[Flashback] La fuite comme rédemption

Ce fut un véritable choc pour Chaak lorsqu’il aperçut Zagara, une chamane khitan, à Barad-Dûr. Il l’avait connu du temps où il était encore en apprentissage au sein de sa tribu natale. La vision de la jeune femme avait eu l’effet d’un énorme électrochoc pour l’oriental. Le voile de brume de la malédiction de Morgoth s’était alors estompé comme si le charme avait été rompu. Toutes les horreurs auxquelles Chaak avait assistées et avait pris part lui revinrent en mémoire comme un cauchemar trop longtemps oublié. Troublé par cette soudaine prise de conscience, le chaman s’enferma pendant un long moment dans ses quartiers, ne répondant plus à ces devoirs de Grand Prêtre. La lutte intérieure entre son esprit et Morgoth le rongea et l’épuisa. Il sortit de cette retraite avec une seule solution : il devait quitter le Mordor, cette terre maudite où il avait pactisé avec le diable et trouver un lieu où le Dieu Noir aurait moins d’influence.

En tant que Grand Prêtre, ses mouvements étaient suivi donc l’oriental du monter une expédition prétextant vouloir explorer les alentours du Mordor pour chercher des plantes nécessaire aux rites religieux. Cinq orcs lui furent donnés et ensemble ils quittèrent le Mordor par la grande porte. Le chaman était très faible à cause de la lutte contre Morgoth. Heureusement il connaissait bien cette région pour y avoir accompli son rite d’initiation chamanique. Il pouvait repérer et suivre les traces des araignées géantes sur une grande distance. Avec leur poison, il serait facile pour Chaak de se débarrasser de ses gardes du corps.

Au Mordor, Chaak avait eu du mal à assoir son autorité divine auprès des orcs. Il avait dû faire ses preuves et heureusement les orcs étant des créatures assez stupides, de simples tours de passe-passe suffirent à les impressionner. Désormais il était respecté de tous et ses cinq accompagnateurs lui obéissaient aveuglément. Il les guida à travers le désert de cendres jusqu’à enfin apercevoir ce qu’il cherchait. A l’horizon la silhouette d’un arbre squelettique se dessinait. Le parfait endroit pour loger une araignée. Lors de son rite initiatique, il avait réussi à prendre le dard d’une de ces bêtes immondes seul. Aujourd’hui il avait cinq guerriers sans peur pour le faire.

Arrivé au pied de l’arbre, la petite troupe repéra rapidement un immense tunnel creusé dans le sable et la cendre. Une toile recouvrait l’entrée pour piéger les pauvres âmes suffisamment crédules pour s’y aventurer. Chaak envoya alors ses compagnons de route lui chercher un dard de cette redoutable créature. Les orcs ne rechignèrent pas face à la mission qui les attendait et comme un seul homme, ils sortirent leurs épées et s’engouffrèrent dans l’antre de la bête.

Une fois seul, Chaak s’assit dos à l’arbre. Il aurait pu profiter de cette opportunité pour fausser compagnie aux orcs, mais dans l’état physique et mental dans lequel il se trouvait, il n’aurait pas pu aller bien loin sans être reprit. Sa tête lui faisait souffrir le martyr. Il avait l’impression constante d’avoir un étau autour de son esprit, l’empêchant de bien réfléchir et se concentrer. Ce maudit pendentif autour de son cou le brulait et semblait si lourd. Il avait aussi l’impression d’être observé en permanence comme si une puissance supérieure le surveillait sans jamais intervenir. Quel était le dessein de Morgoth ? Pourquoi laissait-il le chaman quitter le Mordor et faillir à la mission qui lui avait été donnée ?

Lorsque les orcs remontèrent du tunnel,  ils n’étaient plus que quatre. Visiblement cette araignée était plutôt coriace. Celui qui semblait être le chef de meute tenait à la main le dard gluant de l’insecte géant.

« La sale bête a eu Ugluk, mais on lui a bien fait payer ! » s’exclama-t-il avant de cracher au sol.

Chaak n’avait pas remarqué immédiatement qu’il n’était plus seul. Pendant que son escorte se trouvait sous terre, le chaman, poussé à bout par les attaques de Morgoth, avait tenté d’arracher la pierre qui pendait à son cou. La douleur qui s’en était suivi fut si terrible que sa main fut paralysée pendant un temps. S’il avait encore des doutes, Chaak était désormais persuadé que le Dieu Noir n’était pas prêt de le laisser en paix.

Le temps qu’il retrouve ses esprits, le ciel s’était assombri. Le danger de l’araignée éloigné, cet endroit allait être idéal pour un bivouac. Chaak alluma un feu avec les branchages de l’arbre mort et la troupe s’installa autour du foyer. Il commença à extraire le venin du dard et à remplir une petite fiole qu’il avait emmenée avec lui. Le moment venu, il n’aurait qu’à verser le contenu dans les gourdes des orcs. Vu la quantité extraite, cela ne suffirait pas à les tuer, mais les pauvres se retrouveraient paralysés pour un long moment.

Une fois la fiole remplie, Chaak s’adossa à l’arbre et fixant le feu, il glissa lentement dans un sommeil profond. Trois des quatre orcs restant partirent en éclairage dans la pénombre pendant que celui qui avait pris la parole restait auprès du Grand Prêtre à guetter l’obscurité.
C’est alors qu’une voix désincarnée, comme sorti d’un autre monde le héla.

« Toi ! Viens ici ! »

L’orc fit un bond et se retourna en sortant son épée. Quelle ne fut pas sa surprise de voir que cette voix sombre et caverneuse venait de l’oriental assoupi. Ce dernier avait les yeux fermés et pourtant sa tête s’était levée comme une marionnette dirigée par une force supérieure.

« Le Grand Prêtre est un traitre, ne l’écoute surtout pas, il pourrait obscurcir ton jugement. Il va tenter de quitter le Mordor. Tu dois l’en empêcher! »

Ne comprenant pas à qui il avait à faire, mais terrorisé par cette présence. L’orc émit un grand hurlement pour rappeler ses sbires. Chaak se réveilla soudainement et put voir l’orc se précipiter sur lui. Il n’eut pas le temps de comprendre ce qui s’était passé qu’il devait agir pour sauver sa peau.
Il agrippa le dard resté à ses côtés et dans un élan de détresse le lança comme une fléchette sur l’orc. Il vint se planter dans le cou du guerrier qui s’effondra en suffocant. Le chaman se leva d’un bond. Que venait-il de se passer pendant son sommeil ? Pourquoi cet orc s’était soudainement retourné contre son Grand Prêtre ? Peut-être avait-il compris les intentions de l’oriental. Mais Chaak n’eut pas le temps d’y réfléchir car déjà il entendait les bruits de pas des trois autres orcs arriver à la rescousse de leur frère de combat.

Chaak resta figé devant l’orc agonisant à ses pieds. Pourquoi s’était-il soudainement jeté sur lui ? Que s’était-il passé dans son sommeil ? Il n’en avait pas la moindre idée et il n’allait pas avoir le temps d’y penser de suite. Les trois autres compagnons d’armes arrivaient et s’il voyait leur leader terrassé, aucun doute qu’ils se jetteraient sur l’oriental sans se poser de question. Le chaman ramassa donc l’arme au sol et ne sachant pas trop comment se positionner, il attendit juste, la peur au ventre. Tout son corps tremblait en entendant les bruits de pas se rapprocher. Les orcs arrivèrent alors à l’orée du feu de camp. En voyant leur frère au sol, ils se jetèrent sur Chaak sans réfléchir.  

Paniqué, il recula et dans un réflexe de survie, sorti la fiole de venin et jeta son contenu au visage du premier assaillant. Ce dernier se retrouva aveuglé. Prit d’une rage folle, il commença à donner de grand coup d’épée en hurlant. Chaak plongea au sol pour esquiver les attaques aléatoires. Dans sa folie, l’orc trancha le bras d’un de ses frères d’arme. Voyant une ouverture Chaak bondit sur le dernier orc qui essayait encore d’analyser la scène surréaliste à laquelle il venait d’assister. La lame vint se planter dans son abdomen et l’orc tomba à la renverse. Le chaman n’eut pas le temps de souffler qu’il du esquiver un nouveau coup de l’orc aveuglé qui continuait de crier à la mort. Dans une roulade plus qu’approximative, Chaak se retrouva derrière son ennemi et pu lui planter son épée dans le dos et l’orc tomba à ses pieds. Dans son élan, l’oriental se précipita sur l’orc amputé qu’il décapita d’un coup rageur.

Le silence retomba soudainement dans le désert de cendre.  Chaak s’effondra au sol, son corps tremblant encore sous le choc de ce premier combat. Il mit quelques minutes à se calmer. Il restait encore un quatrième orc dans la nature et le chaman devait continuer d’avancer avant qu’il ne revienne au camp. Son esprit était en ébullition.  Il tentait de retracer les événements de la soirée pour comprendre ce qui s’était produit. Il ne pensait pas avoir offensé ses compagnons. Ces derniers avaient obéi aveuglement à ses ordres et il ne pensait pas que la mort de leur frère dans l’antre de l’araignée ait pu changer leur façon d’agir envers lui. La seule solution plausible était un nouveau coup de Morgoth. Mais comment avait-il agi ? C’était-il immiscé dans l’esprit de l’orc ?

Sur ces questions sans réponses, le chaman se remit en route. Il garda l’épée qui lui avait porté chance et se mit à marcher éclairé par la seule lumière de la lune et des étoiles. Son corps était tellement fatigué et son esprit était en lutte permanente contre le Dieu Noir. Il refusait de se reposer tant qu’il ne serait pas à l’abri loin des frontières du Mordor. Il marcha donc comme un fantôme errant vidé de toute son énergie. Il marcha des heures jusqu’à finalement s’effondrer de fatigue au bord du malaise. Le chaman ferma les yeux ne pouvant plus lutter et sombra dans un sommeil de plomb.

Quelques minutes plus tard, le corps endormi de l’oriental s’anima. Il se releva d’une manière totalement désordonnée. Les yeux encore fermés, il commença à marcher comme un corps réanimé. Morgoth avait repris le contrôle sur lui. Ou l’emmenait-il ? Quels étaient ses nouveaux desseins pour l’ancien Grand Prêtre après l’échec de cette nuit ?