Chroniques d'Arda
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 Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]

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Thais Lælias
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MessageSujet: Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]   Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar] EmptyJeu 12 Nov 2015 - 23:30


Qu’avait-elle fait pour mériter cela ? Mal à l’aise au milieu de tous ces inconnus, incapable de supporter ces centaines de regards dérobés qui se posaient sur elle, la caressaient, ou pour certains, la déshabillaient, Thaïs tentait tant bien que mal de garder une contenance digne de la princesse héritière du plus puissant Empire d’Arda. Chose difficile quand on devait essayer de manger selon des rituels aussi complexes. Qui dont avait décrété que certains plats ne se mangeraient que de la main gauche, et sans couverts ? Elle détestait le Harad. Elle détestait ce climat trop chaud, cette chaleur étouffante que n'arrangeaient en rien ses robes. Elle portait pourtant sa tenue d’apparat la plus légère, la plus aérée. Et pourtant, tout la journée, la chaleur l’avait assaillie. Pour la première fois de sa vie, elle avait transpiré. Elle se sentait poisseuse, son teint de porcelaine devait être gâché par le rouge de ses joues.
Elle avait plaint les gardes de son escortes, sous leurs armures lourdes. Puis, la journée passant en rencontres protocolaires interminables, elle avait cessé de le faire. Eux se faisaient régulièrement relever, pouvaient renverser des sceaux d’eau sur leur tête, tremper leurs vêtements d’eau fraîche. Elle, en revanche, n’avait aucun répit. Aucune chance de se rafraîchir. Elle avait attendu le soir avec impatience, prié pour que cet enfer refroidisse. Et, quand la soirée était venue, elle avait ardemment regretté chacune de ses prières.

Elle n’avait pas l’habitude d’être incommodée par le climat. Née et élevée à Minas Tirith, elle était habituée à son climat doux, et ses hivers froids sans être rudes. Après cette journée dans la fournaise d’Umbar, sa tenue était légèrement humide. Elle avait peu sué, encore que si on lui eut demandé son avis elle aurait répondu qu’elle était en nage, mais cela suffisait désormais à la transir. Elle était régulièrement parcourue de frissons sous la chaleur nocturne. Elle était lasse.
Lasse de cet inconfort. Lasse de ces gens qui la regardaient comme un animal de foire, lui rappelaient qu’elle était différente. Qu’elle n’appartenait pas plus au monde des hommes qu’à celui des Elfes. Ses yeux d’ambre aux reflets d’or étaient trop grands pour être ceux d’une jeune femme. Ses formes naissantes étaient celles d’une humaine, contrairement à la finesse de sa silhouette et de ses traits. Elle était belle. Elle le voyait dans le regard des hommes. Elle le lisait dans le mépris jaloux des filles de son âge.
Elle avait grandit seule, rejetée à cause de cette apparence. Et maintenant, son père, Empereur de l’Ouest, avait décidé de célébrer la signature d’un traité avec Tulkor par un voyage protocolaire.
Le souverain du Sud l’avait reçu rapidement, dans la matinée. Depuis, elle avait enchaîné les réceptions, avec une foule de courtisans et de nobles locaux aux noms impossibles à retenir. Elle avait l’impression que cette journée en avait duré trois. Pourquoi son père avait-il décidé de l’arracher à la douce souffrance de sa solitude ? Pourquoi l’envoyer ainsi dans cette région, dans un monde dont elle ne maîtrisait aucunement les coutumes ? Que lui avait-elle donc fait pour qu’il la délaisse ainsi, et ne se souvienne de son existence que pour la tourmenter ? Était-ce parce qu’elle était née femme ? Aragorn parlait souvent avec Eldarion, entraînait le jeune demi-elfe à l’art du combat, pendant qu’elle n’était qu’une ombre en arrière-plan.

Elle sentit une vague de tristesse la submerger, et se maudit d’avoir tenu un tel train de pensées. La mélancolie montait en elle comme une vague. Elle savait ce que cela voulait dire, et elle détestait cela. Elle était incapable de maîtriser ce genre d’émotions. Rassemblant ce qui lui restait de maîtrise de soi, elle s’excusa auprès de ses voisins de table de quitter ainsi une conversation qu’elle ne suivait pas, se leva, et se dirigea vers les jardins suspendus attenants. Elle passa les gardes postés aux entrées, et avança sous le couvert des fleurs qui lui avaient parues si belles dans les premiers moments de la journée, jusqu’à un banc isolé.
Elle s’assit dessus, délicatement, tenta un dernier effort pitoyable pour garder le contrôle de soi, puis fondit en larmes, enfouissant son visage dans ses mains, sanglotant aussi silencieusement que possible. Elle se sentait seule. Si seule. Pas la moindre confidente dans sa vie, pas le moindre ami. Juste la politesse forcée des serviteurs et les rires moqueurs des enfants.
Était-elle responsable de son état ? Avait-elle choisie de naître ainsi ? Méritait-elle cela ? De grandir pour devenir une adolescente triste, esseulée dans un monde qui ne voulait pas d’elle ? Elle aurait mille fois préférée naître ordinaire, et connaître l’affection d’un père, les joies simples des jeux, et l’amitié des autres. Tout, plutôt que ce tourbillons d’émotions contraires qui prenaient le dessus sur elle, ou au contraire la fuyaient, la laissant dans une bulle aseptisée.

Le flot de larmes se tarit. Elle revint progressivement au monde autour d’elle, releva doucement la tête, écarta lentement les doigts devant ses yeux, craignant de découvrir devant elle une assemblée, ou même une seule personne. Il n’aurait plus manqué à cette journée qu’on la découvre dans cet état. Elle serait la risée de tout Umbar. Elle embarrasserai son père.
Fort heureusement, il n’y avait personne. Elle laissa un soupir de soulagement sortir de sa poitrine, avant de contempler le désastre. Ses yeux devaient être rougis de larmes, lesquelles n’avaient pas épargné sa robe. Elle se releva, contempla d’un air résigné le mascara sur ses mains, puis se dirigea vers une fontaine, pour s’y laver les mains et le visage.

Elle apprécia le contact de l’eau fraîche sur son visage comme jamais auparavant. Alors qu’elle ouvrait les yeux, le visage trempé, un de ses rares sourires parfaitement honnêtes illuminant son visage angélique, elle sursauta. Face à elle, a fille de leur hôte, ou d'un autre courtisan, elle n'en avait pas la moindre idée, une princesse suderonne dont elle n’avait pas retenu le nom. Elle resta interdite face à celle-ci, dans sa robe ruinée, le visage trempé.
À nouveau, la soirée lui parut bien fraîche...

«Je...»

Que dire ? Que faire ? Il n’y avait pas de protocole qu’elle ait pu apprendre pour ce genre de situation. Elle se sentait démunie, ridicule. Elle baissa les yeux. Se prépara à la moquerie, au commentaire cinglant qui ne manquerait pas de fuser. Sur quoi porterait-il ? Sa tenue ? Son apparence ? Le fait qu’elle se soit contenté d’imiter un poisson hors de l’eau une fois surprise ?
Elle serra les poings, contemplant le sol à ses pieds.


Dernière édition par Thais Lælias le Lun 16 Juil 2018 - 20:02, édité 1 fois
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Sahar Azalaiah

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MessageSujet: Re: Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]   Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar] EmptyLun 16 Nov 2015 - 11:33

Dans l'ombre, Sahar avait souri. Le voilà, son reflet inversé, tout son contraire, son antithèse. La blanche, pâle, fine demoiselle du nord regardait la petite suderonne grassouillette sous ses beaux voiles bariolés. L'une en grand désarroi, le visage encore trempé, les yeux tous rougis de larmes amères, l'autre rieuse et languide à l'ombre du porche qui s'ouvrait sur les jardins. Sans bruit, ses pieds nus glissant sur la pierre, Sahar n'avait pu s'empêcher de la suivre quand elle s'était éclipsée sans rien dire, parce que cette semi elfe la fascinait autant qu'elle l'intriguait, et aussi et surtout parce qu'il y avait tant de tristesse froide dans ces beaux yeux fauves que c'en devenait aussi palpable qu'une note lancinante et grêle qui l'aurait enveloppée toute entière. Elle avait peut être pitié, qui sait, mais elle cédait surtout à l'un de ces caprices qui se levaient aussi rapidement qu'un vent de tempête dans cet esprit déjà saturée de fumerolles. C'était peut être le khât, c'était peut-être l'alcool qui parlait pour le reste, mais qu'importait : Sahar avait mal au coeur rien que de la regarder, elle et ses petites mines trop dignes de gosse trop vite grandie, sa raideur de fille du nord sous ses boucles blondes et ce regarde vide de petite fille qui ne s'était jamais amusée.

Quelque chose l'avait frappée, peu à peu, alors qu'elles évoluaient un peu en parallèle au fil des réceptions et des absurdités protocolaires auxquelles on se pliait en présence d'étrangers : elle était seule, la princesse de l'Ouest. Personne ne semblait vraiment proche d'elle, personne pour un geste aimable, un sourire sincère, une parole douce. C'était tellement triste à observer.

Alors, dans l'ombre, la petite princesse rit, très doucement. Sa silhouette déjà toute en rondeurs apparaissait à demi dans la lueur résiduelle qui filtrait hors des grandes persiennes baissées et des moucharabieh délicatement sculptés. Un vestige de lumière, doré, ambré, soulignait les broderies précieuses des soieries et des voiles, les perles, les colliers et les gorgerins d'or et d'émaux fabuleux. Les feux rasants se glissaient, indiscrets, jusqu'à fleur de peau à travers ces épaisseurs qui couvraient d'un rien sa peau de sable blond, si bien que dans la nuit claire, quelques reflets chatoyants la faisaient paraître couverte de poussière d'or. Le henné noir qui couvrait la paume de ses mains et traçait une multitude de motifs fabuleux sur ses doigts, ses chevilles et jusque à son visage achevait de faire sembler si irréelle cette apparition souriante dans le noir.

Négligemment appuyée contre une colonne, elle avait croisé ses bras sur sa poitrine. On eut dit un chat, avec cette même superbe arrogance emplie d'une molesse charmante, la même impertinence un rien cruelle au fond de ses yeux d'ambre fauve.

- Tu te débrouilles bien, jusque là. Je crois que personne n'a rien remarqué, ils sont trop occupés à se gaver et à flagorner auprès de ton père.

Sa mère lui aurait arraché les yeux si elle avait appris que sa fille s'adressait avec si peu de déférence à l'héritière de l'Empire de l'Ouest, mais Sepher avait le bon goût de ne pas être là, aussi cela n'avait aucune importance.

- Ne t'en fais pas. D'ici quelques heures, ils seront tous trop ivres et trop gavés pour remarquer quoi que ce soit. Ton calvaire est bientôt fini, et le mien aussi, d'ailleurs.

Ce disant, elle s'approcha, glissant comme une ombre dont les voiles chatoyaient dans le noir. Les lueurs accrochaient des reflets d'or, de perles, de broderies précieuses, des froissements métalliques et des chuchotements de bijoux entrechoqués. Elle ôta les lourds bracelets qui lui ceignaient les poignets, et se pencha au-dessus de la fontaine pour y boire à même le jet, sans se soucier d'y laisser tremper le bout de quelques longues mèches noires qui se défirent de sa coiffe et de son voile.

- Je peux rester avec toi, si tu veux. On ne viendra peut-être pas t'embêter si je reste là. Tu n'auras qu'à dire que tu voulais visiter les jardins, et comme ça personne ne verras que tu as pleuré.


Sahar ne brillait pas par son tact, comme souvent, mais elle avait le mérite de la franchise. Sa belle voix profonde au timbre grave et chaud roulait les syllabes et les mots avec ce fort accent qu'ont toujours les haradrim quand ils parlent le commun : c'était une voix de récitant, de poète, qu'on eut plaisir à écouter chanter.
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Thais Lælias
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MessageSujet: Re: Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]   Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar] EmptyLun 16 Nov 2015 - 11:33


La moquerie ne vint pas. L’adolescente face à elle laissa tomber quelques paroles d’une belle voix, grave, chaude, chantante. «Tu te débrouilles bien». Thaïs releva les yeux, surprise. Face à elle, la suderonne était appuyée avec nonchalance sur une colonne, les bras croisés sur une poitrine ronde. Ses voiles laissaient deviner une silhouette que la demi-elfe aurait qualifié de pulpeuse. La peau mate de la nouvelle venue était couverte de motifs étranges, tarabiscotés, qui avaient sûrement une signification dans cette culture étrange.
Elle ne répondit rien. Qu’y avait-il à répondre ? Son esprit fonctionnait à toute vitesse. Que voulait cette petite princesse sortie de nulle part ? «Ne t’en fais pas. D’ici quelques heures, ils seront tous trop ivres et trop gavés pour remarquer quoi que ce soit. Ton calvaire est bientôt fini, et le mien aussi d’ailleurs». Ainsi elle aussi se trouvait prisonnière de cette soirée ? Une lueur de méfiance passa dans les yeux ambrés de Thaïs.
Elle ne connaissait nullement l’histoire de cette fille, mais son assurance parlait pour elle. C’était quelqu’un qui jouissait d’une certaine expérience de la vie. Qui avait l’habitude de parler aux autres. Qui se permettait de s’adresser à elle de cette façon ? Elle, Thaïs Lælias, Première du Nom, Princesse de l’Ouistrenesse, jeune femme oubliée régnant sur quelques hectares de jardin et une chambre où on l’oubliait ? Le brusque rappel de sa situation provoqua en elle un sursaut d’orgueil, et elle tenta de reprendre le contrôle de la situation.
Sa voix, en comparaison de celle de la suderonne, paru être le produit de quelque être de cristal. C’était une voix douce, mais froide, belle, musicale sans chanter, distante.

«Pardonnez-moi, mais j’ai rencontré tant de gens aujourd’hui que je ne sais pas à qui je m’adresse. En revanche, vous devez savoir qui je suis ?»

Elle ne répondit pas. Elle se contenta de s’approcher d’elle, telle un spectre. Ses pieds bruissaient sur le sol avec l’élégance tranquille d’un chat. Si Thaïs paraissait sculptée dans quelque formidable roche, aussi belle qu’inaccessible, la jeune femme face à elle irradiait de chaleur, de vie. Elle la regarda boire, trempant sans complexe voiles et cheveux dans le bassin. La gorge de la princesse se fit plus sèche. Elle mourrait de soif, mais refusait de se laisser aller à boire ainsi.
Loin de répondre à sa question, et au reproche implicite quant au non-respect du protocole, la suderonne lui parla à nouveau avec désinvolture, comme l’aurait fait... une amie ?

«Je peux rester avec toi, si tu veux. On ne viendra peut-être pas t’embêter si je reste là. Tu n’auras qu’à dire que tu voulais visiter les jardins, et comme ça personne ne verra que tu as pleuré.»

Thaïs en resta sans voix. Les paroles de cette mystérieuse jeune femme lui firent tour à tour l’effet d’un coup de poing dans l’estomac, puis d’un baume chaud et apaisant sur le coeur. Le ton semblait sincère. À moins que ce ne fusse l’amorce d’une farce bien cruelle dans laquelle elle n’avait malheureusement pas d’autre choix que marcher. Elle soupira, se rassit sur le banc, et arrangea machinalement sa robe, quand bien même c’était futile : l’étoffe était tachée du noir qui n’entourait désormais plus ses yeux. Elle se dit qu’elle devait être pathétique, un moineau mouillé surpris par un chat.
Quand elle osa enfin parler, sa voix était différente. Comme si le cristal de ses cordes vocales était brisé. Une voix dans laquelle perçaient timidement ce timbre rocailleux des personnes tristes.

«Ça se voit tant que ça ?»

Elle ne put retenir quelques notes d’un rire triste. Évidemment que cela se voyait tant que ça. Elle était seule, elle venait de tremper le visage, ses yeux étaient rougis par les larmes, lesquelles avaient non seulement trempé son bel habit, mais y avaient en plus transféré ce que sa suivante avait jugé nécessaire de lui appliquer sur le visage. Elle avait perdu toute contenance, et qui sait si l’adolescente face à elle n’était pas déjà en train de l’observer tandis qu’elle laissait s’échapper toute cette tristesse ?
Elle releva à nouveau les yeux vers la suderonne. Celle-ci semblait si à l’aise avec elle-même, malgré ce que beaucoup auraient à la cour de Gondor relevé comme défauts. Et, surtout, elle ne décela aucune méchanceté dans ces yeux sombres. Une part d’elle-même s’accrocha à l’espoir mainte fois déçu d’être acceptée, et ce fut d’une voix mal assurée, tremblante, qu’elle lança sa bouteille à la mer.

«Tu... Tu voudrais rester avec moi ? Vraiment ? Je...»

Elle déglutit. Peina à prononcer la fin de sa phrase.

«Même si je suis...anormale ?»

Elle avait hésité. Monstre. Bizarre. Grotesque. Fielleuse. Elle les avait tous entendu de la part des enfants de la noblesse impériale. Elle avait vite compris combien les jeunes personnes pouvaient être méchantes avec les gens différents. Les yeux remplis d’espoir, elle attendit une réaction...
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Sahar Azalaiah

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MessageSujet: Re: Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]   Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar] EmptyLun 16 Nov 2015 - 11:35

Sahar sourit un peu, quand Thaïs opta pour la défense la plus protocolaire possible, malgré sa mine défaite et sa robe froissée. Elle avait du courage, et c’était à la fois très beau et très triste à voir que même dans cet instant de déréliction totale, la princesse prenait le parti de s’en tirer avec les honneurs et de répliquer avec une dignité de grande dame. A croire qu’elle ne lâchait jamais du lest, la pauvre, ou du moins pas quand il y avait quelqu’un pour regarder. Mais la haradrim ne se faisait pas de souci, et s’intimidait encore moins de l’aura glaciale qui émanait de la jeune fille : déjà parce que la drogue lui embrouillait assez l’esprit pour faire taire toute prudence, et ensuite parce qu’elle savait y faire pour enjôler les plus chagrins. Sahar avait déjà saisi à cet âge qu’un joli sourire et une personnalité aussi chatoyante que la sienne pour parvenir sans effort à contourner les réticences.

Et puis, sans se départir de son sourire de sphinx, elle regarda Thaïs se déliter comme un château de sable assailli par la marée. Les apparences fondirent comme neige au soleil, la reine de givre s’en fut, laissant derrière elle, comme un squelette, une coquille, cette petite jeune fille pâle comme le sable sous la lune avec ses cernes noirs de fard passé. La voix s’était brisée, avait volé en éclats comme un verre qui se fracasse, et les échos hantaient encore les murmures de la fontaine. Il y avait une douceur presque maternelle dans les longs yeux de Sahar quand elle se pencha vers elle pour observer le visage de sa nouvelle compagne avec une attention dépourvue de tout jugement.

— Les yeux rouges, et le khôl qui s’enfuit, ma sœur, dit-elle en rajustant une mèche sur le front de Thaïs. Tu n’as même pas l’excuse du haschich et du khât pour justifier ta mine.

Agir comme si de rien n’était, comme si tout était naturel et qu’elles se connaissaient de longue date : une recette durement éprouvée, Sahar avait toujours fait ainsi et c’était parfois ce qui marchait le mieux quand il s’agissait ou bien de s’imposer, ou bien de passer outre les remparts de l’étiquette et de la bienséance pour toucher, d’une façon ou d’une autre, l’être humain caché derrière toutes ces apparences. Thaïs avait l’air d’avoir besoin de cela, cruellement, désespérément.

La petite voix étranglée qui osa poser la question finale aurait crevé même un cœur de pierre. Comment rester insensible à cela ? Et que lui répondre ? Elle rit, longuement, avec une chaleur communicative.

— Dieux, fit-elle en faisant mine de s’essuyer les yeux, si toutes les filles de notre âge étaient aussi anormales que toi, les jeunes gens auraient du souci à se faire. Tu dois mieux savoir que moi de quoi tu parles, mais je peux t’assurer que vu d’ici, tu n’as rien d’anormal.

Une pause, elle leva les yeux vers le ciel tout frémissant de brises marines, piqueté d’étoiles.

— Enfin, pas plus que moi.

Ses yeux s’étirèrent un instant vers elle dans un clin d’œil assorti d’un petit sourire encourageant. Bien sûr que Thaïs était anormale, à ses yeux. Blonde comme elle n’en avait jamais vu, blanche comme elle n’en avait jamais rencontré, elle n’avait rien de commun avec les petites dames suderonnes à la peau brune et aux yeux noirs que Sahar côtoyait depuis l’enfance. On cherchait en vain les rondeurs qui viennent souvent très tôt à ces oiselles de sérail qui pavanent lentement leurs voiles sous les colonnades des palais, leurs traits âpres et fiers et leurs beaux profils d’oiseau de proie dont les poètes aimaient à louer le charme sauvage. Sur ce front de porcelaine, la chevelure ne roulait pas en épais écheveaux de crin noir et brillant, mais s’effilochait en boucles légères et presque incolores à force d’être claires : cela manquait de couleur, cela manquait de matière, mais cela était beau à l’œil, beau comme le sont les grands cygnes et les objets qui tranchent et qui coupent, ceux qu’on aurait taillés dans le plus pur des cristaux.

— Quitte à proférer des mensonges, autant qu’ils soient vrais à demi, reprit Sahar en bondissant sur ses pieds nus. Veux-tu marcher un peu ? Si on te cherche noise, je dirais que c’est de ma faute. Mes parents ont l’habitude, et après tout : je fais mon devoir d’hôtesse, pas vrai ?
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Thais Lælias
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MessageSujet: Re: Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]   Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar] EmptyLun 16 Nov 2015 - 11:37


Le rire de Sahar lui fit du bien. Un rire sincère, communicatif, qui finit par la gagner, lui faire laisser échapper quelques notes cristallines, tandis qu’une étincelle de joie venait illuminer son regard. Durant quelques instants, elle se sentit même stupide d’avoir posé une telle question. Rien n’obligeait cette jeune femme à la fréquenter. Elle aurait pu rester à l’intérieur, allongée sur ses coussins, à tirer sur cette étrange pipe au long tuyau flexible. Elle aurait pu faire bien d’autres choses que venir ici, et lui parler comme à une égale. Elle sourit à Sahar quand celle-ci lui sembla s’inquiéter de ce que les personnes en charge pourraient trouver à redire.

«Personne ne me cherchera noise, ma chère. Je suis la fille du Tar, et si ma volonté est de me promener dans ces jardins avec vous, alors elle sera faite.»

Elle avait retrouvé au moins une partie de son assurance. Son regard semblait plus intense que quelques minutes auparavant, le coin de ses yeux et la commissure de ses lèvres légèrement plissés dans un sourire naissant. Elle déplia ses membres fins, se redressa, retrouvant le port de tête altier qu’on lui avait enseigné dès son plus jeune âge, et redevint en quelques instants la princesse de l’Empire.
Son visage portait toujours les marques de sa tristesse, mais elle semblait ne plus s’en soucier, quand bien même cela ne manquerait pas de faire désordre si quelqu’un venait à la voir dans un tel état. Mais la tristesse n’était plus. Et, sans même côtoyer régulièrement Thaïs, il était aisé de s’apercevoir que la joie timide de Thaïs était loin d’être habituelle. Elle se pencha sur l’eau de la fontaine, s’y désaltérant en la puisant entre ses mains en coupe, sans ce soucier des manches qui y trempaient, et se gorgeaient d’eau.

Ce fut donc le visage bariolé de khôl et de traces de larmes, dans une robe qui donnerait bien du fil à retordre à quiconque tenterait de lui redonner sa splendeur du début de la journée, que Thaïs suivi la jeune Haradrim dans l’exploration nocturne des jardins suspendus d’un des palais d’Umbar. C’était comme se promener dans une oasis aérienne, où la pierre de taille se mêlait à la terre et à d’audacieuses colonnades entrecoupées de treillis où poussaient quantité de fleurs colorées sur des tiges grimpantes.
Les jardins de Minas Tirith ne pouvaient rivaliser avec cette splendeur, cette luxuriance de plantes. Chacun des pas de Thaïs semblait la mener un peu plus loin dans un rêve oriental chamarré, illuminé de ces petites lanternes de fête qui avaient recouvert la ville en même temps que la nuit, et qui, depuis leur perchoir, leur donnaient l’impression de voguer sur une mer de lucioles.
Elle se tourna vers la jeune femme, un sourire sincère sur son visage.

«Tu me fais découvrir ces merveilles, et je ne connais même pas ton nom... Comment dois-je t’appeler ?»

Sans vraiment laisser le temps à l’Haradrim de répondre, elle s’élança dans quelques pas de dans gracieux, dans un de ces rares moments fantasques que son caractère connaissait, et au cours desquels elle se détendait, laissait parler la jeune fille en elle, si souvent muselée par la princesse. Elle profitait de l’air nocturne, de sa fraîcheur, se riait de ses robes humides, de ses petites chaussures noircies par la terre. Elle profitait de l’innocence de la jeunesse, loin de se douter des deuils et des peines que lui réservait l’avenir.

«Quelles autres merveilles recèle dont cette ville ? Je connais si mal Umbar, apprends-moi à parler comme vous, à danser comme vous !»

Ce revirement de situation était malheureusement habituel chez Thaïs, capable de passer du rire aux larmes et inversement en peu de temps et sans la moindre raison. Les médecins de Gondor à qui on avait posé la question n’avaient pu s’accorder. Pour les uns, il était normal que jeunesse se fasse ainsi. Pour d’autres, la princesse souffrait sans doute d’une quelconque tare qui, si elle ne limitait en rien son intelligence, la faisait basculer ainsi d’un extrême à un autre. Il n’y en eut pas un pour rechercher dans son ascendance l’origine de ses comportements, et déceler en elle les germes du crépuscule d’un monde.
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Sahar Azalaiah

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MessageSujet: Re: Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]   Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar] EmptyLun 16 Nov 2015 - 11:38

La voir rire, même un tout petit peu, faisait chaud au cœur. Sahar sourit encore, tout doucement, de cette expression un peu étrange qui lui faisait comme un visage de mystérieuse madone, de ces statues qui veillent sans bruit sur les encens dans leurs temples. Elle était forte, Thaïs, c’était visible, et il ne lui fallait pas grand-chose, juste une étincelle, pour ranimer cette énergie vive et lumineuse qui gisait au fond de ses yeux limpides. Si peu, si peu en vérité, comment pouvaient-ils l’ignorer ? Elle était entourée en permanence par une foule de gens, comme l’étaient toutes les princesses, mais personne ne semblait avoir pris ne serait-ce qu’une seconde pour la comprendre, pour observer, simplement, la tristesse insondable de son regard.

Sahar attendit qu’elle soit désaltérée, puis, d’un geste délicat, effleura simplement l’épaule de la jeune fille pour l’inviter à la suivre. Elle connaissait par cœur ces jardins qui surmontaient les coteaux de la ville, leurs circonvolutions et leurs secrets, car c’était un des rares espaces de liberté qu’elle avait pu connaître étant enfant. C’était un univers en miniature, avec ses tableaux, ses bosquets, ses paysages, comme un monde de poche qui recréait une infinité de visions fugaces au fil des saisons et des parterres.

— Tu ne t’en souviens vraiment pas ? Lança la suderonne d’un ton doucement moqueur. Je m’appelle Sahar.

Elle resta en retrait, volontairement, observant sans rien en perdre la vision qu’offrait Thaïs qui semblait presque danser à la lueur de la lune. Si légère, que d’un pas elle paraissait capable de s’envoler, un peu comme ces grands oiseaux blancs qui oscillent dans les roseaux, aux bords des lacs. La fragilité était toujours là, elle affleurait comme une cassure à peine perceptible, toujours présente, mais qui ne faisait que rendre tout le reste plus éclatant encore : la force, d’abord, et dans un paradoxe qu’elle était la seule à pouvoir produire. Car elle était là, oui, dans cet élan brusque qui l’avait faite passer du rire aux larmes, et qui dans un instant si bref, l’avait faite aller, royale, gracieuse et altière, sur les pas d’une inconnue au creux des jardins d’Umbar. Elle dansait presque, oui, baignée par les lueurs dansantes des quelques lampes accrochées aux porches de la maison et par celle, plus pâle, plus diffuse, de l’astre plein qui voguait dans un ciel plus pur que le cristal.

On aurait inspiré un million de poèmes et de chants, à regarder la semi elfe ployer sa silhouette élancée, se glisser dans l’ombre d’un bosquet pour rejaillir, lumineuse et céleste, dans la flaque de lumière qui filtrait sous une tonnelle de fleurs écloses. Sahar souriait dans le noir, ses yeux troublés par la drogue qui s’ouvraient tout grand pour cueillir les beautés de ces visions éphémères, chargées d’une amertume très douce, comme le miel mêlé à du sang. Il y avait beaucoup de tristesse, beaucoup de joie, beaucoup de choses contradictoires qui s’emmêlaient étroitement, là. Thaïs était comme elle, à sa façon, à danser une périlleuse pavane sur la mince frontière qui sépare les extrêmes. Un pied dans la lumière, un pied dans l’ombre, pétrie de contradictions qui faisaient autant de forces que de faiblesses, de langueurs que d’agitation.

Quand elle se tourna vers elle, le visage plein d’une allégresse de petite fille, Sahar rit encore, de bon cœur. C’était beau à en pleurer, beau comme un rêve. Les vapeurs parfumées des fleurs nocturnes, des essences précieuses et des arbres murmurant dans la brise s’entremêlaient autour d’elles. Les lueurs filaient, fugitives et tranquilles, dans le lent ressac des branchages et des bosquets. En contrebas, on voyait la mer qui scintillait sous un ciel bleu et noir tout piqueté d’étoiles dans le grand halo des lumières de la ville. Tout s’animait de cette vie fugace, secrète qui est celle de la nuit. C’était l’heure des mystères, des fuites et des cachotteries, l’heure des imprudences, des folies, de tout ce qui brûlait dans le noir, mais demeurait caché, dissimulé à ce plein jour qui dissolvait les apparences et les voluptés cachées que seule la nuit pouvait offrir.

La jeune fille s’inclina, profondément, puis se redressa en rajustant coquettement son voile qui lui masquait à demi le visage et gardait dans ses replis chatoyants l’un de ces sourires qui jetaient des incandescence prometteuses dans les beaux yeux de Sahar.

— Ne dis pas ces choses à la légère, ma sœur. Je te prends au mot.

Une pause, elle laissa retomber l’étoffe, et lui prit la main.

— Suis-moi. Je vais te montrer ce que c’est que de vivre.

C’était hardi, voire inconscient, mais Sahar n’en avait cure : elle était ainsi. Il eut été cruel de ne pas montrer à Thaïs toutes les beautés dont regorgent les Havres d’Umbar, et de ne pas se plier à ce qui aurait pu sembler être un caprice. Et puis, Sahar avait comme une satisfaction cachée, un orgueil assouvi, à montrer à cette demoiselle du nord de quoi les haradrim étaient capables, eux qui avaient été ennemis si longtemps.

Alors, dans le secret et dans l’ombre, courant sur ses pieds nus dans l’herbe rase, Sahar emmena Thaïs par les chemins dérobés du palais, jusqu’à sa chambre. Tout le monde banquetait encore, les gardes s’assoupissaient à leurs postes, et on s’enivrait de vins opiacés et de venaisons épicées dans la grande salle. Quelques lueurs, quelques ombres, quelques murmures trahissaient des rapprochements peu protocolaires dans quelques alcôves, des chants sporadiques éclataient çà et là, et la délégation de l’Ouest découvrait sans doute les délices de l’hospitalité et de la diplomatie des haradrims. Sahar réveilla sa servante, et tira un rideau au nez du garde du corps renfrogné qui, mû par une intuition remarquable, l’attendait là depuis un moment déjà. Elle qui avait semblé jusque là d’une assurance tranquille qui confinait à une langueur presque lascive s’agitait tout à coup d’une folle énergie en sortant des coffres une foule de fards, de draperies, de vêtements et d’onguents.

Sans plus de cérémonie et sans cesser de délivrer un joyeux babillage qui portait essentiellement sur le fait qu’il y avait en premier lieu une urgence absolue à faire de Thaïs une parfaite petite haradrim, elle s’empressa de parer la princesse de tous les atours qui convenaient à une dame d’Umbar. Les bijoux, les gorgerins, les émaux et les caftans imprégnés de benjoin et de myrrhe pouvaient donner le change, mais sous le voile, la chevelure blonde et le teint pâle de Thaïs n’en semblaient que plus flagrants, au grand désespoir de Sahar qui finit par régler le problème en la noyant sous un nuage de fard ocre qui simulait le teint mat des suderonnes.

À la lueur chiche des lampes et des flambeaux, on n’y verrait que du feu, et à cette heure où le monde sombrait dans l’ivresse, personne n’irait chercher plus loin.
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Thais Lælias
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MessageSujet: Re: Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]   Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar] EmptyLun 16 Nov 2015 - 12:19


«Sahar... Je suis désolée, on m’a présenté tant de personnes que je ne reverrai probablement jamais que je n’ai pas su tous les retenir...»

Mais si elle avait su que la jeune femme viendrait la trouver et la conforter, nul doute qu’elle lui aurait accordé bien plus d’attention. Au lieu de cela, elle s’était efforcée de retenir les noms des dignitaires les plus importants, craignant de commettre un impair en s’adressant à eux. Son éducation lui dictait cela. Il fallait qu’elle soit la digne représentante de l’Empire de l’Ouest, qu’elle se montre toujours vertueuse et polie avec les dignitaires étrangers. «Tes paroles, jeunes fille, peuvent déclencher une guerre. On ne pardonne pas aux adultes les paroles qu’on tolère chez les enfants !» lui avait maintes fois martelé sa gouvernante.
Celle-ci aurait été horrifiée de voir Thaïs prendre la main d’une Haradrim, et la suivre à travers un dédale de couloirs, de passages dérobés dissimulés derrière de faux murs, ou simplement  astucieusement cachés à la vue par quelque astucieuse utilisation de la perspective. Ses pieds semblaient à peine effleurer le sol, tandis qu’elles filaient à travers ces couloirs, longèrent des alcôves laissant deviner quelques rapprochements plus intimes que ne le voudrait le protocole entre les deux peuples, dont les sons produits firent monter le rouge aux joues de la princesse de l’Empire.
Ce qui aurait été scandaleux à Minas Tirith semblait ici normal. Elle comprenait maintenant pourquoi on parlait souvent d’Umbar comme d’une ville dépravée, une antre de luxure et de décadence. D’une certaine manière, c’était le cas, mais, contrairement à ce qu’elle pensait, il n’y avait là rien d’obscène ou de violent. Au contraire, tout semblait nimbé d’une certaine douceur, portée par la lumière chaude des bougies et la fumée des encens.

Elles parvinrent dans les appartements de Sahar. Thaïs était maintenant totalement perdue dans les entrailles du palais. Comprenant les intentions de Sahar, elle rejeta les efforts de la gouvernantes dans un recoin de son esprit, et se prêta au jeu. Pour une fois dans sa vie, elle avait rencontré quelqu’un qui ne la jugeait pas, ne la rejetait pas. Qu’importent les conséquences, ce soir elle voulait vivre, s’amuser, et rattraper un peu de cette enfance solitaire.
Elle passa derrière un paravent avec une servante visiblement mal réveillée. La pauvre dû lutter durement, nullement aidée par la barrière de la langue, pour retirer le complexe assemblage d’étoffes qui guindait le corps de Thaïs, lequel finit, après une dizaine de minutes d’efforts, par apparaître à la lueur jaunâtre des lampes à huile. La princesse, se contemplant dans le miroir face à elle, laissa échapper un petit rire. Elle n’était pas du tout à sa place dans ce décor.
Sa peau était pâle, et semblait luire tel une étoile. Ses tenues peinaient à fournir quelques formes que ce soit à sa silhouette longiligne et gracile. Nue, elle laissait voir une autre différence avec ses presque-semblables. Elle était imberbe, et manquait cruellement de poitrine et de hanches : sans la maturité de ses traits, on aurait pu la prendre pour une enfant de dix ans beaucoup trop grande pour son âge.

La servante, qui tout ce temps avait échangé avec Sahar dans la langue chantante du Harad, entreprit d’éponger la sueur sur son corps, puis de la parer des vêtements de sa maîtresse. À leur odeur, Thaïs supposa que certains n’avaient pas été portés depuis longtemps. L’opération fut étonnamment rapide, encore que la domestique dut effectuer elle-même certaines opérations qui visiblement étaient attendues de la personne à habiller.

«Les femmes d’Umbar s’habillent-elles seules ?»

La question était sincère. Thaïs avait l’habitude d’être habillée dès qu’elle devait assister à quelque chose d’officiel. Il était tout simplement impossible à une dame de l’Empire de se débattre seule avec les étoffes à replier, nouer, serrer, qui constituaient les magnifiques tenues de la Cour. Il lui semblait irréel qu’ici, on puisse considérer comme acceptable une tenue qui ne demandait pas d’effort pour être enfilée.
Elle avait l’impression de porter une de ses tenues de tous les jours, celles qu’elle pouvait porter dans le secret de ses appartements et de ses jardins, quand elle n’avait pas à apparaître en public. Elle souriait, elle se sentait libérée, dans ces étoffes aux parfums épicés, légères, qui l’incitaient à danser et chanter.
Puis vint le maquillage. Les deux Haradrim peinèrent à lui donner un teint qui puisse passer pour local. Elles finirent par renoncer, car il eut de toute façon été impossible de cacher la pâleur de ses mains, et se concentrer sur les yeux, qu’elles noyèrent sous le fard et le khôl. On était bien loin de la tendance monochrome du Gondor. Enfin, elles lui donnèrent un voile de soie rouge légèrement translucide derrière lequel cacher son visage.
Dans le miroir, Thaïs ne se reconnu pas tout à fait. Elle sourit, largement, s’amusant comme une enfant de ce travestissement. Oh, le responsable du protocole serait horrifié, mais qu’importe. L’affaire ne s’ébruiterait pas, elle resterait l’une de ces rumeurs sans fondements qui circulent toujours parmi les domestiques. Elle se tourna vers Sahar.

«Et maintenant, Sahar, qu’as-tu à m’apprendre ?»
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Sahar Azalaiah

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MessageSujet: Re: Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]   Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar] EmptySam 21 Nov 2015 - 1:29

C’était hardi, sans aucun doute, une délicieuse, délicate forme d’inconscience : mais qu’y pouvait-on, à cet âge chaotique où tout s’éveille et que de la molle chrysalide d’une enfance mourante on se découvre adulte en devenir ? Sahar glissa un œil, presque malgré elle, derrière le paravent où la servant s’échinait à comprendre de quelle façon les dames d’Ouistrenesse se vêtaient. La lumière chiche de la lampe glissa sur une peau neigeuse, infusée de la clarté jaune de la flamme, mais que sa lueur ambrée ne parvenait qu’à peine à réchauffer. Dame Lune n’aurait été si pâle elle-même, sous la soierie et le fard.

Elle se détourna vite, mais au creux des paupières, comme un fantôme qui s’attarde, demeurait la vision fugace de cette silhouette encore si juvénile et de la chevelure blonde qui glissait comme une soierie d’or pâle le long de son dos élancé. Elle était curieuse, oui, de savoir de quelle porcelaine délicate elle était faite, comme si elle cherchait à surprendre la réponse à la sempiternelle question qui obsède ceux qui se confrontent à l'inconnu : sont-ils faits de la même substance que nous ? De la même chair, du même sang ? Nue, Thaïs ne semblait pas plus réelle que sous les lourds atours de son habit de cérémonie, elle en semblait même plus étrange encore, mince et fine comme une baguette de bois blanc, longiligne comme un persan aux attachées déliées.

Sahar se surprit à observer ses propres rondeurs, nourrie de bonne chère et de bon vin, déjà un corps de femme, empêtré dans sa mortalité, dans sa matérialité éphémère. Thaïs était de ces figures déjà sans âge, roseau et cygne, dont la perfection lisse ne laissait aucune prise au désir. Les émotions glissaient sur elle comme l'eau sur un verre poli, sans jamais l'atteindre, sans jamais pouvoir s'y ancrer.

Mais au-delà de la beauté glaciale de la princesse, Sahar ne voyait encore que l'ombre livide d'une vie figée comme un tombeau, déjà toute tracée, pétrifiée dans l'or et les honneurs d'une existence de future impératrice. Rien de vivant, là, rien d'humain. Tout ce que Thaïs avait encore de doux et de tendre, tout ce qu'elle avait d'humain, en vérité, allait s'étioler et mourir peu à peu. La joie, les sourires, l'allégresse et la spontanéité s'en iraient et cela, Sahar avait décidé que c'était hors de question.

On sous estime grandement l'arrogance et la détermination des jeunes filles, de toute évidence.

— Parfois, répondit Sahar en tirant d’un coffret quelques longs colliers de perles chamarrées, se détournant comme pour se cacher d'une indiscrétion que personne n'avait remarquée. Certains habits ne sont pas compliqués à mettre, et dans l’urgence il faut parfois savoir se débrouiller.

On privilégiait la légèreté, dans ces contrées où les chaleurs brûlantes rendaient souvent les étoffes trop étouffantes. La mode était à l’évanescence, aux voiles superposés qui dessinaient des silhouettes vaporeuses, à peine entrevues ou tout juste suggérées quand les dames passaient au travers des lumières d’un soleil vif ou de quelques lampes aux feux indiscrets. Les lourdes tenues officielles du Gondor étaient terriblement inappropriées, autant au climat qu’aux mœurs plus libres des haradrims, et à voir la réaction de Thais, Sahar n’eut aucun effort pour se figurer l’étiquette pesante qui devait faire loi à la cour.

Raison supplémentaire pour l’en libérer un peu, au moins pour une nuit...

— Je ne te dirais rien, ar-soraya, répondit Sahar avec malice. Tu le sauras bien assez tôt.


Dans un bruissement précieux, Sahar emmena Thaïs dans les lacis des ruelles du quartier des nobles, dans ces venelles bien propres qui évoluaient secrètement entre les hauts murs qui cernaient des jardins pleins de murmures aquatiques et de parfums nocturnes de fleurs écloses. Des lueurs filaient, filtraient des hautes demeures, s’envolaient en halos ondoyants qui fleurissaient les toitures et les auvents : on avait décoré la ville d’une multitude de lampions et de lanternes en l’honneur de la délégation du Gondor, et toute la ville s’était parée de ses plus beaux atours. Umbar avait des airs de belle de nuit, fardée et pleine de bijoux pour cacher les relents plus putrides et iodés qui montaient du port, aux pieds des collines. Elle demeurait belle, mais il y avait quelque chose de morbide, comme un cadavre sous un tapis de pétales, et cela ne faisait en réalité que la rendre plus fascinante.

Les chemins s’incurvèrent vers la ville basse, les escaliers et les pentes se firent plus escarpés, mais Sahar allait toujours avec l’assurance pressée de celle qui connaît fort bien ces chemins dérobés. Peu à peu les maisons se firent moins hautes, moins riches, et une vie plus intense les envahit : aux murs ciselés des demeures nobles succédèrent des rangées de façades à quelques étages surmontés de terrasses et d’auvents de toile, et les rues furent peu à peu gagnées par une agitation joyeuse. Malgré l’heure tardive, des marchands avaient encore leurs étals, et par les portes ouvertes se déversaient des flots de lumière, de musique et de parfums entêtants. On fêtait dignement l’arrivée de la délégation, on faisait honneur à ces étrangers que l’on n’aimait guère, mais qui offraient tout de même une bonne occasion de faire la fête : après tout, les soldats devaient bien se désaltérer et les commerçants haradrim aimaient toujours recevoir de l’argent, d’où qu’il vienne.

Là, Sahar ralentit le pas, comme pour laisser Thaïs profiter de l’atmosphère si particulière d’Umbar à la nuit tombée.

On jouait du oud et du tambour, des flûtes faisaient entendre leur complainte plaintive, des femmes et des hommes en habits bariolés dansaient sous les vivats de petits groupes, et ça et là les tonnelles des auberges résonnaient des rires et de discussions parfois un peu avinées. Le monde semblait se laisser aller à légèreté joyeuse et insouciante, comme s’il n’y avait somme toute plus rien de vraiment important, si ce n’était de profiter de la vie. Le vin coulait à flots, les narguilés fumaient, les plats des terre et d’étain, posés sur des trépieds bas, ruisselaient de venaisons épicées et de fruits bariolés, que l’on mangeait sans s’encombrer de la lourde vaisselle et du strict cérémonial des Occidentaux. La nourriture était trop précieuse pour qu’on perde du temps à faire assaut de bonnes manières...

Mais ce n'était pas cela que Sahar cherchait. Guidant toujours Thaïs, elle l'entraîna un peu à l'écart d'une place envahie de monde, et se glissa jusqu'à une porte basse au-dessus de laquelle brûlait une lanterne au verre coloré. Quand il l'aperçut, le garde grogna quelque chose.

- Allons, Mahjid, se récria Sahar en feignant l'innocence. Cela ne peut pas vraiment lui faire de mal. J'ai commencé plus jeune encore et me voilà, regarde, pleine de santé.

L'homme leva les yeux au ciel, mais ne protesta pas plus et frappa à la porte de la maison. Un judas s'entrouvrit, une oeillade inquisitrice s'y faufila, puis quelqu'un sembla reconnaître Sahar et l'on entendit des verrous s'actionner derrière le battant. De toute évidence, tout le monde n'était pas bienvenu ici et c'était pour cela que la jeune fille avait voulu s'y rendre : elles risquaient moins d'être dérangées ici, et il n'y aurait aucun homme de l'ouest pour reconnaître son invitée. Passant le seuil, on les fit entrer dans un grand vestibule très obscur, puis ils traversèrent quelques pièces toutes aussi désertes, à peine peuplé du murmure feutré de rires, de voix, et d'éclats de musique. Enfin, on les amena à un tout petit jardin entouré d'un étage de galeries où, séparés par des paravents précieux et par petits groupes, des hommes et des femmes de tous âges fumaient, buvaient et conversaient entre eux, assis ou allongés sur des avalanches de coussins profonds. Des étoffes bariolées couvraient le sol et les murs, étaient tendus en écrans pour séparer les clients : les contours s'en trouvaient adoucis, floutés, et l'on peinait parfois à retrouver ses repères dans cette atmosphère feutrée.

- Je parie que ça n'existe pas chez vous, murmura Sahar à Thaïs, non sans une pointe de fierté. Tu vas voir, c'est très aimable, comme endroit. Je vais te faire goûter à quelque chose de spécial qu'on ne trouve pas ailleurs : ils font le meilleur haschich que j'aie jamais fumé, même moi je n'arrive pas à en obtenir du même. Il faut que tu essaie, je suis certaine que tu vas apprécier.

De fait, elles se retrouvèrent quelques instants plus tard installées à leur tour un peu à l'écart, dans un recoin drapé de tentures écarlates, à peine éclairé par la lueur rasante d'une petite lampe de terre et par la clarté diffuse des autres lumignons disséminés ça et là.

Sahar avait été reconnue, de toute évidence, mais les tenanciers, avec cet art consommé qui leur vient avec l'expérience, avaient simplement salué avec un subtil mélange de sobriété et de tout le respect nécessaire dû à son rang. Elle avait donné congé à Mahjid, qui avait pris place un peu plus loin avec quelques autres mines patibulaires qui le saluèrent et lui remplirent d'office une timbale de vin : probablement d'autres gardes, d'autres grands personnages venus s'encanailler de nuit. Il y avait peu de monde, sans surprise : la plupart de l'élite des Havres était occupée à parader dans leurs palais avec les délégations du Gondor, ce qui était pour le mieux.

Sahar et Thaïs n'étaient pas assises depuis plus de quelques minutes qu'une silhouette bariolée, toute en chevelure sombre et en soieries brillantes fit son apparition près d'elles, comme surgi de la pénombre. Le jouvenceau qui venait d'apparaître n'était pas beaucoup plus âgé qu'elles, très maquillé, et tenait dans ses mains des coupes et une aiguière à long col. D'un geste expert et gracieux, il remplit les deux calices et les posa sur la table basse près des demoiselles, avant de s'asseoir en tailleur près de Sahar. Tout sembla être fait dans le même mouvement fluide et continu, si bien que l'oeil avait du mal à le suivre.

- Le bonsoir, mes dames. C'est une bonne surprise de vous voir ce soir, nous ne vous attendions pas, et encore moins avec de la compagnie. Heureusement, personne n'a demandé ma présence, pour l'heure, aussi je suis tout vôtre.

Tout en parlant, il avait esquissé un drôle de sourire, lorgnant de côté vers Thaïs. Il sentait la fumée, la sueur, quelque chose comme un parfum de femme, et des fleurs étaient glissées dans ses boucles noires qui lui tombaient sur les épaules.

- Tout doux, mon Idir, répondit la suderonne en prenant sa coupe pour flairer le bouquet du vin, je suis ne suis pas venu pour tes charmes, ce soir.

Elle désigna sa compagne d'un mouvement de la tête.

- Trouve-lui quelque chose de doux, pour commencer, et pour aller avec le vin.

Idir eut un rire incrédule et secoua la tête, puis se leva en esquissant une révérence. Sahar n'en sembla absolument pas troublée, non plus que de la présence de Thaïs alors qu'elle éconduisait aimablement son courtisan favori.

- Si fait, princesse, je me hâte. Comme à l'ordinaire pour vous, je présume ?

Sahar hocha la tête en souriant, et le jeune homme s'en fut aussi vite qu'il était arrivé.

- Il serait dommage que tu visites nos Havres sans toucher à cette spécialité-là, reprit-elle à l'adresse de sa compagne. Personne ne te laisserait t'en approcher, en temps normal, mais ici c'est chose courante que d'en fumer ou d'en mâcher des feuilles, tu as du déjà le constater. C'est aussi suave que le vin, et ça a l'avantage de ne pas paraître le lendemain. Quels que fussent tes tourments, ils seront tout à fait effacés.

Eut-elle été sobre, Sahar elle-même aurait remis en doute le bien fondée de l'idée : faire consommer des drogues à une princesse de l'Ouest qui n'en avait jamais même vu la couleur était tout bonnement suicidaire, mais voilà. Sahar n'était pas sobre et il n'y avait pas vraiment de monde pour la contredire.
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MessageSujet: Re: Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]   Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar] EmptyLun 16 Juil 2018 - 21:56

Thaïs laissa la servante démêler les robes, les rubans et les volants qui la momifiaient, tentant de la guider du mieux qu’elle le pouvait à travers la barrière de la langue. Elle pesta contre son manque de curiosité pour le Harad, dont elle n’avait dans son arrogance jamais appris que quelques mots. Elle se jura de remédier à cette situation : une femme de son rang se devait de parler d’autres langues que la sienne. Dès son retour à Minas Tirith, elle ferait trouver un précepteur capable de lui inculquer les subtilités les plus mesquines de cet idiome chantant, et un autre pour lui apprendre le parler guttural de Rhûn. A cette époque, elle pensait ne pouvoir compter que sur son intelligence, ne sachant commenter faire face aux regards qu’on lui portait. Elle qui passait tant de temps dans les livres, en engloutissant le savoir, qu’elle se sentait soudainement idiote : quelle différence entre celui qui sait mais ne peux s’exprimer, et celui qui ne sait pas ?
Malgré cela, on parvint à l’extraire de sa gangue d’étoffe, et après quelques instants, elle fut couverte de nouvelles étoffes, plus légères, plus lâches. Elle se sentait presque nue, à vrai dire : comme le lui apprit l’ombre qu’elle projetait sur les murs, il suffisait qu’elle passe devant une lampe pour qu’on devine la majeure partie de sa silhouette, longiligne. Elle eut envie de renoncer à cette folie : que faisait-elle ? Elle oubliait son rang, son devoir, et la prudence la plus élémentaire : le Harad était en paix avec l’Ouistrenesse, oui, mais à quel point ?
Elle hésita sur le pas de la porte. Juste un instant. Puis décida de faire confiance à Sahar. Peut-être la suderonne lui mentait-elle, mais elle voulait croire, de tout son coeur, qu’une personne sur cette terre avait envie de sa compagnie. Elle voulait se réchauffer à la flamme de l’amitié, et échapper juste un instant à tous ces protocoles protecteurs mais terriblement emprisonnants. Toujours suivie comme leurs ombres par le grand Mahjid, elles filèrent à travers des venelles bordées de hauts murs derrière lesquels on entendait des fêtes battre leur plein. Thaïs se projeta quelques instant au milieu de ces convives : riches marchands se réjouissant de nouvelles perspectives commerciales, nobles en quête d’influence, serviteurs et esclaves diligents… Elle s’imagina la vie au sein de ces petites forteresses, au final peu différentes des manoirs gondoriens.

Les murs cédèrent peu à peu la place à des façades percées de fenêtres, de portes. Les maisons devinrent plus étroites, jusqu’à se blottir les unes contre les autres, comme si elles cherchaient dans le nombre une protection face à la foule qui déambulait joyeusement sur les trottoirs, buvait sur les terrasses des troquets, sur les rebords des fenêtres et même jusque sur certains toits. Thaïs se sentit perdue dans cette farandole : des hommes et des femmes criaient depuis de petits étals, proposant mille plats et boissons aux senteurs épicées, entêtantes et tentantes. Elle aurait voulu y goûter, mais Sahar ne ralentissait toujours pas sa marche (et, à dire vrai, sans doute valait-elle mieux qu’elle continue d’ignorer la provenance de certains de ces mets).
Le trio parvint enfin devant une porte, du judas de laquelle Sahar fût attentivement examinée. Où l’emmenait-on ? Elle eut un court accès de panique : si elle avait dû imaginer le repaire de conspirateurs, c’est sans doute ainsi qu’elle l’aurait décrit. Une maison que rien ne distinguait réellement des autres alentours, et de laquelle se dégageait pourtant… un frisson, un sentiment qu’elle ne parvenait pas à identifier. Peut-être était-ce cette façade borgne, ou le protocole si particulier qui en régulait l’entrée… Mais, une fois encore, si Sahar conspirait réellement contre elle, son garde du corps aurait été dans la confidence, et à tout le moins il n’aurait pas protesté aussi ouvertement.
On les fit pénétrer dans un hall sombre, puis par des couloirs et des salles vides — ou trop sombre pour qu’on en distingue les occupants ? — jusqu’à parvenir à un petit jardin dans lequel Thaïs se sentit tout de suite mieux, et dont elle entreprit de détailler la végétation, sans parvenir à déterminer de quelle plante provenait la senteur lourde, presque capiteuse, qui embaumait l’air, émoussait les sens, et repoussait au loin ses inquiétudes les plus immédiates.
La Haradrim se pencha vers son invitée pour lui murmurer quelques mots qui ne l’éclairèrent guère plus que la lanterne colorée au-dessus de l’entrée, sinon en lui apprenant que la jeune femme paraissait assez fière de l’endroit et de sa production :

« Je parie que ça n'existe pas chez vous. Tu vas voir, c'est très aimable, comme endroit. Je vais te faire goûter à quelque chose de spécial qu'on ne trouve pas ailleurs : ils font le meilleur haschich que j'aie jamais fumé, même moi je n'arrive pas à en obtenir du même. Il faut que tu essaie, je suis certaine que tu vas apprécier. »
« Du… Du quoi ? Qu’est-ce donc que cet endroit Sahar ? »


Elle n’eut pas le loisir de recevoir une réponse de sa nouvelle (et première) amie : le personnel de l’établissement prit le relai de Mahjid, qui partit sans plus de cérémonie rejoindre d’autres soudards — Thaïs les aurait reconnu entre mille, habituée qu’elle était à croiser des gardes dans presque chaque couloir de son palais — et on les guida vers un recoin isolé, séparé du reste du jardin par des tentures écarlates, qui combinées à la lumière rasante des lampions et des chandelles donnait à ses occupantes l’impression de flotter dans une autre dimension.
À peine furent-elles assises, Thaïs peinant à reproduire la posture de Sahar, qu’un jeune homme surgit presque de nulle part, et commença à tenir une conversation en leur servant du vin. Elle rougit instantanément : sa tenue n’était que trop indécente pour la pose que les coussins lui faisait adopter, elle se tendait par endroits sur sa peau… elle remercia intérieurement le nouveau venu de se montrer si professionnel tandis qu’elle rajustait tant bien que mal ces étoffes auxquelles elle ne comprenait pas plus que la discussion en langue du sud qui se tenait à ses côtés.
Au terme d’un bref conciliabule, on les laissa enfin seules un instant, et Thaïs reçu la réponse à sa question :

« Il serait dommage que tu visites nos Havres sans toucher à cette spécialité-là. Personne ne te laisserait t'en approcher, en temps normal, mais ici c'est chose courante que d'en fumer ou d'en mâcher des feuilles, tu as du déjà le constater. C'est aussi suave que le vin, et ça a l'avantage de ne pas paraître le lendemain. Quels que fussent tes tourments, ils seront tout à fait effacés. »

Elle se laissa quelques instants pour digérer l’information qui venait de lui être donnée. Elle avait été trop concentrée sur sa mise pour détailler celle du nouveau venu, et n’avait pas compris où elle se trouvait, sans quoi elle aurait sans doute rejoint immédiatement le camp de Mahjid, dont la désapprobation lui semblait pleine de bon sens. Sahar n’était pas sobre, mais Thaïs, malgré les nombreux toasts qu’elle avait porté et le vin qui avait arrosé chaque repas de la journée, l’était.
Elle darda un regard suspicieux sur son amie, tentant de déterminer à quel point son jugement était déjà altéré. Elle ne croyait pas que Sahar lui voulait du mal. En revanche, elle ignorait tout de ce qui lui apparaissait de plus en plus clairement comme étant une drogue, et cherchait une parade élégante à la proposition qui venait de lui être faite.

« Est-ce donc cela, ton « hachisch » ? Je… Je ne sais pas, Sahar. » Elle prit sa coupe de vin et le goûta avec une élégance consommée, les sourcils légèrement froncés tandis qu’elle réfléchissait. « Je sais apprécier un bon vin, mais uniquement parce qu’on m’a appris comment faire. Je n’ai jamais goûté à quoi que ce soit qui ressemble à ce que tu me propose… »

Elle laissa sa phrase en suspens. Une nuit d’oubli. Une nuit loin de ses préoccupations habituelles, loin de la solitude de son palais. Une nuit de vie. Mais elle ne pouvait pas se résoudre à s’abandonner, à perdre le contrôle sur elle-même comme le suggérait Sahar. Cela allait à l’encontre de qui elle était, au fond d’elle : elle se devait de toujours garder le contrôle, de toujours être maîtresse d’elle-même et de ces émotions qui lui causaient tant de soucis. Elle but une autre gorgée de vin pour masquer son trouble.

« Ne le prends pas mal… Je n’ai jamais connu l’oubli de l’ivresse. Et tu me propose quelque chose que je ne connais pas du tout… Je préférerais attendre un peu, voir à quoi cela ressemble, avant de prendre une décision… »

Elle but une nouvelle gorgée. Elle n’arrivait plus à regarder Sahar dans les yeux, craignant de l’avoir offensée. Mais, seule, dans ces vêtements, au milieu de ces gens qu’elle ne connaissait pas, sans garde et dans un lieu inconnu d’une ville étrangère, elle se sentait terriblement vulnérable. Un peu trop pour accepter de suite de perdre le contrôle sur la suite des événements. Si tant est qu’elle ait contrôlé les événements un seul instant depuis qu’elle avait accepté de suivre la petite Suderonne hors de ses jardins…
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Sahar Azalaiah

Sahar Azalaiah
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MessageSujet: Re: Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar]   Une soirée hors-protocole [FB PV Sahar] EmptyMar 17 Juil 2018 - 4:56

Sahar ne s'étonna point des réticences de la princesse : c'était même plutôt bon signe, elle était prudente, et elle gardait la tête sur les épaules alors même que son hôtesse ne faisait que l'inciter à la perdre. A tout le moins était-elle doté d'un instinct de survie que n'avait pas la petite suderonne, qui s'était hâtée dès le plus jeune âge dans les bras des plaisirs divers que pouvaient offrir ce genre d'établissements. Là encore, elle mesurait leur différence, la gêne palpable de Thaïs qui tentait de cacher ce que la légèreté des étoffes pouvait dévoiler d'elle, quand Sahar se vautrait avec délectation dans le divan profond où elle avait élu domicile, la prudence de l'une, sa réserve timide, quand l'autre était dans son domaine.

Un sourire bienveillant étira ses traits de madone, et elle effleura doucement son bras dans un geste rassurant.

- Je comprends, je comprends. J'ai peut-être été un peu vite en besogne, mais ah, pardonne ma hâte, je t'en prie. Je ne veux pas te faire peur, simplement te faire découvrir de jolies choses. Je sais que les tiens n'ont pas l'usage de ce que l'on fume par ici, et c'est bien dommage parce qu'à voir les mines sinistres des gens qui t'accompagnaient, un peu de khât ou de haschich leur ferait le plus grand bien pour les détendre un peu.

Elle se renversa de nouveau dans ses coussins, lovée sur les étoffes colorées comme un serpent de soie noire et de cotonnades poudreuses.

- Ici, on apprend à apprécier le haschich comme on fait avec le vin, reprit-elle en tordant une mèche de ses cheveux entre ses doigts brunis au henné. J'ai demandé à Idir de t'apporter quelque chose de doux, parce qu'il est mieux de commencer de la sorte quand on en tâte pour la première fois. Si tu n'en veux pas, ce n'est pas très grave, au moins tu auras pu tout de même voir quelque chose que les gens comme toi ne voient jamais.

Le sourire de la jeune fille se fit complice, alors qu'elle baissait la voix sur ces derniers mots. A sa connaissance, aucun gondorien ou homme de l'Ouest -ni femme, d'ailleurs- n'avait passé le seuil de cette maison. S'amollir dans les divans profonds comme des antres, passer la nuit dans des boudoirs croupis de vapeurs et de soupirs embrumés n'était pas quelque chose que les raides gens de l'Ouistrenesse goûtaient à l'ordinaire, disait-on ; c'était une pratique de suderon, ça, point des belles et froides gens en armures brillantes qui révéraient les étoiles et non l'obscurité et la flamme tapie derrière les montagnes du Mordor. Tellement de différences, irrépressibles, irrésolues, tellement de différences et pourtant Sahar ne pouvait s'empêcher de gratter la surface, de chercher au fond des choses, des yeux, des paroles, pour savoir de quelle pâle substance la princesse du Gondor était faite.

- Je sais que tu te méfie de moi, reprit-elle, et ses longs yeux de moire et d'or la fixaient avec une pointe d'amusement. C'est bien normal. Je pourrais te faire tous les serments du monde, et te promettre tout ce que je puis, sur tout ce qui m'est cher, tu n'as pas vraiment de raisons de me croire. Mais je te le dirai quand même, princesse, je ne te veux aucun mal et tu n'as rien à craindre. Je veux juste te laisser l'espace nécessaire pour oublier tes chagrins, quels qu'ils soient. Tu m'avais l'air si triste, dans mes jardins, que j'ai voulu y remédier ; et en terme de remède, moi, je ne connais pas mieux que tout cela.


Ce disant, elle désigna tout le décor autour d'elle, les draperies débordantes qui tombaient des plafonds, les profondeurs rondes des sofas, les fumerolles, les vapeurs, les corps alanguis entrevus à travers les paravents et les colonnades, les fragrances du jardin éclos dans la nuit d'été, limpide comme un cristal. Tout invitait au repos, à s'attarder dans les remous troubles de l'ivresse et des choses qui se tramaient à la faveur des ombres et des lueurs dansantes. Quelque part, une voix de gorge, à peine discernable, entonna un chant entêtant comme un parfum de myrrhe, et l'on entendit battre la mesure de tambours et de mains qui s'entrechoquaient. Le frisson d'un ruban de clochette s'envola dans l'air du soir, et l'on distingua, à l'étage, le mouvement fugace de voiles lâchés dans la brise par quelqu'un qui dansait.

Sahar sourit, avec douceur.

- Il me plairait d'être ta première ivresse, princesse, mais si tu ne le souhaite pas, je n'y puis rien. Fais à ta guise, je ne t'ai pas emmenée ici pour remplacer un fardeau par un autre. Si tu n'en veux pas, il y a aussi du vin, et il est fort bon par ici, et si tu ne veux de rien, alors profite simplement du repos qui t'es offert. Il n'y a personne pour te regarder, tu sais. Personne ne sait qui tu es, et personne ne le saura jamais.

Et puis, dans ses yeux fauves passa un soupçon d'espièglerie : les lèvres se pincèrent un petit peu, elle abaissa les paupières, et sa voix se fit murmure, un frôlement de chat dans la pénombre rougeoyante de l'alcôve.

- Personne ne saura rien, et moi, demain, j'aurais probablement tout oublié.

Idir revint sur ces entrefaites avec un coffret de bois et deux petites coupelles qu'il posa avec soin sur la table. Du même mouvement fluide, comme s'il était dépourvu d'articulations, il s'assit en tailleur tout près de Sahar, qui s'était redressée à son arrivée, l'air ravi.

L'esclave adressa quelques mots polis à Thaïs, avant que la suderonne ne lui glisse qu'elle ne comprenait pas leur langue. Il se fendit alors d'un sourire amusé, et haussa un sourcil en observant Thaïs, comme s'il lui venait une plaisanterie à l'esprit ; s'en suivit un court échange plutôt vif, auquel Sahar mit fin en le pinçant au creux des côtes, à travers la chemise presque transparente qu'il portait à même la peau. Idir laissa échapper un éclat de rire contenu et se tortilla pour lui échapper, avant de lui saisir fermement le poignet et de le porter à ses lèvres pour y déposer un baiser furtif.

- Tiens-toi bien, protesta-elle en retirant vivement sa main. Tu vas effrayer mon invitée avec tes vilaines manières.

L'esclave rit de nouveau, et le son de sa voix mélodieuse se mêla au tintement du verre et du métal alors qu'il s'affairait.

- C'est la première fois que j'ai à faire ici avec quelqu'un qui ne parle rien de notre langue, dit-il à Thaïs dans un commun un peu maladroit, et ensoleillé par un fort accent. Veuillez m'en pardonner, ma dame.

De toute évidence, il ne pratiquait guère au quotidien, mais cette malaisance dans l'usage de la langue ne le dépouillait en rien de sa belle insolence rieuse qui creusait des fossettes dans ses joues maigres. La lueur de la lampe soulignait la grâce frêle de ses membres déliés, les poignets osseux cerclés de pierreries et de bijoux, le contour des épaules sous le caftan léger, la nuque longue comme une gorge de cygne qui ployait alors qu'il s'absorbait dans la tâche minutieuse de préparer les narguilés pour ses clientes. De toute évidence, il n'était peut-être pas à plaindre car il paraissait en bonne santé, mais sa minceur vigoureuse trahissait trop peu de sommeil sous le fard, trop peu de nourriture pour combler le ventre creux.

- N'en dis rien à Hafez, chuchota Sahar. Moins tu en sais, mieux ça sera pour toi.

- N'en dis pas plus, alors. Sans quoi je serais curieux, et je serais obligé de te faire parler.

Il lui glissa un regard canaille auquel elle répondit par un sourire insolent et ils eurent encore quelques mots dans leur langue, dont la teneur fut assez explicite pour réussir à faire rougir Sahar. Elle ignora superbement la mine indécemment réjouie de l'esclave qui s'absorbait minutieusement dans sa tâche en ricanant, et posa un regard très digne et très aiamble sur Thaïs.

- Cela te paraît peut-être étrange, reprit-elle très naturellement. Mais ce n'est pas si loin de l'herbe à pipe que vos hommes se plaisent à fumer : ce n'est que de la résine des plantes qui poussent dans nos jardins et dont on fait une foule de choses. Nos médecins usent de cela pour calmer les douleurs et apaiser l'esprit. On dit que ça donne de l'appétit en toutes choses - Idir ricana encore et Sahar le poussa du bout du pied - et que cela apporte la paix aux âmes mélancoliques.

Tandis que la jeune fille faisait sa leçon, l'esclave avait disposé les deux narguilés sur la table et, armé d'une pince, enflammait des morceaux de charbon à l'aide de la petite lampe à huile qui brûlait près d'eux. La gestuelle précise, rythmée, gracieuse, semblait posséder sa propre musicalité, trahissant le danseur, et faisait de la préparation minutieuse de la drogue une sorte de rituel mystérieux dont elles étaient spectactrices, au creux du recoin drapé de rouge et de fauve, dans la lueur tremblante des chandelles masquées derrière leurs lanternes bariolées.

Idir tira les premières bouffées, faisant rougeoyer les braises qui surmontaient le récipient, et souffla un nuage de fumée dense et aromatique, saturée de parfums d'épices et de résine. Il en fit de même pour le second, et tendit cérémonieusement l'embout à Sahar qui sourit avec délectation et s'empressa de se lover confortablement dans son siège avant de le porter à ses lèvres. Elle aspira une longue bouffée, garda la fumée en bouche un instant, et puis laissa les vapeurs s'exhaler mollement de ses lèvres entrouvertes. Le rideau de fumerolles s'éleva en arabesques languides, voilant partiellement son visage, avant de s'envoler dans le bref frisson d'air qui coulait depuis les croisées et le jardin.

Comme s'il avait attendu un accord tacite, Idir recommença son manège pour Thaïs, s'inclinant très bas.

- Essaie, si tu veux, suggéra Sahar avec un sourire de serpent dans un pommier. ça te piquera la gorge au début, et il te faudra un moment pour t'habituer. Vas-y à ton rythme.
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