Le départ [Quête épique : L'héritier perdu]

La nuit avait été assez mauvaise et agitée, une fois de plus, cela arrivait si souvent et régulièrement qu’il lui serait impossible de toutes les compter. Les songes habituels, accompagné par les remords, persistaient sans trêve, depuis des centaines d’années. C’était devenu si usuel, maintenant, si ordinaire, qu’il en serait même choqué si tout cela s’arrêtait pour de bon. Incapable de dormir, il avait simplement longuement observé la cité blanche, sous la lueur des étoiles, une bonne partie de la nuit. Les Hommes étaient capables de bâtir des villes très belles et imposantes, tout de même, agréable à observer, plus particulièrement la nuit. D’une manière générale, il préférait les ombres nocturnes à la lumière du soleil, la préférant car il était plus aisé de s’y fondre et s’y faire oublier. Même si c’était là que les cauchemars arrivaient, c’était aussi plus réconfortant, paradoxalement. Il portait une affection particulière à la douce lueur des étoiles, peu agressive. Ça l’apaisait, finalement, ce qui n’était pas un luxe. La lumière blanche et lointaine, froide même, contrastait assez bien avec l’agitation brûlante de son esprit, c’était presque un baume réconfortant.

Celles-ci, hélas, allaient bientôt partir, d’abord remplacé par la lumière crue de l’aurore puis par le soleil. Il finit par se détourner de la fenêtre puis terminer de se préparer. D’abord pour attacher la main de métal à son poignet droit, un geste rendu très rapide et simple par l’habitude. Une main abîmée par le temps et griffée en multiples points, qu’il recouvrait d’un gant pour ne pas la détériorer encore plus. Curufin le lui avait forgée, il y a si longtemps, à son retour, et lui avait certifié que le métal utilisé était fait pour durer dans le temps. C’était juste, malgré tout, il y avait bien des traces laissées par les années. Il enfila ensuite une tenue de voyage solide, mais souple, elle aussi déjà usée par le temps, et prit son épée à sa ceinture. La sensation avant un départ au combat ou en mission était toujours la même, un mélange entre l’adrénaline et le calme apprit par l’habitude. Même si cette fois, c’était assez particulier. Maedhros espérait simplement que cette fois, le but sera atteint, retrouver le gamin vivant et en bonne santé. Qui sait ce qui avait bien pu lui arriver, depuis sa disparation ! Et dans quel état mental il se trouvait maintenant, surtout. Avec de la chance, il se sentira bien, ou au moins assez bien pour pouvoir reprendre assez vite la place de son père.

En allant rejoindre la cour où ils devaient se rejoindre, il passa machinalement la main dans sa nuque, songeant qu’il aurait été plus pratique d’avoir les cheveux longs, pour cacher ses oreilles pointues. Tant pis, un capuchon fera l’affaire, en cas de besoin. Il pouvait très difficilement passer pour un homme, de toute manière. Une fois dehors, il se détendit un peu en respirant l’air pur de cette fin de nuit, chassant les derniers échos du rêve. C’était la première fois depuis très longtemps qu’il s’engageait dans ce type d’affaire avec des personnes qu’il ne connaissait pas. Enfin, il avait pu faire un peu mieux connaissance avec le fils d’Elrond durant le trajet jusqu’à cette cité, mais pas avec les autres. Ça ne devrait pas spécialement poser de problèmes, en toute logique, cela dit. Arrivé dans la cour, il vit qu’Elrohir était déjà présent, à attendre. Le reste de la place était vide, la cité dormait encore très profondément. Ils pouvaient juste entendre parfois, ou percevoir, la présence de quelques gardes en patrouille nocturne.

– Bonjour, dit-il très simplement, en arrivant à sa hauteur, en Quenya.

Bien évidemment, il ne comptait pas lui dire, mais il était curieux de voir comment il se comportait en combat. Ce sera bien sûr mieux qu’ils parviennent à l’éviter, mais bon… Maedhros partait du principe qu’il y aura forcément pas mal de remue-ménage. Voilà déjà longtemps qu’il était convaincu qu’il ne pouvait pas se passer un temps assez long sans que ça ne tourne au vinaigre. Dans le meilleur des cas, chacun rentrera sans avoir reçu trop de blessures au passage. Tant que ce ,n’était pas dû à la sorcellerie, ça pouvait toujours se guérir facilement, néanmoins, il espérait qu’il y ait dans la troupe quelqu’un qui s’y connaisse un minimum dans le domaine.

J'ignorais que penser de tout cela. J'avais conscience que j'aurais dû me réjouir à l'idée de retrouver mon frère depuis longtemps disparu. Pourtant... Je n'en gardais qu'un très vague souvenir puisque je l'avais à peine connu. Il avait toujours gardé une place dans mon coeur, comme le petit cheval en bois sculpté caché au fond de ma malle à trésors en témoignait. Mais... Il n'était plus la même personne et de cela j'étais certaine. Sinon, il aurait trouvé un moyen de donner de ses nouvelles, d'une façon ou d'une autre. A présent, voilà que je me lançais en compagnie d'un équipage fort réduit à la poursuite d'une personne qui ne souhaitait peut être pas être retrouvée.

Tout c'était enchaîné tellement vite dernièrement que j'en avais la nausée. Mon père qui abdiquait soudainement, ma mère qui rechutait et retournait en Lorien... Et moi, menacée de devenir régente en l'absence de mon frère. C'était hors de question. J'étais bien trop jeune pour ça et j'avais la sensation d'avoir à peine vécu ma vie. Alors m'enfermer pour toujours sur un trône ou dans une salle de conseil, avec pour seuls objectifs de diriger un royaume, mener des guerres et fournir un héritier pour prendre ma place un jour ? Certainement pas. Non, pas de cela pour moi.

En somme, cette quête pour retrouver Eldarion visait davantage pour ma part à me débarrasser d'un fardeau trop lourd pour mes frêles épaules qu'à réellement le revoir. Cependant, je suivrais mon devoir comme j'avais été éduquée à le faire. Et cela impliquait à mes yeux de mettre sur le trône le véritable héritier : quelqu'un qui avait été élevé pour être roi un jour, quelqu'un qui savait manier les armes et commander des troupes, ainsi qu'administrer ... Eh bien, quelque chose. Je n'avais que des connaissances sommaires dans tous ces domaines, couplées à la certitude que si je montais sur le trône je serais très certainement manipulée par des esprits habiles, en voulant trop bien faire les choses. Non, décidément, je n'étais pas prête pour cela.

Nous avions discuté du fait qu'il serait judicieux de ne pas trop nous faire remarquer, j'avais donc opté pour la tenue de voyage que ma mère m'avait offerte quelques mois plus tôt et qui lui avait appartenu à l'époque. A peine trop grand pour moi. Malgré une assez bonne facture, l'ensemble était assez passe partout pour garantir un certain anonymat... Enfin, vestimentairement du moins. Une camériste attachée à mon service avait tressé mes cheveux en une sorte de couronne qui dissimulait adroitement la pointe effilée de mes oreilles. Malgré tout, leur teinte solaire ainsi que la couleur très vive de mes iris ne me permettait pas vraiment de passer inaperçue dans une foule... Heureusement, j'étais encore assez petite et frêle pour que la stature typique de ma lignée maternelle ne révélât pas mes origines. J'avais cru comprendre que l'esclavage avait encore cours au Rhun et que les elfes y étaient considérés comme des marchandises de choix... Or, je n'avais rigoureusement aucune envie d'être vendue sur un étal de marché, parmi les jambonneaux et les légumes. J'avais donc assorti ma tenue d'une cape de lin brune un peu grossière qui, une fois la capuche relevée, avait l'avantage de préserver mon anonymat.

A contrecœur, j'avais également décidé de laisser au palais ma monture favorite, trop tape à l'oeil, et d'opter pour un cheval robuste mais on ne peut plus ordinaire. Emrys, adroitement coiffé et revêtu d'une tenue assez rustre, pouvait passer assez facilement inaperçu si l'on excluait sa taille. Il était exclu que j'aille où que ce soit sans lui et cela n'avait laissé place à aucune discussion. D'ailleurs, nous nous étions vus attribuer un accompagnateur inattendu par ma mère, qui m'avait explicitement demandé d'emmener l'une de ses suivantes avec moi lors de mes déplacements. Cela dit, dame Gunelle, une herboriste du palais pour qui ma mère s'était récemment prise d'affection, avait le talent de se faire oublier et de passer inaperçue, ce qui ne pouvait être qu'un avantage dans le contexte qui nous poussait à quitter la cité.

Lorsqu'Emrys et moi fîmes irruption dans la cour, oncle Elrohir ainsi que notre deuxième invité surprise, un elfe du nom de Maedhros dont j'avais entendu parler davantage par des histoires que par des personnes qui le connaissaient vraiment, étaient les seuls en vue. Je me satisfaisais de les avoir à mes côtés car je n'étais pas certaine de ce que nous pourrions bien rencontrer lors de cette aventure... Et deux fines lames ne seraient pas de trop, selon moi.

"Bien le bonjour, messieurs !" M'exclamai-je en arrivant à leur niveau.

Elrohir salua tour à tour chacun des membres du groupe qui partirait à la recherche d'Eldarion au delà des frontières de l'empire de Rhùn. Le premier à se joindre à lui fut Maedhros. Ensuite vint Luminaë accompagnée de son fidèle protecteur Emrys. Et enfin, une humaine du nom de Gunelle qui d'après luminaë avait aussi à honorer une mission de protection vis à vis de la princesse de l'ouistreness.

“ Bien, si tout le monde est prêt nous pouvons chevaucher vers l’ithilien et le nord-est. Le voyage sera normalement assez tranquille dans cette région là mais restons sur nos gardes. Les créatures venues du mordor ne se font pas rare par là-bas “

Le groupe se mit en route et quitta la cité blanche en prenant la direction de l'Est. Le soleil levant éclairait l'horizon de la route qu'ils empruntaient et qui menait droit vers ce fut jadis qui la cité de Minas Ithil. Mais celle que l'on appelait désormais Minas Morgul n'était bien évidemment pas leur destination, ainsi prirent-il ensuite la route qui menait au nord en direction du Morannon. Une zone dangereuse bien que sans doute un peu plus sécurisée depuis que le Gondor avait acquis des territoires du Rhùn au nord-est.

En fin de journée et avant la tombée de la nuit, ils firent halte en ithilien et décidèrent de bivouaquer près d'une clairière pour la nuit. Elrohir ne put s'empêcher de jeter un regard complice à Luminaë ainsi qu'à Emrys tandis qu'ils établissaient le campement.
" Ces montagnes ne sont pas sans nous rappeler nos récentes aventures n'est ce pas ? "

Des aventures qui auraient très bien pu leur coûter la vie, mais qui permirent d'éradiquer le fléau auquel faisait face toute la population qui vivait ici et en aval de l'anduin. De ses brûlures, le fils d'Elrond n'avait désormais aucune séquelle et ses cheveux avaient repris une longueur normale depuis que les flammes de l'explosion souterraine les avait dévorés.

La présence d’une Humaine sera sûrement très utile, au cours de la mission, tôt ou tard. En revanche, il se demandait si c’était bien prudent d’emmener la toute jeune princesse… D’un côté, il était plus que normal qu’elle veuille participer à retrouver son frère – les liens familiaux passaient avant tout – et d’un autre côté, elle était tout de même encore bien petite. Vraiment minuscule, petite et très mignonne, et qui respirait encore une certaine innocence, ou de la naïveté, il ne saurait trop dire. Il avait l’impression d’observer un lapereau, avec cette petite frimousse minuscule encore si jeune. Quant à son garde du corps, bien qu’il soit adulte, il ne semblait pas très âgé, lui non plus. C’était une drôle d’équipe, finalement, pour un œil extérieur, bien que personnellement, ça ne le choque pas plus que ça, il avait vu plus étrange. Il espérait simplement que la toute petite princesse ait été tout de même entraînée. Au cas où elle était séparée du groupe et de son garde du corps, particulièrement, elle devra se défendre. Maedhros imaginait qu’un de ses oncles avait déjà dû prendre le soin de l’entraîner, ou son père, s’il en avait le temps et les moyens.

– Bien, si tout le monde est prêt nous pouvons chevaucher vers l’ithilien et le nord-est. Le voyage sera normalement assez tranquille dans cette région là mais restons sur nos gardes. Les créatures venues du mordor ne se font pas rare par là-bas.

Comme toujours. Une fois à cheval, comme les autres, ils quittèrent la cité sans trop de bruit, toujours dans la nuit. Malheureusement, ça ne put durer, et bientôt, le soleil vint éclairer la route de l’est. Un trajet calme, tout d’abord, où peu de paroles furent échangés. Il gardait, de son côté, une part de son attention sur la surveillance des alentours et une autre part dériver à sa guise dans ses pensées. Comme souvent, lors des voyages devant être calmes, où il n’était pas nécessaire de s’attendre à une flèche dans le dos à chaque seconde. Pour le moment, autant profiter de ne pas avoir besoin de se couvrir le visage ou les oreilles, c’était bien plus agréable. Les paysages défilaient à leur passage avec une certaine monotonie, au fil des heures. Parfois, il voyait au loin des villages, une ou deux caravanes éloignées, qu’ils ne croisèrent pas. Une journée à cheval sans aucun heurts, finalement. Ça n’allait évidemment pas durer, mais soit, autant en profiter un peu. Ils chevauchèrent durant de longues heures, avant qu’Elrohir ne désigne un endroit où faire halte, en fin d’après-midi.

Les chevaux purent boire dans un petit ruisseau tout proche. Maedhros passa un petit moment à flatter l’encolure du sien, dans son coin, avant de s’écarter. Ce sera peut-être dès cette nuit que les choses allaient se gâter un peu, qui sait. Ou demain matin, en étant quand même un peu plus optimiste. Il ramassa du bois et des brindilles, pour le feu de camp, avant de s’agenouiller et se mettre à le préparer. Un cercle de pierre, puis placer le bois, des gestes rodés par l’habitude. Le feu allumé commença par crépiter lentement, avant de devenir plus vif, en attaquant d’abord les brindilles. C’était un spectacle qu’il avait toujours aimé observer, et dans le même temps, qui lui laissait sans cesse une impression de froid, paradoxalement. Avoir vu le corps de son père prendre feu de lui-même après sa mort l’avait marqué. Il replaça un peu mieux les bûches de sa main métallique, après avoir enlevé le gant, pour être certain que le feu allait tenir.

– Ces montagnes ne sont pas sans nous rappeler nos récentes aventures n'est-ce pas ?

Maedhros tourna brièvement la tête vers le jeune trio, songeant à ce qu’il avait entendu parler concernant les ennuis du Gondor, il y a quelques temps. L’affaire des araignées.

– Il reste heureux que ce type d’araignées soient plus petites qu’Ungoliant. Certains racontent qu’elle avait fini par se dévorer elle-même… Personne ne l’a jamais revue, dans tous les cas.

Elle aurait aussi bien pu être chassée par il ne savait qui, tuée par un autre monstre, etc. Personne n’en savait trop rien, à vrai dire, la légende la plus répandue était qu’elle se soit dévorée seule, mais ça ne restait qu’une légende, invérifiable, surtout aujourd’hui. Le regard tourné vers le feu, il l’attisa un peu plus, avec une autre branche, avant d’être satisfait. Les flammes étaient pour lui comme la nuit noire, réconfortantes. Pour ce qui était de la cuisine, en cours de voyage, il n’était pas le plus doué du tas, se contentant à chaque fois de choses très simples.

– Quel âge a-t-il, aujourd’hui, le petit disparu ?

La compagnie du feu de camp était également agréable pour le seigneur d'Imladris, mais ça n'était pas là qu'il trouvait son plus grand réconfort lors des différents bivouacs qu'il pouvait vivre. A la lueur orangée des flammes et à leur danse indomptable, Elrohir leur préférait les lumières scintillantes des étoiles disposées sur la sombre voûte céleste de la nuit. A vrai dire lorsqu'il était seul et dans un lieu assez familier, il préférait n'allumer aucun brasier afin de profiter du mieux possible de la lumière de ces astres si lointains et il passait pratiquement toute la nuit à égarer son regard et ses pensées au milieu de ces petits points brillants.

L'évocation d'Ungoliant par maedhros fit naître un haussement de sourire et un léger sourire d'acquiescement sur le visage du semi-elfe. Cette créature était selon ce qu'il en savait plus terrifiante que tout ce qui avait pu exister en valinor au point même que Morgoth lui même s'en méfiait. Leur alliance de malheur avait causé tant de mal depuis le meurtre du roi Finwë qui n'était autre que le grand père de Maedhros… Le mal avait engendré encore plus de mal par le serment et les actes de Feanor et de ses fils, tels les séquelles à long terme d'un acte odieux.

Soudainement, les récits de valinor s'évaporèrent de l'esprit d'Elrohir lorsque Maedhros lui demanda quel était l'âge d'Eldarion.

" Il est âgé d'environ 35 ans ! Mais il paraît beaucoup plus jeune que cela de part le fait qu'il soit un semi-elfe de la lignée d'earendil " tout comme lui. Ce ne fut d'ailleurs qu'après avoir prononcé le nom de son aïeul que le seigneur d'Eregion se rendit compte de sa maladresse.

Évoquer Earendil en présence même de Maedhros tout en ayant conscience de leurs faits respectifs n'était peut-être pas une bonne chose. Il s'agissait sans doute là d'un être que le fils de Feanor haïssait profondément ne serait ce que pour être le porteur éternel de l'un des silmarils, jadis tant convoités par cette fratrie.

" J'ignore les raisons qui l'ont éloigné si loin des siens, mais je sais que malgré son jeune âge il est quelqu'un capable de grandes choses et qu'il peut en surprendre plus d'un "

*Il n'a juste pas eu la chance d'être épaulé par les siens* pensa alors Elrohir sans le dire à voix haute pour ne pas mettre mal à l'aise Luminaë qui elle non plus n'avais pas connu une vie familiale digne de ce nom mais avait au moins eu la chance d'être encadrée par la Sagesse de Galadriel et des elfes de lorien.

La soirée se poursuivit dans le calme. Maedhros et Elrohir se chargerent tour à tour de monter la garde bien que le danger était peu probable en ithilien.

– Il est âgé d'environ 35 ans ! Mais il paraît beaucoup plus jeune que cela de par le fait qu'il soit un semi-elfe de la lignée d'Earendil.

Un gamin, donc, ceci expliquait cela. Maedhros ne prit pas la peine de souligner qu’il savait bien à quelle vitesse grandissait les semi-Elfes, il se contenta juste de hocher la tête, en silence. Le gamin avait donc fait comme son aïeul, disparaître au loin en laissant sa famille derrière lui, pour il ne savait quelle raison. C’était charmant. En revanche, il fut assez surpris d’entendre que la famille en question ignorait les raisons exactes de son départ brusque, ou au moins, ne se doutait pas de quelques hypothèses. Ils ne parlaient pas de leurs états d’âme entre eux, de temps à autre, alors ? Le gamin était peut-être capable de grandes choses, comme l’oncle l’affirmait, mais il n’en restait pas moins qu’il avait dû avoir un sacré problème. Le jeune âge poussait à réagir impulsivement, mais il n’était pas suffisant, à lui seul, comme raison de départ. Problème avec les parents, sans doute… Mmh, si c’était ça, la petite ici présente aurait eu elle aussi des soucis. Il lui lança un rapide coup d’œil, en biais, pensif. Elle ne semblait pas très déséquilibrée, à première vue. Dans tous les cas, ça ne l’étonnerait pas des masses que ça vienne d’un problème de famille, c’était quasiment une norme obligatoire à suivre.

La soirée se déroula assez paisiblement, tout comme la nuit. Lors de ses tours de garde, étant donné le calme régnant dans ces régions, il put en profiter pour se vider l’esprit, profiter du calme de la nuit. La région n’était pas si désagréable à observer, bien que ce n’était pas, pour autant, un lieu où il aimerait passer la nuit. Il avait souvent vécu non loin de l’océan et avait fini par le préférer à d’autres paysages. Y rester durant de longues heures avait le don de l’apaiser, l’effet n’était pas le même, face à de vastes plaines ou encore avec les forêts. Hormis quelques animaux de passage et un ou deux oiseaux, ils n’eurent aucune compagnie tout au long de la nuit. Au petit matin, le départ se fit assez rapidement, une fois le feu de camp éteint et les quelques affaires rangées. Au fond, il trouvait presque bizarre qu’il ne se soit pas encore passé des ennuis, il était sans doute trop paranoïaque. Tout en chevauchant et en poursuivant dans le même temps la surveillance des alentours, il continua, assez vaguement, à lister mentalement les raisons pouvant pousser un gamin au départ, de cette façon…

Le temps se rafraîchissait peu à peu à mesure qu’ils progressaient vers le Nord-Est et au-delà, des terres moins accueillantes. Maedhros se demandait surtout dans quel état étaient les hommes du Rhùn, de leurs jours. En clair, quelle était leur allégeance actuelle à Sauron. C’était le genre de population assez… Disons… Sensible à des alliances nauséabondes. Bien qu’il reste une chance qu’ils se soient détournés de tout cela et ne suivent pas le Maïa déchu. Ils devaient aussi se méfier de tous les animaux, à partir de maintenant, en particulier de certains oiseaux. Même si leur équipage étaient réduits et qu’ils avaient fait en sorte de ne pas se faire remarquer… Une bonne moitié d’entre eux, ne serait-ce que par la taille, pouvaient facilement faire tiquer, au regard des Humains. Après une certaine progression, il finit par recouvrir sa tête d’une capuche légère, histoire de cacher au moins les cheveux et les oreilles en pointe.

– Il y a quelques temps, finit-il par lancer, j’ai rencontré un oriental, qui se faisait appeler Kor et prétendait être un mercenaire. Il accompagnait une vieille connaissance, Rog. Ils étaient du genre nerveux. Qu’en est-il de ce peuple, aujourd’hui, sont-ils alliés à Sauron ?

Histoire qu’il sache à quoi s’en tenir. Il ne s’était pas encore rendu au Rhùn. La seule apparence de ce « mercenaire » suffisait déjà à faire comprendre que ce n’était pas un peuple très versé dans l’art de la diplomatie.

Je respirai enfin plus librement lorsque la cité disparût derrière nous. Bien que j'eûsse déployé des trésors d'adaptation et de bonne volonté, je ne parvenais pas à appeler cet endroit "mon foyer". Mon foyer, lui, se trouvait bien loin de là, ombragé par une forêt luxuriante dans laquelle résonnaient les chants doux et mélodieux des miens. Un pincement au coeur m'assaillit au souvenir des douces soirées passées au creux des bras de l'un ou l'autre des membres de ma famille, l'esprit plein de rêves de voyages et de l'espoir d'être un jour réunis tous ensembles dans la Cité Blanche, que j'imaginais... Différente. Comme l'avait souvent mentionné Grand Mère Galadriel, la plupart des espoirs sont voués à l'échec si l'on ne prend pas garde à les tenir dans de justes proportions. Les miens avaient par conséquent connu le sort de la plupart des espoirs : ils s'étaient brisés sur l'écueil glacial de la réalité. Une fois l'émerveillement de la nouveauté évaporé, j'avais rapidement ressenti une certaine forme de déception...

La perspective de rencontrer d'hostiles hordes du Mordor ne m'impressionnait pas vraiment pour l'heure, car j'avais la certitude d'être aussi bien entourée que possible. La plupart de ceux qui se trouvaient là, je n'en doutais pas une seconde, donneraient leur vie pour protéger la mienne si le besoin s'en faisait sentir. Non pas que j'eûsse exigé un tel sacrifice de leur part, mais il était bon de se sentir bien entourée. Je ne connaissais guère le seigneur Maedhros, cependant je me fiais presque aveuglément au jugement de mon oncle quant à sa fiabilité. Il me semblait impensable qu'il pût accorder sa confiance sans raison, et je n'avais pour ma part aucune raison de douter de cet inconnu, n'ayant pris qu'à la légère les quelques mentions de cet homme dans notre Histoire. C'était, après tout, de l'histoire ancienne.

N'ayant pour ma part qu'un sens de l'orientation limité dans ces régions inconnues, je me contentais de suivre la cadence sans réellement porter attention à grand chose, si ce n'est mes propres pensées. Il y avait en effet matière à réflexion dans plus ou moins tout ce qui m'arrivait dernièrement et le calme ambiant me permettait de me plonger dans une profond introspection.

" Ces montagnes ne sont pas sans nous rappeler nos récentes aventures n'est ce pas ? "

La voix de mon oncle trancha le silence et j'émergeai du puits de mes réflexions de façon presque brutale, prenant seulement conscience du paysage qui nous entourait. Certes, ces montagnes avaient quelque chose de familier, mais en même temps pas du tout. Tout comme les arbres, chacune se devait certainement d'être unique en son genre, aussi me contentai-je d'acquiescer avec un sourire poli. Il ne s'agissait certes pas d'une expérience agréable mais elle s'était néanmoins révélée formatrice... J'effleurai presque nerveusement le poignard à ma ceinture, présent de ma mère. Bien qu'elle m'eût enseigné à m'en servir avec adresse, je n'étais pas certaine d'être d'une quelconque utilité en combat rapproché. J'étais bien plus à l'aise une flèche en main puisque je m'exerçais depuis l'enfance... Le poignard, quant à lui, me faisait étrangement penser à une créature sauvage que je n'avais pas encore apprivoisée. Je craignais presque d'avoir à l'utiliser...

Je chassai ces craintes dans un coin de mon esprit et m'affairai à aider à monter le camp. Quoi qu'il soit modeste, l'abri que nous installâmes suffirait amplement à nous protéger en cas d'intempérie. Le feu tiendrait les bêtes sauvages à l'écart et me procurait un sentiment de sécurité bien illusoire : j'avais récemment appris que la lumière ne suffit pas toujours à éloigner l'obscurité.

– Il reste heureux que ce type d’araignées soient plus petites qu’Ungoliant. Certains racontent qu’elle avait fini par se dévorer elle-même… Personne ne l’a jamais revue, dans tous les cas.

La réponse de notre compagnon à la remarque de mon oncle me plongea dans la perplexité. Je fronçai les sourcils, complètement absorbée par cette nouvelle idée. Il me paraissait parfaitement inconcevable qu'un être se mange lui même. Logistiquement parlant, cela me semblait ... Impossible. Comment s'y serait-elle prise ? J'avais ouï parler d'animaux sauvages qui se dévoraient la patte pour pouvoir se tirer d'un piège, mais cela restait d'une part exceptionnel et d'autre part un moyen de survivre. Or, se repaître de son propre corps était indéniablement une menace pour la survie. Tout être n'avait il donc point comme unique but la survie et la perpétuation de son espèce ? Les pensées que m'inspirèrent cette perspective inédite me distrairent à tel point que je n'écoutai pas la suite de la conversation, me contentant de m'asseoir près du feu, le regard plongé dans les flammes et l'esprit bouillonnant d'un flot ininterrompu de questions qui ne trouveraient peut-être jamais de réponse.

La soirée se passa calmement et la nuit m'apporta quelques nouvelles pensées qui suffirent à tenir mon esprit occupé une bonne partie de la journée du lendemain. La compagnie évoluait dans un silence relatif, seulement rompu par Dame Gunelle qui marmonnait et notait parfois quelques mots sur un parchemin qui lui servait manifestement d'aide mémoire. Une carte sommaire de la région lui passait parfois entre les mains, sur laquelle elle annotait ... Quelque chose, bien que j'aurais été incapable de déterminer quoi. Je peinais à comprendre comment elle parvenait à écrire quoi que ce soit de lisible tout en chevauchant, mais cela ne semblait pas l'arrêter le moins du monde. Emrys, quant à lui, n'avait quasiment pas ouvert la bouche depuis notre départ, à part pour s'inquiéter de mon confort ou pour répondre lorsqu'on lui posait une question directe. Toute son attention était portée sur notre environnement et j'admirais sa capacité à être ainsi alerte en permanence. Cependant, mon attention revint bien vite à des questions philosophiques et je ne prêtai plus guère attention à mes compagnons. Les heures se fondaient les unes dans les autres et nous avions déjà parcouru bien du chemin lorsque le Seigneur Maedhros décida de relancer un sujet de conversation :

– Il y a quelques temps, commença t'il  j’ai rencontré un oriental, qui se faisait appeler Kor et prétendait être un mercenaire. Il accompagnait une vieille connaissance, Rog. Ils étaient du genre nerveux. Qu’en est-il de ce peuple, aujourd’hui, sont-ils alliés à Sauron ?

Ayant récemment entendu parler d'eux, je ne pus m'empêcher de commenter :

"On raconte à Minas Tirith que ce sont des barbares qui vouent un culte à une espèce d'Empereur-Dieu revenu d'entre les morts, ou quelque chose dans ce goût là. Mère dit qu'il faut se méfier de leur Régente également, car leur peuple ne tient que par la peur et rien d'autre. Je pense effectivement que l'on n'acquiert par un tel pouvoir parmi eux par la seule intelligence politique, surtout pour une femme car elles sont assez mal considérées là bas. J'ai également entendu dire que leur rudesse est une chance, car ils sont trop occupés à s'entretuer pour s'intéresser de trop près à leurs voisins. "

Cela me paraissait également étrange, car pour ma part je ne pouvais imaginer une telle violence. Les Hommes, dont la vie est si courte, ne feraient-ils pas mieux de la préserver plutôt que de s'empresser de l'achever ? Cela ne me semblait ni sage ni cohérent, encore moins viable sur le long terme. De façon générale, je ne parvenais pas à saisir pourquoi d'aucuns ressentaient le besoin d'être violents. Les animaux, eux, étaient guidés par leur instinct et ne disposaient pas du pouvoir de réflexion nécessaire à une vie commune harmonieuse. Quant aux différents peuples de la Terre du Milieu... Ils n'avaient à mes yeux aucune excuse pour ne pas essayer de s'entendre. C'était peut être une opinion naïve ou idéaliste, mais n'ayant que rarement fait face moi même aux difficultés de la vie, je ne parvenais pas à comprendre la véhémence de certains sur tel ou tel sujet.

Cela dit, je n'étais pas certaine d'avoir hâte de comprendre.

J'avais ouï parler de cette histoire, et elle me fascinait. Cependant, je peinais à imaginer la taille du monstre que cela avait dû être. J'avais vu un cadavre de l'une des créatures responsables du Fléau et je m'étais bien jurée de les éviter autant que possible. Quoi que les propriétés de leur venin m'intéressaient au plus haut point... Quant à leurs fluides divers, j'en avais récupéré une grande quantité à l'aide d'un ingénieux système de flotteurs sur le fleuve, mais je me garderais bien de l'avouer devant mes compères. Seule Sa Majesté avait été mise au courant de mes petites... Expériences.

Le sujet dévia sur le jeune prince et je tendis l'oreille, curieuse. L'on ne parlait que peu de l'aîné de la famille royale et sa disparition soudaine était aussi mystérieuse que surprenante. Pour ma part, j'avais bien ma petite idée. Après avoir constaté le comportement de Leurs Majestés avec leur fille, je n'avais que peu de doute quant au drame familial qui avait déchiré cette famille. J'avais également recueilli bien des ragots, aussi bien de la part de femmes de chambres que de nobles. Cependant, ce que j'entendais je ne le divulguais jamais, gardant jalousement mes informations pour mon usage personnel ou celui de Sa Majesté l'impératrice.

Je me gardai bien de signaler qu'à mon opinion, la jeune princesse aurait probablement suivi le même chemin si sa mère ne l'avait pas faite vivre en Lorien. Evoluer aux côtés de l'Empereur lors de ses pires moments n'avait guère été une partie de plaisir, sans parler de Sa Majesté Thais ni de... Eh bien. Bien trop de choses pour une jeune demoiselle pure et innocente. Auxquelles son frère, pour sa part, n'avait pas pu couper. Je leur cuisinai un excellent petit ragoût à partir de plantes trouvées autour du campement et d'un lièvre trop curieux que j'avais abattu à la fronde. J'essayai d'alléger l'humeur générale par un joyeux bavardage mais n'eus guère de succès et finis par aller me coucher de bonne heure. Cela ne m'empêcha pas de jacasser dès le réveil, tout en vaquant à mes tâches matinales. Il fallait bien que quelqu'un mette un peu d'animation dans ce groupe-ci, du moins tant que l'on pouvait encore se déplacer librement et sans devoir rester dans la discrétion la plus totale.

– Il y a quelques temps, finit par dire le Seigneur Maedhros après plusieurs heures de chevauchée, j’ai rencontré un oriental, qui se faisait appeler Kor et prétendait être un mercenaire. Il accompagnait une vieille connaissance, Rog. Ils étaient du genre nerveux. Qu’en est-il de ce peuple, aujourd’hui, sont-ils alliés à Sauron ?

La princesse sortit de son silence pour répondre :

"On raconte à Minas Tirith que ce sont des barbares qui vouent un culte à une espèce d'Empereur-Dieu revenu d'entre les morts, ou quelque chose dans ce goût là. Mère dit qu'il faut se méfier de leur Régente également, car leur peuple ne tient que par la peur et rien d'autre. Je pense effectivement que l'on n'acquiert par un tel pouvoir parmi eux par la seule intelligence politique, surtout pour une femme car elles sont assez mal considérées là bas. J'ai également entendu dire que leur rudesse est une chance, car ils sont trop occupés à s'entretuer pour s'intéresser de trop près à leurs voisins. "

C'était une analyse assez juste, quoi que j'eusse davantage d'informations sur la question. J'avais pour ma part entendu parler de la Dame Rouge pour son penchant pour toutes sortes d'excès, ainsi que pour son amour de la violence. Quant à l'Empereur Krell, voilà bien un être que je n'avais aucune envie de rencontrer tant les histoires à son sujet était horrible. Sa Dame, au moins, était humaine. Lui n'avait rien d'humain, ni même de vivant.

"Pour ma part, d'après les histoires que j'ai entendues, je pense que je préférerais rencontrer l'une des araignées dont vous parliez hier plutôt que l'empereur Krell. Il paraît qu'il s'est opposé en combat singulier à Sauron lui même et que c'est son sacrifice qui a permis aux peuples libres de le rester. De souvenir, c'est pour cette raison que Sa Majesté l'a appointé chevalier de l'arbre blanc, de façon posthume. D'aucuns disent qu'il s'est depuis relevé d'entre les morts, plus féroce et violent que jamais. Les rumeurs à ce sujet sont de plus en plus nombreuses, cependant je ne sais si elles se sont vérifiées ou non."

Certaines de ces histoires relevaient davantage de la fable que de l'Histoire à proprement parler, tandis que d'autres donnaient froid dans le dos. Pour ma part, je n'avais aucun désir de m'approcher d'un individu qui lancerait des éclairs et décapiterait ses soldats comme on fauche un champ de blé...

Depuis que le groupe avait quitté les terres de l’ouistreness achetées au Rhùn quelques années plus tôt, les discussions s’étaient concentrées sur le danger que représente cette terre et notamment son souverain dont la réputation n’était plus à faire en terre du milieu. Elrohir avait eu vent du retour en fanfare de l’empereur en son palais et de cette nomination aussi inattendue que surprenante d’une nouvelle impératrice pour le suppléer. Il avait déjà affronté les redoutables guerriers de ce royaume par le passé, et espérait surtout ne pas être reconnu pour éviter au maximum de se faire remarquer ici. Officiellement l’empire du Rhun était devenu neutre et avait même développé des relations diplomatiques avec ses voisins, mais le retour de krell au pouvoir n’augurait que de bien sombres événements en terre du milieu.

“ Les mythes autour de krell nourrissent la dimension divine qu'il a voulu s'approprier pour son titre de Dieu-roi. Mais il n'est pas plus divin qu'un spectre invoqué par un sombre maléfice. Ce qui le rend dangereux est sans aucun doute sa hache maléfique, mais aussi et surtout son caractère imprévisible qui fait de lui un maître dans les trahisons et autres retournements de situations. ” dit-alors le fils d’Elrond qui ouvrait la route en observant les alentours avec attention.

Les yeux aux aguets, les sens en éveil, il surveillait la moindre ligne de crête, le moindre mouvement à l’horizon et la moindre habitation qui pouvait se dévoiler dans le lointain. Cet environnement ne lui était pas familier ce qui était assez rare pour le seigneur d’Imladris qui avait parcouru maintes contrées en terre du milieu. Mais le Rhun n’en faisait pas partie et tout cela réveillait en lui ses instincts de guerrier et de rôdeur, le ramenant à ses années de services au sein de la compagnie grise. Il en tirait d’ailleurs une satisfaction certaine de pouvoir mener une aventure mêlant discrétion, action et enquête, car c’était bien là ses domaines de prédilection, bien plus que la politique, la diplomatie et le commandement de troupe auxquels il devait se consacrer depuis qu’il avait repris les responsabilités de son père.

Animation

Au loin une caravane marchande se profilait, protéger par quelques hommes en armures, on reconnaissait sans trop de problèmes l'emblème du Dorwinion, mêlée a celle du Rhûn dont ils étaient devenus les sujets loyaux depuis leur annexion.

Les caravanes marchandes du Rhûn était rare, seulement quand il était question des gens de l'est, pour ce qui était du Dorwinion, il s'agissait là de leurs revenus principaux. Des hommes du nords, anciennement protégé par le Gondor et mêlée a leur peuple avant de retrouver une liberté dont ils se servirent pour établir un empire commercial.
Aujourd'hui, le Dorwinion est un fier membre du Rhûn, jouissant de la protection des soldats fidèles et implacables de l'est, tout en étant libre de certaines de leurs coutumes, vieil héritage de l'époque où l'impératrice était une des leurs.

Aujourd'hui, ce statut particulier dans l'empire parvenait encore à choquer, aussi bien l'extérieur que l'intérieur de l'empire de l'est et bien que le Dorwinion craignait de voir ces libertés enlevées, la richesse qu'il apportait a l'empire en l'état était indéniable.

De tels caravanes étaient donc assez commune et les gens du Dorwinion, relativement amicale pour un peuple de l'empire de Rhûn.

-Hola, cavaliers, venez donc !

Un homme, assis a l'avant de la caravane s'était levé et leur faisait de grand signe, sûrement leur chef qui appelait là la troupe formée par les gens du Gondor et d'Imladris en quête du prince héritier.
Un marchand cherchait le profit, et il n'y avait pas de petit profit, même auprès d'un petit groupe croisé au détour d'une route.

– On raconte à Minas Tirith que ce sont des barbares qui vouent un culte à une espèce d'Empereur-Dieu revenu d'entre les morts, ou quelque chose dans ce goût-là. Mère dit qu'il faut se méfier de leur Régente également, car leur peuple ne tient que par la peur et rien d'autre. Je pense effectivement que l'on n'acquiert par un tel pouvoir parmi eux par la seule intelligence politique, surtout pour une femme car elles sont assez mal considérées là-bas. J'ai également entendu dire que leur rudesse est une chance, car ils sont trop occupés à s'entretuer pour s'intéresser de trop près à leurs voisins.

Sympathique. Un léger rictus se tint un bref instant sur ses lèvres, avant qu’il n’hoche la tête vers l’enfant, pour la remercier de cette description. Les femmes en dirigeantes fortes, étaient rares, il fallait bien l’avouer. Car elles étaient souvent moins stupides que les hommes, lorsqu’il s’agissait de partir en guerre ou à la conquête du pouvoir. Il ne connaissait ou avait connu que très peu de femmes autant attirées par le pouvoir que les hommes… Il y avait Galadriel, bien sûr, pour commencer. Puis Haleth, dont la fierté n’avait rien eu à envier à celle de leur cousine.

– Pour ma part, d'après les histoires que j'ai entendues, je pense que je préférerais rencontrer l'une des araignées dont vous parliez hier plutôt que l'empereur Krell. Il paraît qu'il s'est opposé en combat singulier à Sauron lui-même et que c'est son sacrifice qui a permis aux peuples libres de le rester. De souvenir, c'est pour cette raison que Sa Majesté l'a appointé chevalier de l'arbre blanc, de façon posthume. D'aucuns disent qu'il s'est depuis relevé d'entre les morts, plus féroce et violent que jamais. Les rumeurs à ce sujet sont de plus en plus nombreuses, cependant je ne sais si elles se sont vérifiées ou non.

Maedhros commençait à se dire que ce fameux Kor n’était sans doute nul autre que ce Krell, justement… L’allure et l’attitude qu’il avait eue, ses armes, sa posture, sa façon de s’exprimer, le tout correspondait assez bien au type qu’on lui décrivait actuellement. Que pouvait-il faire avec Rog à ce moment-là, c’était une tout autre question, plus encore dans le Gondor. Il ne l’avait pas si agressif ou dangereux que ça, d’ailleurs. En tout cas, pas à son égard. Il n’avait tout simplement pas voulu engager le moindre combat, ce jour-là. Ni lui-même. A présent, il comprenait mieux la nature de ce type, trouvant même un certain respect à son égard, s’il avait combattu Sauron face à face. Ce qu’il avait sans doute fait d’autre, en mal comme un bien, c’était une tout autre histoire… En revanche, s’il devait voyager discrètement, il aurait moins pu faire l’effort de dissimuler quelque peu son apparence atypique. Même un aveugle se rendrait compte qu’il y avait un problème. Il regrettait toutefois de ne pas avoir su ça plus tôt et de ne pas avoir pu demander à cet homme de quelle manière s’était déroulé son combat.

– Les mythes autour de Krell nourrissent la dimension divine qu'il a voulu s'approprier pour son titre de Dieu-roi. Mais il n'est pas plus divin qu'un spectre invoqué par un sombre maléfice. Ce qui le rend dangereux est sans aucun doute sa hache maléfique, mais aussi et surtout son caractère imprévisible qui fait de lui un maître dans les trahisons et autres retournements de situations.

– Je vois. C’était bien lui que j’avais brièvement croisé.

Il imaginait mieux quel genre d’atmosphère devait régner dans ce « charmant pays », désormais. Ces hommes et femmes avaient sans doute des ancêtres communs avec les premiers orientaux, bien que ça ne soit sans doute pas directement issu du même peuple. Prêts ou non à s’entretuer, il restait qu’il valait mieux avoir affaire à un peuple combattif qu’à des populations prêts à se rallier à l’ennemi au moindre mot. Quant à l’aura divine que s’appropriait cet homme, si ça servait à faire peur aux siens, c’était bien tout ce qu’il pouvait y gagner. Personnellement, il préférait encore avoir affaire à un type de ce genre plutôt qu’aux véritables dieux, il avait déjà donné. Au moins, les mortels pouvaient se combattre. Alors qu’ils poursuivaient leur avancée à bonne allure, ils purent apercevoir une caravane, se profilant au loin. Il avisa, en s’approchant assez, de quelques gardes ici et là, assez pour préserver ces gens durant leur voyage, pas assez pour représenter une menace très importante. C’est pour cette raison qu’il resta assez détendu, bien qu’il gardât la capuche de sa capeline relevée, pour cacher ses oreilles et ses cheveux.

– Hola, cavaliers, venez donc !

Pour un peuple qu’on lui avait décrit comme agressif et prêt à s’entretuer, ce n’était pas là un parfait exemple. Néanmoins, les apparences pouvaient être trompeuses, il fallait rester sur ses gardes.

– Des amis du Gondor ? lança-t-il assez légèrement. Ou faut-il les combattre ?

La question s’adressait un peu à tous les Gondoriens autour de lui, de même qu’à Elrohir. Après tout, ils étaient les mieux placés pour connaître les délicates intentions de leurs voisins.

Elrohir ne débordait pas de connaissance en terme de peuplades qui composaient l’empire de l’Est, mais il savait tout de même reconnaître les principaux peuples de ce qui composait le Rhùn et avait eu connaissance de ces traditionnelles caravanes de marchands venus du Dorwinion qui avaient par le passé traité avec le gondor. D’ailleurs, ces marchands nomades avaient recommencé à traiter avec les peuples libres, notamment le Gondor et le Rohan, lorsque le Rhùn s’était rapproché de ses voisins en rétablissant les routes commerciales avec ces derniers.
Le seigneur d’Imladris ne s’attendait pas à rencontrer ces marchands itinérants et aurait préféré voyager le plus discrètement possible. Cela dit, ils ne représentaient pas vraiment une menace et en discutant avec eux, peut-être obtiendraient-ils des indices concernant leurs recherches sur ces terres inconnues. Lorsque le chef du groupe de marchands les interpela et les invita à s’approcher, Maedhros demanda :

– Des amis du Gondor ? Ou faut-il les combattre ?

- Des amis du Gondor, peut-être pas ! Mais je n’irais pas jusqu’à les considérer comme des ennemis. D’autant qu’il s’agit de marchands qui doivent parfois traiter avec les hommes de l’Ouistreness qui habitent désormais les terres rachetées au Rhùn.

D’un geste habile, le fils d’Elrond ajusta sa capuche pour lui aussi masquer les caractéristiques de son espèce.
- Restez légèrement en retrait derrière moi, je vais entamer la discussion avec eux, car nous n’y couperons pas…

Et cela serait moins louche que de les ignorer et de continuer tout droit. Le plus important pour ces marchands était sans doute de faire du profit, et en cela ils étaient souvent les plus disposés à ne pas poser trop de questions sur leurs potentiels clients.
Le groupe s’approcha alors au trot de la caravane et de l’homme de tête qui les avait interpelés. Elrohir habilla son visage d’une expression avenante et s’approcha pour prendre la parole :

- Bien le bonjour l’ami ! Dites-moi j’avais entendu parlé des caravanes de marchands sans jamais en rencontrer, et je dois dire que la vôtre est impressionnante !

Elrohir pouvait aisément s’exprimer comme un homme par la parole comme par les gestes, et il savait aussi comment traiter avec eux. Même s’il devait s’agir de marchands plus ou moins roublards, entamer la discussion avec un compliment était toujours bienvenu…

La caravane de Dorwinion était d'une taille modeste, ce n'était pas les plus fantasques des caravanes que le pays pouvait proposé, mêlant la luxure orientale de draps de soies ou de bijoux et d'or. Celle-ci était de petite cible ambulante, une ode à la décadence mais aussi un outil précieux, car de tels caravanes savaient attiré le chaland d'où qu'il venait.
Bien sûr elles étaient des cibles, mais les hommes en armes et armures du Rhûn les rendaient imprenable, plus par peur que par efficacité. Personne ne souhaitait se risquer face à des personnes que les histoires racontaient comme parfois pire que les orques du Mordor.

Ici, il s'agissait d'une caravane riche, mais modeste en toute comparaison. Le patriarche était un homme du nord à n'en point douter, peut-être avait-il même un ancien héritage gondorien venant du temps où la région était une de ses marches.
Quelques orientaux et personnes à l'héritage mixtes parsemait la petite assemblé, mais il était indéniable que la caravane opérait sous les drapeaux du Dorwinion. Les armures caractéristiques du Dorwinion était porté par les hommes d'armes protégeant les marchands, agrémenté des "écailles de dragons", protection en cotte d'écailles du Rhun porté sur les bras et les cuisses.

La caravanes, habitué à un petit jeu d'impression s'organisa rapidement, mais dans le calme, ne faisant rien remarqué du petit manège, du moins l'espèraient-ils, à ces "invités". Les hommes d'armes tenant fermement leur lance, se tenant droit et les marchand dans les chariots préparant leur petit étalage comme si la route n'avait jamais rien fait tombé de ces présentoirs.

- Bien le bonjour l’ami ! Dites-moi j’avais entendu parlé des caravanes de marchands sans jamais en rencontrer, et je dois dire que la vôtre est impressionnante !

-Oh bien le merci, elle n'est pourtant pas aussi grande, mais le compliment est apprécié.

Le patriarche parla d'une voix doucereuse et mielleuse, il fallait plaire pour vendre.

-Je me nomme Nikolaï et si vous le désirez, nous pouvons vous montrer nos produits. Nous disposons justement de quelques bouteilles de vin du Dorwinion. Nous comptions le vendre dans les villes du Gondor, mais peut-être souhaiteriez vous vous en offrir quelques unes ? Ces dernières sont très apprécié dans les halls du seigneur sylvestre vous savez, nous avons aussi des soies venus de l'extrême orient et de nombreux bijoux du Rhûn et d'au-delà. Vous ne trouverez aucun marchand du Gondor avec ce genre de marchandise pour sur !

Le marchand tentait de vendre ses produits, il ignorait la richesse de ces gens, mais s'ils avaient des chevaux, ils devaient avoir quelques moyens. Ce n'était surement pas quelques fermier du Rohan, pas aussi loin dans les terres du Gondor.

De prime abord, l'homme semblait avenant et très enclin à la discussion, rien d'étonnant cela dit en considérant qu'il s'agissait avant tout d'un marchand sans doute maître dans l'art d'amadouer les clients potentiels et de s'attirer leur sympathie. Le seigneur d'imladris fit une moue pour simuler d'être impressionné par la quantité et la qualité des produits énoncés.

“ Ma foi, en d'autres circonstances j’aurais volontiers céder à votre offre et acheté quelques bouteilles ! Mais nous devons voyager léger et je ne peux m’encombrer de ce vin sans avoir à le boire très rapidement et sans vraiment le savourer. Ce qui consitue un sacrilège tant la renommée du vin de dorwinion n’est plus à faire ! “

Il n’avait presque pas à jouer la comédie pour s’exprimer à ce sujet. Pour avoir déjà goûté à ce vin par le passé, il était de ceux qui appréciaient cette boisson dont la culture se faisait sur des coteaux disposés non loin de la mer de Rhùn.
Restait maintenant à tirer profit de cette rencontre pour peut-être obtenir quelques renseignements concernant Eldarion. C’était quelque peu risqué de dévoiler ses intentions au premier venu, surtout à un marchand dont la préoccupation principale restait probablement de faire du profit. Mais il fallait tenter le coup, car pour le moment il n’y avait aucune piste à suivre ni aucun indice qui pouvait un tant soit peu orienter les recherches.

“ A vrai dire, nous sommes à la recherche d’un dénommé Eldarion, le fils de l’empereur du Gondor. Auriez-vous, par hasard, des informations à son sujet ? “

Voilà, c'était désormais lancé. Restait à voir la réaction du marchand…