L'ombre sur les Landes [PV PNJ Gororgh]

Le voyage avait été long et éprouvant pour Saroumane, et pourtant, il ne semblait pas fatigué lorsqu'il arriva. En effet, sa rage de vaincre et sa soif de pouvoir ne s'étaient pas taris, et ces longs jours de traversée d'Arda lui avaient permis de beaucoup réfléchir sur son plan. Il savait que le Seigneur des Ténèbres, son nouveau Maître à présent, avait placé beaucoup d'espoir sur lui et sur la quête qu'il allait commencer, et il ne comptait en aucun cas le décevoir pour, par la suite, subir ses foudres. Généralement, le sort réservé à ceux qui échouaient était funeste et brutal : ils étaient torturés, insultés, et pour certain tués (suivant l'ampleur de leur défaite, pour une bataille, ou de leur échec, pour une mission).

C'est ainsi, qu'il avançait, sur le dos de son cheval, à travers les montages. Ces routes, il les connaissait par cœur. Aucun chemin n'avait de secret pour lui dans les Terres du milieu, lorsqu'il marchait, il ne pensait pas à sa direction tant cela se faisait naturellement. C'est tout, avec autant de naturalité, qu'il arriva à destination, parmi monts et roches. Il se trouvait face à une grotte obscure et profonde, dont il savait bien qu'il s'agissait de l'entrée du village des barbares sous les montagnes des Landes d'Etten.

Ce village de barbares était dirigé de la main de fer de Gororgh, Numénoréen noir, qui s'activait à entretenir avec beaucoup d'ardeur le culte de celui qui l'avait toujours guidé: Melkor, et qui vouait une grande fidélité à son représentant en Arda, Sauron. Cependant, ces derniers temps, son peuple s'était terré discrètement dans les montagnes après que leur culte fut interdit, et l'on n'entendit plus parler d'eux depuis un moment. Mais le Seigneur des Ténèbres avait vu juste, ces hommes de différents horizons avaient soif de vengeance, et Curunir connaissait leur noir dessein. Ils répondraient à l'appel du Mordor, et ce sans hésiter.

Le Maia prit son bâton de la main droite, et donna un coup du bout sur la paroi de l'entrée de la grotte. Ceci eut pour effet de dissiper peu à peu les ombres qui s'y trouvaient, et de dévoiler l'escalier menant à leurs retranchements souterrains. C'était un subterfuge de Morgoth, qui avait placé ces ombres afin que jamais on ne les trouvât ici. Le mage s'avança, et descendit les escaliers marche après marche jusqu'à arriver à l'entrée du village, gardée par deux hommes d'au moins deux mètres, les bras aussi larges que les rondins qui formaient la porte de l'entrée de la ville. Saroumane s'adressa à eux en ces termes :

"Sauron m'envoie. Guidez-moi jusqu'à votre chef, Gororgh."

Ainsi, et ce sans hésiter, mais en gardant toujours leur air féroce sur le visage, ils firent ordonner d'ouvrir la porte et un petit homme chétif se présenta. Il dit être un des serviteurs personnels du chef barbare, et accompagna donc le Sage à travers la foule jusqu'à une bâtisse creusée dans la roche, assez imposante. Le serviteur dit au Mage de patienter ici, et il entra dans l'habitation troglodyte pour aller prévenir son chef de l'arrivée du Conseiller Noir.

Un grand homme, de peau de bêtes vêtu, s'avança alors vers le Mage. Saroumane n'avait pas changé de posture, et la stature du chef Barbare ne l'apeurait guère : au contraire, cela venait de lui donner un sentiment de confiance pour ce qui allait suivre dans les mois à venir. Avoir un tel colosse à ses côtés était un énorme avantage, que le Sage sut immédiatement flairer.

Soyez le bienvenu mon seigneur, je suis Gororgh, chef de ces lieux bien modestes pour les honorer par votre présence…

Suivez-moi, allons dans un endroit plus confortable et discret.

Ainsi, le géant s'inclina devant le Maia qui lui rendit la pareille d'un simple petit geste de la tête. Curunir savait bien qu'il devrait se montrer plutôt agréable vis-à-vis de son hôte, car il en avait besoin, et il savait comment faire pour arriver à ses fins. La manipulation des esprits était en effet une spécialité de Saroumane qui suivit Gororgh dans la foule. Foule qui se faisait de plus en plus dense autour des deux êtres, comme des mouches s'agglutinant autour d'un morceau de verre réfléchissant la lumière.

Laissez-nous !

Laissez-le respirer enfin !

Et ainsi ils s'exécutèrent et se dispersèrent peu à peu, non sans lâcher quelques paroles entre eux et quelques regards, à la fois craintifs et plein d'admiration : ils avaient peur de Saroumane, et en même temps ils voyaient en lui leur sauveur.

Veuillez les excuser mon seigneur mais vous savez, nous avons tellement d’espoirs placé en vous…

Le Mage ne réagit que trop peu, et lui lança un simple regard en guise d'acquiescement. Il n'était pas du genre à parler quand il ne le fallait pas, et ne s'exprimait que pour dire le nécessaire et éclairer les esprits de son savoir (même si la parole "assombrir" aurait pu sembler plus d'actualité qu'éclairer). Ils arrivèrent finalement dans une maison assez simple d'apparence, avec une décoration bien caractéristique du village et des peuples barbares.

Prenez place mon seigneur, alors quels sont les ordres du Mordor ?

Et tandis qu'ils prirent place, le colosse commande à une servante de leur apporter des vivres afin que le Mage se sustentât et reprit des forces.

Je serai bref et précis. Votre accueil chaleureux ne me sera que peu utile car le temps m'est compté. J'ai besoin de vous, Sauron a besoin de vous, le Mordor tout entier nécessite votre aide. Tous vos guerriers les plus braves seront sollicités. Depuis trop longtemps vous avez étés forcés à errer et trainer dans les profondeurs des Monts d'Angmar attendant que votre Salut n'arrive : ce jour est proche, et vous en serez des acteurs principaux.

La servante arriva et déposa sur la table basse devant les deux interlocuteurs une cruche d'eau, une autre d'une boisson assez liquoreuse et, semble-t-il, alcoolisée (comme une sorte de bière, mais plus épaisse) ainsi qu'une assiette en bois sur laquelle étaient posées un tas de morceaux de viande braisés. Elle disposa aussi deux verres et une fourchette en face de chacun des hommes. Saroumane attendit qu'elle s'éloignât pour reprendre son discours :

Votre objectif sera le suivant : tandis que de mon côté j'irai à Carn Dûm pour y parlementer avec les Nobles de la cité, vous et vos Hommes serez affectés à vandaliser les voies commerciales, les sites miniers, les industries ...etc.
Cela devra se faire par vague successives. Répartissez vos hommes à travers le territoire, et en des points stratégiques, mais avant tout, essayez de ne pas vous faire trop remarquer. Il faut que le peuple d'Angmar commence à ne plus se sentir en sécurité et comprenne que la politique de leur Roi déchu avait mis en place n'est plus à même de les protéger.
Ainsi, la discorde sera semée et le trouble aura envahi les coeurs. Et le plus important : nous forcerons une partie des forces armées du territoire à vous rechercher, mais votre connaissance des montagnes sera votre avantage pour leur échapper et les distraire. Vous serez le vent, la tempête qui ravagera ces terres.

Entendu mon seigneur, nous partirons demain matin avec mes hommes  sur le site minier de Himbar, nous le mettrons à feu et à sang !

La hâte de Gororgh mit du baume au coeur à Saroumane qui se frotta les mains en signe de satisfaction de ce qu'il venait d'accomplir. Le début de la mission que lui avait confié le Seigneur des Ombres était un succès, et il ne comptait pas s'arrêter de si tôt, bien au contraire, il était déjà prêt à continuer sa quête et comptait bien la mener à la réussite. Il regarda le barbare frapper du poing sur la table et eut un léger rictus qui traduisait toute sa haine et sa rage. Depuis son changement d'état, le Sage semblait apprécier ce genre d'élan quelque peu belliqueux et hargneux, cela lui conférait une force qu'il n'avait encore jamais soupçonné.

Ravi de vous voir réagir de la sorte, mon ami. Le site minier de Himbar me semble être en effet un premier point d'assaut plutôt bien choisi. La garde n'y est que peu présente, et vous n'aurez aucun mal à vous en débarrasser dans la discrétion et la rapidité.

Saroumane lui lança son regard le plus fier et le chef des barbares acquiesça à ses paroles avant de lui répondre :

En attendant si vous voulez reprendre quelques forces vous avez une maison de libre juste à côté de la mienne pour y passer la nuit, je vous l’ai faite préparer.

Le Mage sombre ne comptait cependant pas rester une minute de plus. Il était bien trop motivé et enjoué pour rester ici dormir. De toute façon, il avait eu le temps de prendre un peu de repos sur la route, et bizarrement, il ne ressentait que peu la fatigue. La partie du pouvoir de Melkor qui se trouvait en lui lui conférait une endurance au sommeil, à la faim et à la soif à toute épreuve. Ses instincts primitifs lui étaient beaucoup plus aisément domptables.

Je me dois de refuser votre proposition. Je n'ai pas une minute à perdre. De plus, voyager de nuit me sera favorable : les hommes craignent la nuit, or nous, elle nous porte. Je ne suis plus très loin de la citadelle, je vais partir tout de suite pour continuer ma quête de mon côté.

Ainsi, il se leva de là où il était assis et s'approcha de l'entrée de la maison creusée dans la roche.

Je compte sur vous et vos hommes. Vous ne devez PAS me décevoir. Le Mordor vous fait confiance.

Après ces quelques mots, il s'en alla rejoindre l'entrée de la ville troglodyte en se frayant un chemin au travers de la foule admirative jusqu'à atteindre les escaliers qu'il grimpa avec vigueur pour finir par arriver à l'entrée de la grotte où se trouvait son cheval attaché. Il grimpa dessus et prit alors la route jusqu'à Carn Dûm. Au loin, on entendant déjà le bruit sombre des galops de son destrier noir.