Un nouveau printemps (gens de Mt) [clos]

Le succès de la famille impériale au cours de sa quête ne tarda pas à devenir le sujet de conversation principal au palais de Minas Tirith et la confirmation de la miraculeuse remise en état du fleuve ne tarda pas à atteindre la capitale. Une grande fête fut organisée pour célébrer cette occasion et je prêtai moi même mon concours en confectionnant des confiseries et autres douceurs à base de fruits et de matières végétales. Cela donnait une touche de fraîcheur au buffet et je n'étais pas peu satisfaite de ma participation : l'idée m'était d'ailleurs venue que la plupart des humains vivraient plus longtemps s'ils prenaient seulement la peine d'avoir une alimentation plus saine et de faire un peu d'exercice... Et je n'entendais pas par cette recommandation la pratique assidue de l'épée, bien évidemment. J'avais le secret espoir que mes ajouts gastronomiques donnent des idées à la cour, et cela pourrait fort bien fonctionner si ces gens là avaient un peu de jugeote... Ce qui ne laissait que peu d'espoirs, en fin de compte. 

Lorsque l'heure des festivités sonna, j'ajoutai une touche finale à ma tenue : des bijoux d'or et d'argent sculptés en un entrelacs végétal des plus délicat se mêlait à ma chevelure. Ils rappelaient mon statut social tout en mettant en valeur mes mèches platine que j'avais pris soin de tresser en une couronne lâche et dont les extrémités cascadaient librement sur mon épaule droite. Un éclat d'argent ombrait mes paupières, soulignant la teinte lilas de mes iris. Afin de conserver mon effet et de faire naître l'émerveillement et l'admiration de mon public en temps voulus, je m'étais également couvert les cheveux et le visage d'un long voile blanc iridescent, presque transparent. Dans la demie lumière du crépuscule, il soulignait mon profil d'une manière mystérieuse, atténuant les couleurs et l'éclat que je voulais taire encore. J'avais revêtu une robe de soie blanche dont le drapé mettait en valeur ma silhouette, bien qu'elle soit plus délicate et menue que celle des femmes humaines. Une fine ceinture argentée marquait ma taille, ornée à chaque extrémité d'une feuille d'or, qui n'était pas sans rappeler quelque arbre mythique. 

Les yeux scintillants sous mon voile diaphane, je fis finalement mon entrée dans la grande salle. Comme je l'avais anticipé, tout dans mon apparence laissa l'assemblée sans voix. Tout était pa ailleurs savamment calculé, depuis ma tenue jusqu'à la grâce de chacun de mes pas, en passant par la danse scintillante de mon voile dans mon sillage. Je me présentai à la famille impériale afin d'honorer mes hôtes comme il se devait, relevant brièvement mon voile afin de dévoiler un instant mon visage d'albâtre. Quelques invités purent saisir mes traits comme on entrevoit un rayon de lune fugitif entre les branches. Puis je m'éloignai, les laissant se demander si ce qu'ils avaient vu relevait du songe ou de la réalité. Il était aisé d'éveiller l'admiration des mortels, mais cela n'en demeurait pas moins un plaisir. 

Je rejoignis Lalwendë et me pris à l'entretenir gaiement, abordant bientôt le sujet des diverses réjouissances données dans les terres immortelles. Mon père n'était pas avare en festivités et j'eus donc bien des choses à en dire, soulignant avec emphase le plaisir que j'avais à animer de telles réunions par la musique et les chants. Mon amie ne tarda pas à suggérer que je devrais me prêter à l'exercice pour l'assemblée et j'hésitais un instant... Mais ne pus finalement résister à la tentation de marquer la soirée par ma voix et non seulement par ma beauté. J'envoyai un page chercher ma lyre et proposai aux musiciens de les remplacer l'espace de quelques chansons. Ceux ci ne se firent pas prier et, armée de mon instrument, je me préparai à charmer l'auditoire.

La fête battait son plein : l'on dansait, l'on festoyait ou bien l'on discutait joyeusement. Le soulagement de voir le pays libéré de l'effroyable maléfice qui l'avait accablé depuis des semaines était palpable et je souhaitais rappeler que les effets de cette sécheresse ne seraient pas éternels et que la nature reprendrait toujours le dessus. Afin que tous puissent en saisir le sens, je traduisis les vers à mesure qu'ils s'élevaient dans les airs, purs et limpide. Ma voix résonnait tandis que celles de l'assistance s'éteignaient pour écouter. Claire comme du cristal, elle contenait peut être un rien de cette magie propre à la musique et les notes tendres de ma lyre semblaient enlacer le public en une tendre accolade, promettant des jours meilleurs. Une certaine tristesse teintait le première couplet, tandis que le dernier résonnait d'un allegro rassurant. 
 
"Doux murmure des plaines de mon enfance,
Toi qui étreins le cœur de mélancolie,
Souvenirs empreints de chants et de danses,
Ne laissa que larmes et cendres sous la pluie.

Jadis tout n'était qu'or et argent en Aman,
Où les arbres baignaient la vie de leur splendeur. 
A présent ils ne sont qu'echo en nos cœurs, 
Tristes ténèbres tombées sur la gloire d'antan.

Sous les belles étoiles et sous l'éternel soir, 
Qui eut cru que renaîtrait un jour l'espoir ? 
La nature n'est que renouveau incessants 
Elle renaîtra toujours plus forte avec le temps

Soleil et lune prirent leur place dans les cieux
Baignant le monde d'une lueur nouvelle
Fleurirent les plaines, ravirent les cœurs, 
Promesse de beauté et de jours heureux.

Sous les cendres de ce lointain passé
Pousserent à nouveau fleurs et baies,
Vint le jour où la forêt elle même oublia
Qu'elle avait autant souffert autrefois."  

La dernière note résonna dans la salle à présent silencieuse. Bien que cet air n'ait jamais été chanté sur le continent à ma connaissance, il me semblait parfaitement approprié en cette occasion. Les rimes et le rythme en étaient quelque peu modifiés par la traduction, mais le contenu demeurait sensiblement le même.

Sous le voile, une larme unique emplie des peines passées se mit à perler.

Voilà quelques jours que l’impératrice et sa famille étaient revenus à Minas Tirith avec le sentiment du devoir accompli. Depuis, chaque jour apportait avec lui son lot de bonnes nouvelles colportées par divers messagers. Ainsi avait-on apprit que les choses revenaient peu à peu à la normale aux alentours de l’Anduin. La famille impériale avait aussi eu la confirmation que les villageois sauvés avaient retrouvé leur village, car les parents de la fillette délivrée des cocons avaient adressé au couple impérial un courrier pour leur exprimer leur gratitude et même prendre des nouvelles de l’elfe blessé qui avait libéré leur fille de sa prison gluante.

En parlant d’Elrohir donc, ce dernier s’était bien remis de ses blessures et ne portait comme séquelles apparents que sa chevelure abîmée par les flammes. Malgré tout, il conservait une prestance certaine accompagné de son épouse sublime dans une robe ivoire au reflets et bordures bleutées. Depuis Imladris, la famille d’Elrond n’avait pas fait suivre des vêtements en grand nombre, seule lalwendë avait au moins prévu une tenue d’apparat en cas de célébrations comme celle-ci.

Elladan, tout comme son frère, avait donc acheté une tenue chez un tailleur de renom qui travaillait pour les plus riches personnes de Minas Tirith. Le fait de se vetir à la mode des hommes n’était d’ailleurs pas un problème pour les fils d’Elrond qui étaient assez coutumiers du fait. Il avait opté pour la sobriété du mariage entre le noir et le blanc. Ainsi portait-il une chemise blanche mise en contraste avec une tunique noire brodée de liserés argentés, serrée à la taille pas une large ceinture en tissus gris clair. Son pantalon était de même blanc que sa chemise alors que sur sa tête siégeait un diadème argenté qu’il faisait toujours suivre pour les instants comme ceux-ci où il se devait de représenter dignement sa noblesse. Enfin, une longue cape noire aux bordures d'argent venait couvrir ses épaules. La seule couleur qui ressortait de son apparence globale restait le bleu azur de ses yeux que la fratrie avait hérité de leurs parents.

Soudain un silence se fit entendre, suivi par quelques chuchotements indiscrets. L’arrivée d’Astriel ne manqua pas de faire son effet et beaucoup furent subjugués par la grâce de cette elfe de valinor dont la beauté était mise en valeur par sa tenue. Certains hommes décortiquaient le moindre mouvement de sa noble silhouette tandis que leurs femmes jalousaient la grâce de sa démarche. Elladan ne restait pas non plus de marbre face à tant de beauté et garda un oeil discret sur celle qui venait désormais de rejoindre Lalwendë.

L’ambiance était aux festivités et à la réussite de leur entreprise dans le combat contre ce fléau qui avait grandement atteint le Gondor. Beaucoup de sujets vinrent saluer les fils d’Elrond, ils y retrouvèrent même des compagnons d’aventure appartenant à la compagnie grise. Mais bien vite leurs discussions s’interrompirent lorsque quelques notes de musiques vinrent briser le brouhaha ambiant de leur douce mélodie. Elladan remarqua aussitôt Astriel qui jouait de la Lyre et qui ne tarda pas à chanter également. Si jamais son apparence n’avait pas suffit à faire remarquer la présence de l’elfe, alors son chant venait inéluctablement de le faire. Sa voix angélique et mystique envahit la pièce et envoûta toute l’assemblée. Elladan se laissa transporter par ce timbre de voix qui était sans aucun doute le plus beau qu’il ne lui avait jamais été donné d’entendre. La voix d’Astriel raisonnait le long des murs et jusqu’aux grandes voûtes de la salle où elle trouvait une parfaite acoustique avec les quelques notes de musiques qui l’accompagnaient. Un instant presque magique où la beauté trouvait aussi bien une apparence physique qu’une douce musicalité.

Une fois la prestation achevée, la foule ne put se retenir d’applaudire cette mystérieuse personne qui venait de captiver leur attention. Cela dura quelques longues dizaines de secondes avant que la fête ne reprenne son cours petit à petit. Les personnes présentes ne savaient pas comment réagir face à cette elfe intrigante et bien peu osaient approcher pour exprimer leur admiration. Ce ne fut pas le cas d'Elladan qui aborda l'elfe avec un sourire léger sur les lèvres

" Attendez vous à être élevée au rang de valier désormais… Une voix si divine mêlée à une aussi gracieuse beauté, il n'en faut guère plus en ce bas monde pour subjuguer le coeur des hommes. Et pas seulement d'ailleurs, j'avoue que votre chant m'a égaré hors de la pensée… Heureusement que les nombreux applaudissements m'ont soudainement fait revenir à moi !

Ce fut pour elladan une manière quelque peu maladroite de témoigner à astriel son admiration pour la prestation qu'elle venait de réaliser. Une maladresse et une certaine timidité qu'il tentait de contenir du mieux possible.

A la fin de ma chanson, le seigneur Elladan s'approcha afin de me féliciter et je me plus à détailler sa tenue. Il était amusant de noter qu'il portait une tenue typiquement humaine, quoiqu'indéniablement d'excellente facture. Le contraste de noir et de blanc lui allait à ravir, et les petites touches de gris et d'argent réhaussaient le tout. Cependant, l'élément le plus marquant de son apparence était sans nul doute le bleu de ses yeux, qui semblaient particulièrement saisissant dans cette harmonie d'ombres et de lumières.

" Attendez vous à être élevée au rang de valier désormais… Une voix si divine mêlée à une aussi gracieuse beauté, il n'en faut guère plus en ce bas monde pour subjuguer le coeur des hommes. Et pas seulement d'ailleurs, j'avoue que votre chant m'a égaré hors de la pensée… Heureusement que les nombreux applaudissements m'ont soudainement fait revenir à moi !

Mon sourire s'élargit à ce commentaire et je laissai même échapper un petit rire, léger et carillonnant. C'était particulièrement flatteur et d'autant plus agréable venant d'un de mes semblables et non d'un humain inculte... Surtout lorsque l'on a connaissance de la réputation de beauté de la famille de Galadriel. Réputation méritée, constatai-je en laissant glisser mon regard sur mon interlocuteur. Cette tenue, indéniablement plus virile que celle de nos contemporains masculins, lui allait à ravir et il dégageait une certaine force, une confiance en lui toutes particulières.

Avant de répondre, je levai lentement les mains à mon voile, que j'entrepris de faire glisser vers l'arrière dans un geste fluide jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'une étole  reposant sur mes épaules. Ce faisant, je dévoilai mon visage et la très légère note de maquillage qui mettait mes yeux en valeur, d'un argenté luisant qui n'était pas sans rappeler les touches métallisées de la tenue d'Elladan, de façon assez amusante. Il put ainsi apprécier mon sourire amusé et la légère coloration de mes joues.

"Je suis flattée d'une telle appréciation de votre part, seigneur Elladan. Il est bien naturel de participer à l'animation d'une soirée à laquelle j'ai été si gracieusement conviée. C'est d'autant plus agréable lorsque l'on a affaire à un public de qualité."

Je ponctuai ce commentaire d'une révérence à son égard, la lumière des lustres se prenant dans les reflets vagabonds de mes cheveux et des bijoux qui ornaient ma coiffure, à présent dévoilés. C'étaient des pièces d'exception, parmi les rares que j'avais emportées en quittant mes appartements dans les terres immortelles. Les musiciens  reprirent leur place sur scène et j'adressai un regard amusé à mon interlocuteur :

"J'espère seulement que le thème n'était pas trop déplacé. Les Hommes semblent apprécier les divertissements un peu plus vifs et enthousiastes. Ce doit être une particularité des mortels, car j'ai pu constater que les nains comme les semi hommes sont également friands de ce type de festivités."

De fait, on jouait à présent un air enjoué et nombreux étaient les convives qui se plaisaient à danser de part et d'autres de la salle. Bien qu'il n'y ait pas ici le même type de beuveries auxquelles s'adonnaient les petites gens ni une débauche alimentaire semblable à ce qui se faisait parmi les hobbits -sans parler de l'infâme herbe à pipe qui vous enfumait l'esprit aussi sûrement que les sens...-, il y avait là une même volonté de vivre des émotions fortes à tout instant, de profiter de chaque seconde comme si c'était la dernière. Bien que je n'eusse pas appris les dernières danses à la mode, je constatai que celles-ci n'avaient rien de particulièrement ardu. Il ne fallait peut être pas trop en demander.

"Aimez-vous danser, seigneur Elladan ?" finis-je par demander, plongeant mes iris violets dans le regard bleu du jeune elfe.

Le visage d'astriel ainsi dévoilé et mis en valeur par quelques très légers artifices restait pour Elladan quelque chose de troublant. Il n'aurait pas sut décrire quelles émotions il pouvait ressentir face à une beauté aussi pure, tout droit venue des terres immortelles et qui s'accordait parfaitement avec cette voix angélique dont elle venait de faire la démonstration.

Cette dernière semblait s'inquiéter d'avoir quelque peu pesé négativement sur l'ambiance de cette soirée. Il était indéniable que cette elfe n'était pas du tout à l'aise avec les "mortels" comme elle les appelait. Ça n'était pas surprenant pour quelqu'un n'ayant jamais mis les pieds en terre du milieu, en revanche cela pouvait paraître comme une certaine arrogance nonchalante que de les nommer ainsi.

Elladan connaissait bien les hommes et pouvait aisément comprendre leur manière de vivre, d'agir et d'appréhender les choses de la vie. Ainsi tenta-t-il de donner son analyse à Astriel

" Les mortels, comme vous le dites, n'ont pas la chance de jouir de l'immortalité des elfes. C'est sans doute pourquoi ils aiment à fêter dignement les instants de leur courte existence où ils se sentent heureux et en paix. Et pour plutôt bien les connaître je sais que votre chant à empli leur cœur d'une chaleur apaisante, bien qu'ils soient très vite passés à autre chose ! "

Conclut-il en un léger rire en observant que l'ambiance avait rapidement basculé du calme à l'agitation plus festive. La musique se prêtait désormais à la danse et astriel plongea quelque peu le fils d'Elrond dans l'embarras en lui demandant s'il aimait danser. Encore une fois il fut dure de répondre pour le seigneur elfe dont le regard venait de se noyer dans le regard d'améthyste que lui adressait Astriel.

Non il n'aimait pas particulièrement danser. D'ailleurs il n'en avait que guère eu l'occasion durant sa longue existence. Les dernières décennies consacrées à son rôle de chef de guerre et de dirigeant impliqué dans les royaumes elfiques l'avaient bien éloigné des bals et autre réjouissances dansantes. Ainsi il ne savait pas vraiment quel genre de réponse il devrait formuler à l'elfe au visage lumineux. Cela insinuait sans doute qu'elle aimerait danser en sa compagnie, et bien qu'il n'était pas du tout à l'aise avec cette discipline, il ne voulait pas s'exprimer par un refus à son encontre. D'un rire un peu gêné il répondit :

Je dois avouer qu'il doit y avoir des centaines d'années que je n'ai pas dansé. Et là dernière fois où je l'ai fait cela devait être avec ma mère ! Mais je crois ne pas lui avoir trop écrasé les pieds cette fois là !"

Dit il en riant, se souvenant de la douceur de ses instants avec cette mère qui lui avait toujours profondément manqué depuis son exil en valinor. Mais cette pensée s'envola bien vite au profit d'un dilemme qui se présentait à lui. Devait-il comprendre que c'était une manière pour astriel de lui signifier qu'elle voulait danser avec lui ? Sans doute… Il est rare que l'on pose cette question seulement pour savoir si l'autre est capable de danser… Il n'aimait pas spécialement cette pratique mais cela ne se refusait pas ne serait ce que par galanterie et respect. Bien que la proximité physique avec une elfe d'une telle beauté pouvait autant se révéler intéressant que troublant. Ainsi il demanda d'une voix légèrement intimidée :

" Voudriez vous partager une danse ? Je tâcherai de me souvenir des mouvements adéquats pour nous éviter un embarras certain ! "

Elladan avait vécu toute sa vie aux côtés des mortels. Ce qui lui semblait une évidence n'était pour moi qu'un concept abstrait et son discours n'était pas sans rappeler la discussion que j'avais eue avec Lalwendë à ce sujet.

" Les mortels, comme vous le dites, n'ont pas la chance de jouir de l'immortalité des elfes. C'est sans doute pourquoi ils aiment à fêter dignement les instants de leur courte existence où ils se sentent heureux et en paix. Et pour plutôt bien les connaître je sais que votre chant à empli leur cœur d'une chaleur apaisante, bien qu'ils soient très vite passés à autre chose ! "

Je devais bien admettre qu'une vie si courte et pleine de malheurs, de décès, de guerres... Cela portait nécessairement à essayer de profiter un maximum des choses les plus simples : de la musique, de la nourriture et une nuit durant laquelle personne ne tenterait de mettre un terme à notre existence... Enfin, à priori. Il y avait probablement de quoi se laisser emporter par un plaisir bien éphémère.

L'expression de mon interlocuteur lorsque j'abordai le sujet de la danser ne laissait point de place au doute : il n'était pas à l'aise avec cet art. Pourtant, je compris bien vite qu'il avait reçu une éducation assez semblable à la mienne du fait qu'il ne se déroba pas à mon invitation voilée. Refuser la main d'une dame l'espace d'un instant eût été grossier et je me félicitai d'avoir trouvé un cavalier arrangeant, malgré qu'il ne goûtât pas lui même à l'exercice.

Je dois avouer qu'il doit y avoir des centaines d'années que je n'ai pas dansé. Et là dernière fois où je l'ai fait cela devait être avec ma mère ! Mais je crois ne pas lui avoir trop écrasé les pieds cette fois là !"

Je lui répondis d'un doux sourire, amusée à l'idée que j'étais plus âgée que sa précédente cavalière : j'avais pour ainsi dire une éternelle expérience en la matière et j'étais tout à fait sereine à l'idée de m'adonner à ce plaisir, même au bras d'un danseur moins expérimenté. J'aurais probablement été à même de donner l'impression qu'un troll soit gracieux s'il m'avait été donné de l'accompagner pour une passe... Or, il m'aurait beaucoup surprise qu'Elladan ait la maladresse ou la gaucherie de l'une de ces sinistres créatures. Quoi qu'il en soit, il était fort honnête de sa part de m'avoir mise en garde quant à ses talents et j'appréciai cela.

" Voudriez vous partager une danse ? Je tâcherai de me souvenir des mouvements adéquats pour nous éviter un embarras certain ! "

Je ris à mon tour, d'un son léger et tintinnabulant comme des clochettes dans le vent printanier.

"Aucune crainte à avoir, monseigneur. J'ai toute confiance en la grâce et l'élégance naturelle des membres de votre famille. D'autant plus que je suis là pour vous accompagner et il me surprendrait fort que notre évolution sur la piste n'éblouisse pas les autres danseurs."

D'un geste souple et confiant, je me saisis de sa main. A part Lalwendë et le petit Ëaron, il y avait des mois que je n'avais effleuré un autre représentant de mon espèce et je constatai presque avec surprise que les doigts et la paume d'Elladan présentaient quelques cals et rugosités typiques de la pratique intensive des armes. Je n'y étais guère accoutumée, pour la bonne raison que l'entraînement de l'autre côté de la mer était bien moins intensif -et certainement moins vital- que celui qu'ils devaient subir ici. Quoi que je n'aie pas à rougir d mes talents d'épéiste, j'en avais indubitablement une pratique plus douce. Ou bien s'agissait-il de ma technique, davantage basée sur la dextérité que sur la force ? Difficile à dire, mais cela ne me déplaisait pas. Sa peau dégageait une chaleur et une sorte de douceur dont je n'aurais su déterminer la cause.

Nous devions donner une bien étrange image aux yeux de nos voisins, ombre et clarté évoluant au rythme de la musique. Il se trouvait en nous une sorte d'opposition qui m'amusait : le noir et le blanc, la force et la grâce, la danse et l'épée. Opposés et pourtant complémentaires, cette sensation de plénitude de me quitta pas durant le temps où je virevoltais dans ses bras. Par ailleurs, il ne se débrouillait pas si mal qu'il l'avait laissé entendre et c'était même un plaisir de le laisser me guider à travers la piste.

Il y avait fort peu de choses au monde qui me donnaient tant de plaisir que la musique et la danse. Toutes deux entremêlées, elles formaient le plus grand bonheur que l'on pouvait ressentir sur cette terre. Après quelques instants, je fermai les yeux pour savourer l'instant, me laissant porter par les notes et la prise d'Elladan, confiante. Un doux sourire planait sur mes lèvres et j'essayai de me laisser emporter par l'instant, à l'image de ces fameux mortels qui savaient, eux, profiter de chaque petite goutte de bonheur. Il n'y avait plus rien au monde que la mélodie, les pas et la chaleur d'Elladan : je goûtai à cela en l'abordant d'une nouvelle perspective qui m'ouvrait tout un monde de possibilités. Lorsque le morceau s'arrêta, je rouvris les yeux et posai un regard neuf sur le visage de mon partenaire. Etait-ce l'enivrement de ce moment qui rendait son expression si poignante ? Légèrement rougissante, à la fois de plaisir et de gêne, je finis par commenter à voix basse, sans me détacher de son regard :

"Eh bien, il semblerait que vous n'ayez pas à rougir de vos talents. Il y a bien longtemps que je n'ai pas pris autant de plaisir au bras d'un cavalier."

Ce fut sans grande surprise que l'elfe de valinor accepta la proposition d'elladan de partager une danse. La modestie et les autocritiques du fils d'Elrond étaient sincères et ne faisaient que traduire le peu de confiance qu'il avait dans cet exercice dont il était très loin d'être accoutumé. Rien que le fait de se trouver aussi proche d'une elfe était source d'appréhension pour le semi-elfe qui n'avait jamais vraiment consacré de temps à faire ce genre de rencontres toutes en délicatesses et en poésie.

De la poésie il y en eut car la musique accompagnait merveilleusement les corps des deux elfes qui se laissèrent petit à petit entraîner au rythme suave de la mélodie jouée par l'orchestre gondorien. Elladan tentait de se concentrer et de focaliser son attention sur ces pas dans un premier temps, mais il finit par prendre un peu confiance en lui et finalement se laissa aller à profiter de l'instant qui lui était des plus agréables. Bien que troublé par une certaine timidité, son regard ne lâcha pas le visage de sa partenaire qui se mit à fermer les yeux. Il pouvait alors admirer la beauté et la douceur de ses traits tandis que la main qu'il portait au bas du dos d'astriel lui permettait de sentir les oscillations de ses mouvements pour l'accompagner au mieux.

Était-ce Astriel qui lui fit cet effet là où aurait-ce été le cas avec une autre ? Elladan n'en savait rien néanmoins il se sentait vulnérable et totalement charmé par sa partenaire qui rouvrit ses yeux une fois la musique arrêtée pour plonger son regard d'heliotrope dans celui du fils d'Elrond et le flatter sur sa prestation. Celui-ci afficha alors également un sourire quelque peu embarrassé.

" Je vous remercie mais j'avoue que danser en votre douce compagnie était bien plus agréable que tout ce que j'avais pu connaître jusqu'alors en matière de danse. "

Il avait pris le temps de bien formuler sa phrase dans son esprit avant d'articuler sa réponse. Il était vraiment troublé par cette expérience magique qu'ils venaient de vivre et le chef de guerre plein d'assurance ne lui avait jamais semblé être aussi loin de lui qu'en cet instant.
Une fraîcheur vint souffler sur ses joues légèrement rosées par la timidité. Un courant d'air tout droit venu du balcon dont cette grande salle était parée. Elladan avait besoin de prendre un bon bol d'air frais pour reprendre ses esprits. Ce fut donc en tenant astriel par la main que le fils d'Elrond prit la direction de cet extérieur attenant à la grande pièce où il se trouvaient.

Le balcon offrait un point de vue qui dominait presque toute la cité blanche dont les murs paraissaient étinceler à la leur de la pleine lune qui dominait le ciel étoilé. Les cheveux bruns du seigneur d'imladris flottaient avec les petits souffles d'un vent léger et frais. Le regard perdu dans l'horizon lointain, Elladan s'exclama juste avant de plonger ses yeux dans ceux d'astriel.

" J'aimerais tant que nous partagions cet instant à Imladris, sous la lueur de cette lune argentée dont la lumière fait briller votre chevelure dorée. C'est un endroit si paisible et si cher à mon coeur… J'espère que vous viendrez un jour nous faire l'honneur de votre visite ! Je pense ne pas me tromper en affirmant que lalwendë en serait ravie et ce serait également mon cas "

Cette danse s'était révélée aussi satisfaisante qu'agréable et je fus particulièrement touchée de la réponse de mon cavalier au compliment que je lui avais fait :

" Je vous remercie mais j'avoue que danser en votre douce compagnie était bien plus agréable que tout ce que j'avais pu connaître jusqu'alors en matière de danse. "

Je laissai échapper un léger rire, flattée. Il était vrai que je disposais de certains talents. En particulier pour tout ce qui avait trait à l'expression artistique... Cependant, cela faisait toujours plaisir d'être complimentée, d'autant plus par un homme de goût. Je répondis simplement d'un sourire et me laissai entraîner sur le balcon. L'air extérieur se révéla vivifiant et j'inspirai à pleins poumons la fraîcheur du soir. Bien que je n'appréciais guère le parfum de Minas Tirith d'ordinaire, ce soir les choses me semblaient différentes sans que je comprenne exactement pourquoi. La vue elle-même, quoi qu'exactement semblable à celle que j'avais depuis mes quartiers, semblait à présent bien plus... Passionnante. Vibrante. L'astre lunaire teintait le monde de lueurs tendres et douce, à la manière d'une parent aimant veillant sur ses enfants. Une brise légère nous effleurait à peine, caresses vagabondes posées ici sur une joue, là dans des cheveux aux reflets de jais à la faveur de la nuit. Le paysage, à cet instant, me semblait si saisissant que mon regard se perdit un instant sur les gracieuses tours qui s'élevaient vers le ciel.

" J'aimerais tant que nous partagions cet instant à Imladris, sous la lueur de cette lune argentée dont la lumière fait briller votre chevelure dorée. C'est un endroit si paisible et si cher à mon coeur… J'espère que vous viendrez un jour nous faire l'honneur de votre visite ! Je pense ne pas me tromper en affirmant que lalwendë en serait ravie et ce serait également mon cas "

Ses paroles m'allèrent droit au coeur, tant je comprenais son sentiment. J'avais rapidement compris en rejoignant mon frère sur le continent que toutes les beautés du monde ne pourraient jamais rivaliser avec toutes les splendeurs de mes terres natales. On ne pouvait jamais oublier les arbres et les plaines de notre jeunesse, tandis que les paysages que l'on rencontrait par la suite semblaient bien pâles en comparaison. Cependant, j'avais soudain la conviction que certains pourraient trouver grâce à mes yeux si je les admirais en bonne compagnie.  

"Je connais ce sentiment. Rien ne peut jamais rivaliser avec la beauté des lieux de notre enfance, n'est-ce pas ?"

Une ombre fugitive passa sur mon visage, accompagnée d'une mélancolie profonde et qui avait tendance à empirer avec le temps. Le temps cependant n'était pas à la peine et je repris bientôt une expression plus douce. Mon regard quitta les bâtisses de la ville des hommes pour se poser sur Elladan. Sa beauté naturelle ressortait tant dans le paysage qu'elle en était presque douloureuse. Indéniablement on sentait en lui quelque chose de noble, la grâce des elfes et la force des hommes occasionnant chez lui le plus heureux des mélanges. Sa famille avait su tirer le meilleur parti des deux races, indubitablement. Point d'étonnement à ce que le jeune Ëaron conquière si aisément les cœurs de son entourage : ce devait être une caractéristique familiale.

"Je vous y retrouverai avec plaisir. Lalwendë et moi avions discuté de la possibilité que je l'accompagne en Lorien, à la rencontre de Dame Galadriel. Comme je le lui ai expliqué, j'ai moi même quelques obligations d'ordre militaire qui m'attendent aux Havres Gris. Il me faut les y rejoindre, mais j'aurais à ce sujet une proposition à vous faire..."

L'idée ma travaillait depuis un moment déjà et j'avais la certitude que mes hommes devaient trouver un lieu dans lequel s'installer plus ou moins définitivement. A moins qu'ils n'aient décidé de s'installer aux Havres, j'étais résolue à leur proposer de prendre des quartiers permanents soit à Imladris soit en Lorien. L'un étant davantage porté sur la guerre et le génie militaire que l'autre, mon choix s'était tout naturellement porté sur le premier. Restait à obtenir l'autorisation de l'un des seigneurs d'imladris.

"Comme vous le savez peut être, j'ai gagné les terres avec une compagnie d'elfes de Tol Eressëa. Ce sont des soldats braves et bien entraînés, hélas comme vous pouvez le supposez nous manquons d'expérience sur le terrain. Peut être pourrions-nous nous joindre à vos forces d'Imladris, afin de nous perfectionner et de vous soutenir dans votre effort de guerre. Si cet arrangement vous convient, alors je me ferai un plaisir de vous y retrouver avec mes hommes  au plus tôt. "

Dans le cas où cela se faisait, je pourrai moi même m'installer à Imladris sur le long terme. Au vu de ma récente expérience, notamment en terme de relations sociales, j'étais résolue à faire en sorte que nous nous trouvions dans l'environnement le plus confortable et le plus appréciable possible. Je me sentirais probablement bien moins seule à Imladris que je ne l'avais été chez les hobbits ou les nains : ne serait-ce que pour la délicieuse présence de Lalwendë et Elladan.

La première réponse d'astriel laissa songeur le fils d'elrond. Elle n'avait pas tort du tout. Elladan avait parcouru la terre du milieu en long en large et en travers, admirant de ses propres yeux la splendeur de cités comme Minas Tirith, Osgiliath ou Dol Amroth. Il avait aussi pu apprécier de magnifiques paysages comme les plaines du plateau du Rohan, les chutes de rauros, et la paisible comté. L'architecture des cités naines n'était pas non plus en reste avec Khazad Dum et Erebor. Enfin la splendeur des havres de Mithlond et la magie de la lothlorien n'avaient pas laissé indifférent le seigneur elfe non plus. Mais aucun lieu, aucune architecture ou splendeur naturelle n'aurait sut égaler la magnifique Imladris, si chère au coeur des enfants d'Elrond, et qui n'était de toute manière pas en reste niveau beauté.

"Je vous y retrouverai avec plaisir. Lalwendë et moi avions discuté de la possibilité que je l'accompagne en Lorien, à la rencontre de Dame Galadriel. Comme je le lui ai expliqué, j'ai moi même quelques obligations d'ordre militaire qui m'attendent aux Havres Gris. Il me faut les y rejoindre, mais j'aurais à ce sujet une proposition à vous faire..."

Elladan était tout ouïe, c'était assez surprenant d'associer une elfe comme astriel à des obligations d'ordre militaire, surtout à Mithlond qui était loin d'être une place forte elfique à proprement parler. Il avait appris de sa belle sœur qu'elle avait été accompagnée durant son retour d'un corps d'elfe guerriers venus de valinor mais il ignorait que ceux ci étaient restés là bas depuis lors.

"Comme vous le savez peut être, j'ai gagné les terres avec une compagnie d'elfes de Tol Eressëa. Ce sont des soldats braves et bien entraînés, hélas comme vous pouvez le supposez nous manquons d'expérience sur le terrain. Peut être pourrions-nous nous joindre à vos forces d'Imladris, afin de nous perfectionner et de vous soutenir dans votre effort de guerre. Si cet arrangement vous convient, alors je me ferai un plaisir de vous y retrouver avec mes hommes  au plus tôt. "

Il ne serait pas honnête de dire que le terme " compagnie de soldats de valinor" ne faisait pas rire intérieurement le chef de guerre qu'était Elladan. Certes il pouvait y avoir de très bons guerrière formés à manier les armes avec efficacité, mais ceux ci n'avaient sans doute jamais eu à affronter d'ennemis, il n'avaient jamais regardé la mort en face venue saisir les leurs, enfin ils n'avaient également sans doute jamais déjà tué. Autant dire qu'ils étaient bien différents des anciens guerriers de la fédération elfiques commandés par elladan et qui étaient revenus de Tol eressea avec Elrohir. Néanmoins il fallait leur reconnaître du courage et une volonté louable de vouloir participer à la défense de cette terre qui n'était même pas la leur.

" C'est une bonne idée effectivement. Les elfes d'eregion seraient honorés de pouvoir aguerrir ces elfes de valinor et d'accueillir ainsi des renforts. Cela nous changera des départs que nous avons subi depuis quelques années. "

Le chef de guerre avait parlé, il était temps de laisser à nouveau la place à l'elfe. A celui qu'il avait été durant toute la soirée.

" Ce serait un plaisir de vous accueillir dans la demeure de mon père et de vous faire visiter cet endroit. Celui-ci à été construit pour être une sorte de refuge, et je suis certain que vous pourriez vous en accommoder au point de le considérer comme votre chez vous en cette terre du milieu "

A peine eût il prononcé ces derniers mots qu'elrohir interrompit leur discussion non sans s'excuser. Il devait s'entretenir avec son frère et akasha au sujet d'eldarion et voir comment ils pourraient commencer leur recherches. Elladan s'excusa platement auprès de son invitée et la salua avec grâce avant de partir, lui souhaitant que la lumière de valinor puisse l'accompagner durant son entreprise en direction du Lindon. Peut-être se retrouveraient ils à Imladris. Mais sur ces terres on ne pouvait jurer de rien.