquement.

<< J'accuse mon père... >>

Ce fut pour l'elfe une grande déception de s'apercevoir qu'au lieu de penser à l'avenir, elle s'apitoyait sur son sort.
Elle remercia Kell d'un petit signe de tête pour ce qu'on pourrait appeler son "hospitalité", car, comme toute personne censée, l'elfe n'avait pas spécialement l'intention de mourir de froid dehors alors qu'elle avait échappé à la mort... De peu.
L'elfe rejeta une mèche qui lui tombait sur le visage sur le côté.
De nouveau, Ewilan se mit à songer à ses parents, sans pouvoir s'en empêcher.
Et tout d'un coup, l'elfe s'aperçut d'une chose.
Depuis que son paternel était mort, elle n'avait jamais cessé de penser à lui.
Ewilan se rendit compte qu'au lieu d'aller de l'avant, elle avait choisi de rester face à son passé, sans l'affronter, sans choisir une nouvelle voie, une nouvelle chance, une nouvelle vie.
Quand Kell lui posa une question, Ewilan avait déjà trouvé la réponse, et elle parla avec une profondeur et une maturité qui l'étonnèrent bien...

- Je vais à Eregion, à Eregion trouver la tombe de mes parents décédés. Jamais je ne les oublierai : je viens ici tous les ans. Puis-je vous confier quelque chose ?

Sans attendre la réponse du géant, Ewilan poursuivit.

- Tous les ans, je vais là-bas, pleurer deux cadavres, deux morts qui ne reviendront jamais. Et maintenant, je me rends compte à quel point je m'étais trompée.
Mon père est dans mon cœur, il n'y a que cela qui compte.
Le reste est infamie.
Je continuerai à aller sur sa tombe, je ne peux m'en passer.
Mais le jour où je n'aurai plus besoin d'aller voir sa tombe, j'aurai enfin grandi.

Le géant haussa un sourcil en écoutant l'Elfe, finissant de s'occuper de sa plaie. Elle serait vite guérie: la lame de l'Elfe était plus tranchante qu'un rasoir, la blessure était nette et propre.

"Dans l'Orient, on n'enterre que les plus grands hommes, parce que beaucoup de tribus sont nomades. On ne construit des tombeaux que pour les êtres exceptionnels."

Il tira de son sac un morceau de pain, du fromage, un peu de jambon, qu'il déposé sur un linge entre lui et Ewilan.

"Mange petite elfe... Tu vas avoir besoin de force pour aller jusqu'en Eregion et revenir d'où tu viens."

Il étala un peu de fromage sur un morceau de pain, avant de continuer à parler.

"Les Chamans disent que quand on accomplit les bons rituels, l'Esprit du mort voyage jusqu'aux étoiles, et qu'il continue d'observer le monde. Et, avec d'autres rituels, on peut faire appel à ces esprits, leur demander de venir nous parler."

Il ne put retenir un frisson. Ce genre de choses ne le mettait pas très à l'aise. Il n'avait peur de rien, tant qu'il pouvait voir son ennemi et le trancher en deux. Mais la magie lui échappait totalement, et ne le mettait pas à l'aise.

"J'ai déjà vu ces rituels... J'ai entendu un mort me parler. Si ton père te manque autant, tu devrais chercher un Chaman. Peut-être qu'il pourra t'aider dans ta quête."

Il avait senti que quelque chose avait changé dans l'attitude de l'Elfe, mais ne savait pas trop s'il pouvait ou non parler. Il connaissait ses propres limites. Il opta finalement pour le sourire le plus rassurant qu'il pu conjurer. Elle était définitivement intrigante. Il gardait à l'esprit qu'elle avait tenté de l'embrocher un peu plus tôt, et n'était pas disposé à lui faire confiance tout de suite. De toute façon, il y avait fort à parier qu'ils se sépareraient le lendemain, et partent dans des directions opposées.

[ HS : Désolée du retard, ces temps-ci j'étais super occupée. ]

En fait, Ewilan n'écoutait plus le géant.
Elle était partie ailleurs, dans ses pensées. L'elfe ferma les yeux et s'appuya sur la paroi de la grotte.
Des paroles et des bruits lui parvenaient de "l'extérieur", mais elle n'y prêtait plus vraiment attention.
Des images, des voix, défilaient dans sa tête et cela lui plaisait. Quelle sensation exquise ! Il lui semblait revivre des moments de sa vie, les moments les plus doux.
Était-ce la mention de son père, répétée encore et encore, qui lui faisait cet effet ? Ewilan n'en avait aucune idée, mais cela n'avait pas vraiment d'importance, après tout.
Il lui semblait revivre des heures, voire des journées entières en compagnie de son père.
L'elfe regardait ces moments avec mélancolie, mais son cœur était rempli d'allégresse. Mélancolie et allégresse, y a-t-il plus difficile à réunir ?
Quoi qu'il en soit, Ewilan aurait volontiers accepté de rester toute sa vie dans ses visions, si le jour du décès de son père n'était venu. Mais il vint, et l'elfe se sentit incapable de supporter une deuxième fois la mort de son père.
Elle rouvrit soudainement les yeux et se rendit compte, à son grand étonnement, que seulement quelques secondes s'étaient écoulées alors qu'elle avait l'impression d'avoir revécu plusieurs mois.
Quand elle reprit ses esprits, Kell venait de parler d'un chaman qui pourrait l'aider à parler à l'esprit de son père.
Ewilan cligna longuement des yeux, un rien étonnée.

- Mais voyons... Parler à l'esprit de mon père ne ferait que renforcer les liens émotionnels qui me rattachent à son souvenir. Le temps de lui parler, peut-être serais-je heureuse, mais après il me manquerait plus encore. Comprenez-vous ?

L'elfe sourit, et se demanda si sa formulation était assez claire pour que le géant puisse la comprendre.