Entrevue diplomatique [PV Galadriel]

Aux abords de la forêt de la Lothlorièn, non loin de la lisière formée par les mellyrn les plus méridionaux, apparut un cheval dont la robe blanche réfléchissait la douce lumière du jour. Sa fière allure et son trot gracieux étaient non seulement hérités des attributs de la noble race des mearas, mais c'était aussi le fruit des meilleures compétences de dressage de chevaux dont les rohirrims étaient les maîtres incontestés. Ce bel animal à l'aura presque mystique n'était autre que Mildran, le fier destrier du roi Eothain du Rohan.

Quelques semaines plus tôt, un messager elfe Galadhrim était venu en personne à Edoras pour porter la parole de la Dame de Lorièn à l'attention du seigneur de la Marche. Celle-ci avait invité Eothain à Caras Galadhon pour une visite diplomatique. Ce à quoi le roi du Rohan avait répondu positivement en transmettant au messager elfe ses amitiés à destination du couple de la Lorièn, ainsi qu'une date précise de son arrivée. Un mois plus tard, précisément, à compter du jour où l'invitation fut transmise, le temps pour lui de prendre ses dispositions et d'organiser son voyage vers le Nord.

Le roi du Rohan, accompagné de quelques gardes, arrêta son fidèle destrier et attendit que des Galadhrim viennent à sa rencontre. Ça n'était pas la première fois qu'il pénétrerai au cœur de ce royaume elfique si mystérieux. La première fois qu'il entra dans cette forêt, ce fut lors de la guerre du rhovanion, peu après que l'armée rohirrim ait combattue les renforts venus du Rhûn sur les terres brunes. Eothain était venu trouver refuge en Lorièn après cette sanglante bataille et ce fut également l'occasion d'informer les elfes que les troupes venues de l'est ne viendraient pas en renfort à Dol Guldur. A l'époque d'ailleurs, ça n'était pas Galadriel ou Celeborn qui les avaient accueilli, mais leur petit-fils Elrohir qui exerçait alors une régence en leur absence.
La seconde et dernière fois qu'eothain était venu en Lorièn, ce fut pour discuter de son projet d'annexer les territoires neutres qui se trouvaient entre le Rohan et ce royaume elfique. Et si les elfes de Lothlorièn étaient depuis longtemps de solides alliés, il avait grandement espéré obtenir leur approbation sans ambiguïté concernant cette entreprise.

Autant dire que cette troisième fois était très différente des deux premières pour le seigneur de la marche au niveau de son ressenti personnel. Il abordait cette visite avec plus de légèreté et d'enthousiasme, car il était bien loin des inquiétudes et des tourments qu'il avait pu éprouver dans un contexte de guerre, ou dans l'angoisse d'un faux pas diplomatique comme il pu ressentir avant sa dernière visite. Bien-sûr, il y aurait des discussions géopolitiques, mais d'après les dernières informations dont il disposait, les relations entre les elfes de Lothlorièn et les rohirrims nouvellement installés sur les terres du nord étaient excellentes. Il n'avait donc aucun poid sur le cœur ni aucune appréhension quant à cette entrevue avec la dame Galadriel.

Après quelques instants, apparut une troupe de gardes elfes aux armures caractéristiques des Galadhrim. Ceux-ci escortèrent le groupe de rohirrim au cœur de cette forêt si particulière. Durant le trajet, le souverain du Rohan prit le temps d'observer les arbres, les rochers et tous les éléments qui composaient le décor environnant. Le groupe franchit le celebrant pour atteindre la partie septentrionale du royaume qui était également la plus grande. Après plusieurs dizaines de minutes à avancer au pas, le terrain s'éleva à l'horizon en une imposante colline. Eothain reconnu alors les abords de la capitale de Lorièn : Caras Galadhon ! Il ne restait que quelques mètres à parcourir et le brave Mildran pourrait enfin paître et se rafraîchir dans cet endroit si reposant qu'était la cité elfique.

Le souverain confia son destrier au palefreniers elfes et attendit ses hôtes. Il portait une belle tenue aux tons bleus et argentés et bien évidemment, à sa taille et rangée dans son fourreau, Ivrenmegil l'épée offerte par Galadriel à Eothain dont la garde semblait comme s'illuminer ici, sur les lieux où elle fut forgée.

La longue missive, chargée d’une écriture très fine et rapide, s’étirait toujours sur une part du bureau, bien qu’elle ait déjà été lue à de multiples reprises. Une certaine peine l’envahissait dès lors qu’elle revoyait les mots inscrits. Bien que l’espoir de retrouver l’enfant perdu soit vif, Galadriel éprouvait de l’affliction face aux tourments affligeant ses petits-enfants et arrières-petits-enfants. Désespoir d’âmes, fuites, peurs… Leur famille n’était pas en paix comme elle devrait l’être. Bien qu’il y ait d’heureuses nouvelles également, de nouveaux liens familiaux, l’espoir prochain d’une nouvelle naissance. Elle souhaitait que cette expédition se déroule promptement et s’achève sur de bonnes augures, que leur famille puisse de nouveau se retrouver au complet et que les blessures du passé s’effacent. Elle replia la longue lettre avec douceur, avant de la glisser parmi d’autres missives personnelles. Si retrouvailles il y avait enfin, elle voudrait réunir tous les siens en Lórien, un temps, afin de resserrer les liens familiaux malmenés et se rapprocher des nouveaux venus. Elle était particulièrement touchée pour Elladan, à présent qu’il s’approchait lui aussi d’une compagne.

Ses nombreuses considérations, peurs et espoirs pour les siens devront néanmoins patienter, d’autres sujets l’attendaient en ce jour. Une nouvelle rencontre devait se tenir avec le Roi Humain du Rohan, pour une affaire diplomatique. Ce n’était pas un homme désagréable, bien qu’elle l’ait jugée assez fougueux, voire nerveux, durant les premiers temps. Il s’était quelque peu apaisé et avait également su suivre les sages conseils de Gandalf, au moment venu. Il s’était écoulé bien peu de temps depuis leur dernière entrevue, quoi que cela devait sembler long au regard Humain. Leur vie s’écoulait si rapidement qu’il devenait impératif pour eux de ne guère perdre de temps dans chacun de leur projet. Ce qu’elle considérait comme une hâte n’était qu’une mesure normale parmi eux. Un point dont elle avait su s’accommoder avec le temps, bien que ce soit plus aisé avec certains souverains Humains qu’avec d’autres. Tout comme certains Elfes avaient des caractères moins évidents que d’autres. Son seul regret était de n’avoir guère plus de temps pour mieux connaître ces différents souverains des Hommes et leurs aspirations.

Celeborn vint la rejoindre au moment où elle achevait de se préparer pour cette nouvelle entrevue et alors qu’on leur annonçait que leurs invités étaient parvenus à destination. Il lui serra doucement les mains, debout auprès d’elle, un instant en silence. Ils n’avaient plus besoin de se parler durant des heures pour comprendre ce qui hantait l’esprit de l’un ou de l’autre. Ce moment ne put durer, cependant… Ils quittèrent ensemble leurs appartements, afin d’aller à la rencontre du Roi Eothain et de sa garde, les accueillir comme il se doit. A première vue, ils ne semblaient guère épuisés par leur voyage, toutefois, des rafraîchissements et un peu de repos s’imposait. Tout en pouvant débuter leur sujet, bien entendu.

"Soyez le bienvenu sur nos terres, Roi Eothain. Nous espérons que votre voyage fut agréable."

Elle tourna légèrement la tête vers son époux, le temps qu’il adresse lui aussi ses vœux de bienvenue aux nouveaux arrivants. Puis les inviter à les suivre. Une salle de réception avait été prévue, en amont de cette entrevue, pour recevoir comme il se doit le Roi Humain. Une vaste plateforme, à la décoration éthérée et fine, comme ils en avaient l’habitude, sous la lumière de multiples lampes au teint doux. Des fauteuils et sièges confortables avaient été disposés, ainsi que des boissons. Bien que le tout reste formel, étant ici pour de la diplomatie, leur peuple se faisait un devoir de mettre leurs invités aussi à l’aise qu’il l’était possible.

"Quelles nouvelles du Rohan ?" demanda-t-elle une fois chacun confortablement installés. "Nous avons entendu que vous tissiez des relations plus proches avec le royaume de Dun."

Eothain avait toujours trouvé les elfes intimidants voir même nonchalants dans leur attitude. Or s'il était une elfe des plus intimidantes et des plus mystérieuse c'était bien la dame de Lorièn. Cependant l'accueil qui lui fut réservé fut assez chaleureux et le seigneur de la marche inclina la tête en guise de respect pour ses deux hôtes, avant de leur répondre :

" Merci ! C'est un honneur d'être accueilli ici au sein de votre royaume."

Le roi du Rohan fit signe à ses hommes de disposer avant de suivre le couple a l'endroit prévu pour leur rencontre diplomatique. Tout était déjà prêt et joliment disposé avec soin. Il prit place sur l'un des fauteuils puis la dame de Lorièn entama la discussion pour savoir quelles étaient les nouvelles du Rohan. Plus particulièrement, elle demanda s'il était vrai qu'il nouait des relations avec le pays de dun. Une remarque qui fit légèrement sourire le rohirrim avant qu'il ne rectifie cette allégation :


" Il serait bien exagéré de parler de relations diplomatiques ou même de liens entre nos royaumes… disons que j'ai commencé par témoigner publiquement mon respect et mon soutien au Roi Shimrod ainsi qu'à ses sujets. Étant donné le passif entre nos peuples je pense qu'il nous faudra du temps pour établir une relation durable et pacifique mais je pense que c'est dans l'intérêt de tous d'y parvenir "

Ce serait sans doute compliqué de parvenir à nouer une alliance solide avec ce royaume. Mais le but était d'apaiser les tensions avec ce peuple qui avait une rancœur certaine pour les descendants des eotheods. Cela dit, c'était surtout dans l'intérêt de ce peuple de ne pas se mettre le désormais puissant royaume du Rohan qui, gouverné par quelqu'un de moins pacifique qu'eothain, aurait largement pu conquérir ce pays sans réelle difficulté…


" Et du côté de la Lorièn quelles sont les dernières nouvelles ? La cohabitation avec les rohirrim installés près de vos terres est-elle satisfaisante ?”

Le sujet était lancé. Inutile de tourner autour du pot, c'était là la plus grande préoccupation du roi a cet instant et il espérait pouvoir être vite rassuré dans la réponse qu'il allait obtenir.

"Il serait bien exagéré de parler de relations diplomatiques ou même de liens entre nos royaumes… Disons que j'ai commencé par témoigner publiquement mon respect et mon soutien au Roi Shimrod ainsi qu'à ses sujets. Étant donné le passif entre nos peuples je pense qu'il nous faudra du temps pour établir une relation durable et pacifique mais je pense que c'est dans l'intérêt de tous d'y parvenir."

Elle hocha poliment la tête, comprenant qu’il ne puisse être plus précis quant au temps songé pour mener à bien cette alliance à son terme. Bien qu’elle espère toujours, que ça soit elle-même qui s’en charge ou suivant des affaires menées par d’autres, des unions rapides et profitables entre les peuples libres. Il était bien rare que la rapidité soit une constante, dans ce type d’échange, à moins d’une guerre imminente venant frapper à leurs portes. Dans ce cas, il était encore plus rare que l’alliance formée dans l’urgence dure dans le temps, une fois la menace passée, si cette dernière était ponctuelle. De plus, ils avaient eu des échos lointains, par des voyageurs, de nouveaux combats, dans ces contrées. Des Hommes entre eux, comme si régulièrement, ces derniers siècles. Un point assez désolant, elle jugeait que les Humains des Terres du Milieu possédaient suffisamment d’ennemis en tous genres pour n’avoir nul besoin d’en ajouter en se combattant les uns contre les autres. Un « détail » n’ayant visiblement jamais interrogé les Hommes. Ceci étant, il avait existé une période où ce même détail n’avait pas dérangé non plus les Eldar. Sans doute était-ce une nouvelle malédiction.

"Et du côté de la Lorièn quelles sont les dernières nouvelles ? La cohabitation avec les rohirrim installés près de vos terres est-elle satisfaisante ?"

"Les débuts ont été assez délicats," répondit-elle d’un ton neutre, son verre en main. "Encore peu des nôtres ont l’habitude de côtoyer des Hommes. La curiosité, mâtinée d’une certaine méfiance, a fait route les premiers temps."

Ce n’était évidemment pas un secret et cela n’avait pas été non plus une surprise pour qui que ce soit. Hormis les soldats ayant déjà travaillé ou discuté de nombreuses fois avec des Humains, sans oublier quelques Eldar curieux ayant également voyagé un temps hors de leurs frontières, une majorité ne quittait jamais la forêt et n’avaient donc pas observé d’un très bon œil ces nouveaux voisins, trop proches à leur goût. Ceci étant, leur peuple leur faisait confiance, sur leurs décisions et choix, ils ne s’étaient pas montrés agressifs envers les nouveaux venus. Ce qui n’avait évidemment pas empêché quelques malentendus et erreurs de communication, d’un côté comme de l’autre. Elle voyait et ressentait aisément l’inquiétude du Roi Humain à ce sujet, sans doute avait-il espéré que tout souci, même infime, soit vertement écarté. De son côté, elle jugeait cela normal. Leurs deux espèces s’étaient éloignées, par la force du temps et des événements passées, ils ne pouvaient plus s’entendre aussi aisément qu’autrefois. Du moins, pas sans efforts.

"N’ayez crainte, du temps est nécessaire afin que chacun soit en paix et comprenne que les troubles ne viendront pas de ces proches voisins. La curiosité se révèle souvent plus forte que la peur ou les simples jugements hâtifs. Une fois cette période passée, envisager des liens commerciaux plus étroits sera plus aisé. Y avez-vous réfléchi ?"

Pour sa part, elle songeait – comme depuis bien longtemps – qu’il s’agissait là du meilleur et du plus rapide moyen de resserrer des liens entre deux peuples, même lorsque ces derniers étaient, par nature, peu enclins à s’apprécier. Le commerce s’était souvent dévoilé comme un formidable outil diplomatique, elle souhaitait donc savoir ce que le Roi Eothain en pensait et dans quelle mesure il désirait s’avancer sur ce terrain.

"Les débuts ont été assez délicats, encore peu des nôtres ont l’habitude de côtoyer des Hommes. La curiosité, mâtinée d’une certaine méfiance, a fait route les premiers temps."

Les craintes d’Eothain à ce sujet furent quelque peu ravivées à l’écoute de cette réponse. Il n’était pas niais et innocent au point d’imaginer que tout se déroulerait sans encombre et sans aucun accroc et que la paix absolue allait inonder les deux royaumes. Mais sa déception était sans doute à la hauteur de sa volonté de bien faire les choses pour le bien du Rohan. Tel était le seigneur de la marche, toujours soucieux de savoir que les choses se déroulent du mieux possible et avec un minimum d’imprévu.

"N’ayez crainte, du temps est nécessaire afin que chacun soit en paix et comprenne que les troubles ne viendront pas de ces proches voisins. La curiosité se révèle souvent plus forte que la peur ou les simples jugements hâtifs. Une fois cette période passée, envisager des liens commerciaux plus étroits sera plus aisé. Y avez-vous réfléchi ?"

Le souverain esquissa un sourire en entendant cette dernière question. Depuis que la paix était revenue en terre du milieu, après la défaite du Rhùn en Rhovanion et de Thaïs en Arnor, la principale stratégie d’Eothain pour son royaume fut de rétablir des liens commerciaux avec ses alliés. Et ce fut même le cas avec ses ennemis d’hier car le Rhùn, temporairement libéré de son empereur iconique, put rétablir des liens et des routes commerciales avec les hommes du Rohan.

“ Bien sûr ! Nous en serions honorés ! Je suis convaincu que pour pérenniser les relations entre royaumes, le commerce reste la solution la plus efficace. Et j’ai orienté la stratégie du Rohan dans ce sens “

Le souverain se redressa comme pour reprendre un peu de prestance au moment de détailler un peu plus sa pensée et d’expliquer plus en détail la situation.

“ Nous sommes qualifiés, et parfois même raillés par les mauvaises langues comme un peuple de paysans, dresseur de chevaux et rien de plus. Mais c’est une fierté que de faire partie d’un peuple travailleur de la terre, éleveur de bétail, héritier d’un savoir-faire inégalable dans le dressage des chevaux et capable de subvenir à ses besoins sans craindre de famine. Certes c’est peut-être moins ronflant que de creuser la montagne pour en extraire ses plus beaux minéraux, ou d’être reconnu comme un peuple d’habiles forgerons ou de bâtisseurs hors pair… Mais nous sommes fiers de ce que nous sommes et si nos maisons sont en bois, nos écuelles sont bien garnies, notre bière fruitée et nos terres habilement cultivées “

On pouvait voir dans le regard gris d’Eothain cette étincelle briller qui trahissait sa fierté rohirrim. Il était loin d’être quelqu’un d’orgueilleux et imbu de sa personne, mais il n’en était pas moins attaché aux valeurs de son peuple et fier d’en être le représentant.

“ Nous avons investi beaucoup de temps et de moyens pour améliorer notre agriculture et cela nous permet d’avoir largement de quoi nourrir les nôtres mais aussi de pouvoir exporter nos productions pour tous les produits qui en découlent. Nous serions donc ravis de pouvoir faire affaire avec nos alliés Galadhrim ! “

Conclut-il en inclinant la tête en signe de respect et d'acquiescement.

"Bien sûr ! Nous en serions honorés ! Je suis convaincu que pour pérenniser les relations entre royaumes, le commerce reste la solution la plus efficace. Et j’ai orienté la stratégie du Rohan dans ce sens."

Parfait. Entendre cela était un soulagement, il n’y aura donc nul besoin de passer de longues heures à faire comprendre une telle nécessité et les avantages que chacun pourra en tirer. Tout en faisant accepter qu’au-delà du commerce, l’idée était bien de renforcer en douceur les relations diplomatiques. Il était même amusant de constater que la posture du Roi changea soudainement, passant d’une légèrement nerveuse, voire renfermée, à une plus détendue et affirmée. Ce détail seul suffisait souvent à décrypter l’état d’esprit des gens, sans même lire en leurs âmes. Un acte mené sans vraiment y penser, désormais, aussi naturellement qu’elle respirait. Celle du Roi insufflait avant tout un mélange de fierté, d’un certain manque de confiance et un besoin de s’affirmer, ainsi que de la douceur vis à vis de son peuple. Elle conservait le regard fixé vers ces yeux clairs, ce visage marqué par le soleil, tout en se promenant dans les dédales de cette âme et observant les courants fluctuant s’y entrecroisant. Chez les Hommes, la pensée était souvent plus chaotique, plus rapide également, ils allaient vite en tous points et leur manière de raisonner le reflétait parfaitement. Ce manque de structure était toutefois compensé par la rapidité de leurs réflexions. Une espèce loin d’être idiote, mais si emportée.

Une fierté qu’il exposait tant par ses mots que par la force mentale dégagée, en évoquant son peuple. Un point sensible et important, fut-ce encore besoin de le préciser. Chez de nombreux Hommes, un sujet passionnel existait, les poussant à sortir de leur zone de confort et enflammer leurs âmes, tout offrir pour ce sujet. Comme elle l’avait lu en lui, son amour de son peuple était ce point sensible. Il y avait quelque chose de touchant, chez les Humains comme chez les Nains par ailleurs, à parler avec autant de passion de leur sujet de prédilection. La passion était plus étouffée chez les Elfes, mis à part dans de rares cas, ils n’étaient pas capables d’exprimer autant leur amour d’un domaine, exprimant plutôt des émotions feutrées, plus réservées. Il était rafraîchissant d’échanger avec des peuples ne possédant pas cette réserve. Elle échangea un court regard avec son époux, constatant que lui aussi s’amusait quelque peu de ce nouvel entrain. Bien qu’il ne le montre pas. Les émotions étaient une chose, les exprimer en était une autre.

"Nous avons investi beaucoup de temps et de moyens pour améliorer notre agriculture et cela nous permet d’avoir largement de quoi nourrir les nôtres mais aussi de pouvoir exporter nos productions pour tous les produits qui en découlent. Nous serions donc ravis de pouvoir faire affaire avec nos alliés Galadhrim !"

"En ce qui concerne les échanges potentiels, plus précisément, commençons par présenter les possibilités."

Ce fut son époux qui prit la relève et parla au Roi du Rohan de leurs propres productions, pour débuter. Si l’agriculture en était une part, ils ne faisaient pas d’élevage, étant donné que les leurs ne consommaient plus de viande. Elle-même n’en mangeait plus, ces derniers temps… Depuis un ou deux millénaires, à vrai dire. Se nourrir de viande ne la gênait pas autant que beaucoup, néanmoins, ce n’était pas utile lors des périodes où ils se trouvaient chez eux et ne voyageaient pas. Et ne combattaient pas. Ils pouvaient également faire commerce de certaines armes, de plantes, d’étoffes… Sachant s’adapter à ce que pouvaient rechercher leurs partenaires commerciaux. Le principal concernait les plantes médicinales, dont le besoin ne cessait jamais. Les guerres étaient une chose, les maladies frappant allègrement les Hommes en était une autre.

"Qu’attendez-vous, ainsi que votre peuple, de cette union, sur le plus long terme ? Votre descendance sera-t-elle prête à poursuivre cette alliance ?"

La question était d’importance, pour elle, car la vie des Humains était courte et mieux valait se préparer en avance du futur de leurs liens. Donc de l’état d’esprit des enfants des rois et reines.

Le couple souverain de Lothlorièn voulut définir plus précisément les grandes lignes des traités commerciaux envisagés par Eothain. C’était une question intéressante car il se demandait bien quels produits ou denrées pourraient intéresser les galadhrims pour commercer. Ainsi il présenta les possibilités à ses hôtes après quelques secondes de réflexion.

“ Eh bien nous exportons généralement des produits bruts comme des fruits, légumes et autres céréales. Mais aussi des produits transformés issus de notre agriculture : des farines, fromages, boissons, viandes séchées… mais pas seulement des denrées alimentaires ! Nous commerçons aussi du cuir, de la laine, des selles pour les chevaux…”

En retour, le seigneur de la marche avait déjà une idée assez précise des services ou produits qu’il pourrait demander à ses alliés et futus partenaires commerciaux.

“ De notre côté nous serions très intéressés par des produits médicinaux mais aussi et surtout par l'apprentissage de certaines de vos techniques et savoir-faire en termes de médecine mais aussi de constructions navales, étant donné notre nouvelle installation près de l'anduin plus en aval de vos terres et notre faible expérience en la matière“


Et ce n’était pas peu dire… Les rohirrims étaient maîtres des chevaux, maîtrisaient également pas mal les constructions de carrioles et autres chariots. Mais là s'arrêtait tout leur savoir faire en matière de transport. Hormis quelques bacs fluviaux, les embarcations navales leur étaient totalement inconnues. Eothain avait certes demandé l’aide et l'expérience de ses alliés gondoriens pour la même chose, mais obtenir l’aide des elfes serait un véritable plus, d’autant qu’ils étaient bien plus proches de Tirith Anduin que ne l’étaient les gondoriens.

Le roi du Rohan devait ensuite répondre à la question épineuse de la pérennité de leurs futurs accords, à travers le temps et même au-delà de sa propre existence. Une notion sans doute propre aux elfes, conscients que la vie humaine était bien courte et que cela pouvait engendrer nombre de changements dans le contexte géopolitique.

" Hélas j'ai peur de ne pas pouvoir vous garantir que nos accords perdureront au-delà de mon règne…Je n'ai pas la prétention et la légitimité pour imposer à mon peuple une nouvelle lignée Royale… J'ai eu l'honneur d'être choisi par une majorité des miens pour être leur Roi et j'entends bien leur laisser ce droit de choisir leur futur souverain pour me succéder. Quant à ma descendance… “

Eothain esquissa un sourire, animé par une tendre pensée à propos de ses enfants et plus particulièrement de Lyra. Cette dernière était bien loin de se destiner au trône du Rohan bien qu’elle était capable d’en changer le destin par son intelligence, sa force d’esprit et sa capacité à mettre au point des inventions très interessantes…C’était dur pour lui de réaliser qu’elle tenait désormais plus de la jeune femme que de la petite fille. Le temps avait filé si vite depuis ces dernières années et voilà que maintenant un bambin animait la maison d’Eothain et Asylia, éprouvait leur nerfs parfois...mais comblait leurs cœurs de joie autant que pouvait le faire la demoiselle du Rohan.

“ Ma fille Lyra est aussi brillante que courageuse mais je suis certain que pas une fois dans sa vie l'idée de gouverner n’à traversé son esprit. Et pour ce qui est de mon jeune fils Aodren, s'il j'ai la chance de vivre suffisamment longtemps pour qu'il puisse prétendre à me succéder en tant qu’adulte, alors peut être le fera-t-il… Seulement pour cela il faudra que le peuple le choisisse comme il l'a fait avec moi.”

Cette démocratie ne serait peut-être pas du goût des elfes. A vrai dire, elle était également loin de faire l’unanimité au Rohan. Mais c’était un système politique comme un autre, qui n’était peut-être pas très courant en terre du milieu mais qui semblait être le plus juste pour eothain vis à vis du peuple du Rohan. Toutes les histoires de lignées et de descendants avaient failli mener le rohan à sa perte, et il était hors de question de risquer de mettre en péril la pérennité d’un royaume désormais florissant.

Alors qu’ils devisaient sur les futurs termes d’une alliance plus prononcé, un de leurs conseillers, installés plus loin dans la pièce, prenait soin de noter les apports des uns ou des autres, afin de n’oublier aucun détail, fusse-t-il infime. Galadriel faisait confiance à sa mémoire et celle de son époux, néanmoins, elle jugeait préférable d’avoir par la suite, en main, un écrit de ce qui s’était conté. D’autant plus lorsqu’il s’agissait de commerce, chaque paramètre était important et les qui-propos pouvaient, bien trop rapidement, ruiner toute une affaire. Par chance, ce jeune Roi-ci n’était pas avare en paroles et en détails, lors de ses réponses. Parfaitement droit dans son siège, alors que de doux rayons du soleil accrochaient les broderies dorées aux bords de ses vêtements. L’apparence physique reflétait également la position d’une personne et elle jugeait important de ne pas se vêtir de n’importe quelle façon lors d’une rencontre diplomatique.

"Hélas j'ai peur de ne pas pouvoir vous garantir que nos accords perdureront au-delà de mon règne…Je n'ai pas la prétention et la légitimité pour imposer à mon peuple une nouvelle lignée Royale… J'ai eu l'honneur d'être choisi par une majorité des miens pour être leur Roi et j'entends bien leur laisser ce droit de choisir leur futur souverain pour me succéder. Quant à ma descendance…"

Du coin de l’œil, elle aperçut leur conseiller sursauter très légèrement, lorsqu’il entendit pareille réponse, puis se reprendre, poursuivant ses écrits comme si de rien n’était. Le Roi, de son côté, ne se rendit compte de rien, ses pensées ayant déjà glissé avec un attendrissement visible vers sa descendance. Si elle comprenait ce dernier point et qu’elle comprenait également l’importance d’un peuple à choisir ses souverains – eux-mêmes ayant été désignés par les leurs – en revanche, ce concept devenait plus délicat chez un peuple possédant une vie si courte. Elle ne se poserait guère une telle question avec les Nains ou d’autres Elfes, étant donné que les passations de pouvoir pouvaient se préparer sur le long terme et assurer la pérennité des accords. Mais les Hommes… Les Hommes pouvaient être abattus si facilement par la guerre, la maladie, la vieillesse, sans avoir eu le temps de consulter leur peuple au sujet du futur roi ou encore d’avoir pu préparer ce futur roi aux tâches lui incombant. Il lui semblait très risqué de laisser ainsi vacant une place sans être certain qu’elle ne sera pas prise par un simple tyran. Le peuple du Rohan jouait gravement avec le feu… Un homme pouvait se montrer honnête et ne dévoiler sa vraie nature qu’une fois sur le trône, sans être passé auparavant par toutes les épreuves permettant à un fils ou fille de roi de gagner la confiance des siens.

"Ma fille Lyra est aussi brillante que courageuse mais je suis certain que pas une fois dans sa vie l'idée de gouverner n’a traversé son esprit. Et pour ce qui est de mon jeune fils Aodren, s'il j'ai la chance de vivre suffisamment longtemps pour qu'il puisse prétendre à me succéder en tant qu’adulte, alors peut être le fera-t-il… Seulement pour cela il faudra que le peuple le choisisse comme il l'a fait avec moi."

"Je comprends. Nous devons ainsi signer un accord courant simplement sur votre règne."

Ce qui en fera, détail qu’elle n’ajouta évidemment pas, le plus court jamais conclu avec un autre peuple, durant sa longue existence. Cela soulevait également une autre question… Son conseiller se leva et vint leur apporter, avec rapidité et déférence, ce qu’il avait noté, alors que deux autres personnes venaient également remplir de nouveau leurs verres.

"Cela appelle à une autre question, dont nous devons discuter. Dans le cas où votre futur successeur décide de ne plus suivre cet accord, que deviendront les vôtres, désormais installés à nos côtés. Resteront-ils des alliés et voisins sûrs, ou deviendront-ils distants ? Il demeure possible de créer un statut spécifique, à leur égard, afin de les préserver à l’avenir, ainsi que nos relations."

Eothain fut pour le moins surpris des derniers mots prononcés par la dame de Lorièn.  Instaurer un statut particulier aux braves personnes venues s'installer dans le nord du royaume était impossible à accepter et concevoir pour Eothain. Aussi il était tout de même assez surpris de la fébrilité des elfes quant à ces accords. Il pensait être reçu en allié mais avait l'impression de devoir justifier de beaucoup trop de choses. Même des choses qui dépassaient son existence… il prit alors la parole en se redressant sur son siège, quelque peu surpris par la tournure des discussions.

- Malheureusement j’ignore de quoi l’avenir sera fait, mais ne partez pas du principe que tout s’achèvera après mon règne. La plupart des nôtres ont un profond respect pour vous et ont conscience de la valeur d’une alliance solide avec les Galadhrim. Quant au reste, pardonnez mon intransigeance mais il est inenvisageable de morceler le royaume avec des différences de statuts et hors de question de diviser le peuple du Rohan.

Et ce dernier point était non négociable…Il enchaîna ensuite :

Peut-être n'accordez vous que peu de fiabilité aux humains sur le très long terme, et je ne me permettrai pas d’avoir la prétention de pouvoir juger une race entière sur une échelle de temps qui me dépasse. Mais je peux vous dire ceci : Que nos accords soient établis ou non, que le Rohan se soit étendu près de vos frontières ou non, si dans un avenir plus ou moins lointain, notre peuple souhaitait rompre ces accords, ou pire !  Envisagait de vous nuire … Alors rien, absolument rien de ce que l’on pourrait établir à ce jour, ne pourrait empêcher cette folie.

C'était un sentiment assez désagréable d'être observé par ses êtres stoïques qui semblaient dispenser des jugements aussi hâtifs que subjectifs. Était ce la démonstration de la légendaire arrogance des elfes ? Eothain n'était guère habitué à en côtoyer pour juger…
Néanmoins il souhaitait que ces accords aboutissent, et que ses homologues puissent être rassurés et qu'ils aient la conviction de faire le bon choix. Alors il termina d'une voix calme et posée.

- Le long terme pour un peuple humain n’est peut-être qu’un balbutiement d’une existence immortelle, mais elle offre au moins les bases pour établir une relation amicale peut-être bien plus longue et solide qu’espérée entre nos royaumes. Et ce qui est certain, c’est qu’un tel accord assurera un avenir plus radieux à quelques générations de rohirrims qui seront honorés de pouvoir compter sur leurs amis et alliés de la Lothlorièn.

L'orateur avait fait tout ce qu'il pouvait et venait même de jouer sur la corde de l'empathie pour appuyer ses desseins. Pas certain que cela fonctionnerait avec des elfes si distants…

Ce n’était hélas guère une question de principe mais une question de prudence. Ils étaient on ne peut plus conscients de la fragilité des accords et traités, d’où l’importance non seulement d’en discuter mais aussi de savoir si leurs interlocuteurs en avaient également conscience. Les clauses de statut servaient principalement à protéger les parties sur un territoire donné, plutôt que de morceler ou diviser un peuple, sans que cela ne donne de droits supplémentaires, tant qu’il n’y avait guère de problèmes. Elle comprenait que ce ne soit pas acceptable pour le souverain face à eux, tandis que le flot de son esprit se hérissait à cette seule idée. Ils n’étaient guère ici pour forcer des idées mais pour en arriver à un arrangement solide, entre leurs peuples. Il était simplement dommage de constater que même après tant d’années et autant de faits ayant secoué l’Histoire, de nouveaux arrangements ou tentatives différentes n’étaient toujours pas acceptés, dans l’optique d’esquiver un maximum de futurs conflits. Toutes les races étaient susceptibles de faillir, pas seulement les Hommes. Bien qu’elle sache qu’il était ardu d’envisager de nouvelles sortes d’alliances, il lui était impossible de ne pas essayer. Las, les Hommes n’avaient pas le souvenir brûlant des conflits d’autrefois et n’avaient pas donc pas conscience de la fragilité des alliances. Peut-être était-ce là leur bénédiction ? Sans de tels souvenirs, sinon le récit ayant survécu jusqu’à eux, ils pouvaient vivre et accomplir des projets sans se sentir bouleversé par le poids du passé. Ils ne devaient pas vivre avec des millénaires de regrets… Un don des mortels si enviable.

"Le long terme pour un peuple humain n’est peut-être qu’un balbutiement d’une existence immortelle, mais elle offre au moins les bases pour établir une relation amicale peut-être bien plus longue et solide qu’espérée entre nos royaumes. Et ce qui est certain, c’est qu’un tel accord assurera un avenir plus radieux à quelques générations de rohirrims qui seront honorés de pouvoir compter sur leurs amis et alliés de la Lothlorièn."

"L’espoir qu’un tel lien dure ne s’est pas perdu avec les années. Il fut un temps où les premiers Hommes vivaient en harmonie avec les Eldar, chacun partageant ses connaissances, modes de vie et aides au combat. Le temps et les épreuves ont éloigné peu à peu nos races, chacune changeant au fil de ses affres. Nous recherchons à retrouver ces liens, bien que nous ne pourrons, sans nul doute, jamais revenir aux temps où si peu de différences subsistaient entre nos peuples."

Une légère pause marqua la fin de cette phrase, alors qu’elle songeait qu’aujourd’hui, les manières de pensée différaient de plus en plus. Les Hommes changeaient et évoluaient bien plus vite que les Elfes, leurs capacités d’adaptation étaient les meilleures, de toutes les races existant en Terre du Milieu. Une race aussi changeante, surtout si rapidement, était laborieuse à appréhender.

"Les relations commerciales sont un point de départ, pouvant être suivies par des relations culturelles et enfin, des relations militaires. En ce qui concerne la culture, nous souhaiterions savoir sur quels domaines votre peuple est porté. Nous avons pu observer que l’art et la musique pouvaient être jugés très abstrait ou long pour une personne non familiarisée. Qu’apprécient les Hommes du Rohan ?"

L'intérêt de galadriel se porta sur le rapport du peuple rohirrim aux notions culturelles. Elle souhaitai visiblement connaître les centres d'intérêts de ces nouveaux alliés pour développer en plus des liens commerciaux des échanges culturels enrichissants pour les deux parties.

- Eh bien comme je le disais un peu plus tôt, le peuple du Rohan apprécie le travail de la terre dans le respect de la nature et des cycles qu'elle impose. Dit ainsi, cela peut sembler trop rural pour être considéré comme de l'art mais certains jardins, certains coteaux ou autres vergers sont magnifiquement entretenus et offrent des lieux magnifiques en plus d'offrir de bons produits.

Il était vrai que parfois les rohirrim n'avaient pas grand chose à envier aux hobbits sur le goût des bonnes choses et de l'amour des choses qui poussent. En revanche, ils demeuraient bien loin derrière les semi hommes sur le sens de l'hospitalité et l'importance qu'ils attachaient à la nourriture et aux joyeusetés culinaires.

- Pour ce qui est des intérêts culturels plus généraux, je ne pense pas que nous soyons un peuple de musique bien que nous avons évidemment de très bons musiciens et chanteurs, mais cela n'est pas tellement dans nos traditions. En revanche nous aimons beaucoup le théâtre et avons des dizaines de troupes de comédiens qui mettent en scène des pièces de tous les genre : dramatiques, romantiques, comédies … notre peuple est très attaché à cela.

Ce genre de spectacle vivant était devenu un art si apprécié au Rohan que les meilleurs comédiens et auteurs faisaient parti des gens les plus fortunés tant ils étaient sollicités partout dans le royaume. Lyra était d'ailleurs particulièrement intéressée par cet art qu'elle pratiquait régulièrement avec la troupe d'edoras.

- Enfin et contrairement à ce qu'on pourrait attendre d'un peuple très rural, nous avons un profond attachement à la poésie et aux histoires bien contées. Nous aimons jouer avec les mots et les faire rimer pour en composer des textes aussi mélodieux que des chants dotés d'émotions et de sentiments.  

Eothain le premier. Il n'était pas rare pour le seigneur de la Marche de s'adonner à la poésie lors d'occasions spéciales comme la fois où il en avait improvisé un et récité en public lors d'une fête à Imladris.
La question culturelle avait éveillé sa curiosité à son tour et il se demandait bien quelles pouvaient être les aspirations des elfes de Lorièn, bien qu'il soupçonnait fortement que le chant en faisait parti.

- Permettez moi de vous retourner la question, quels sont les domaines culturels que chérissent les Galadhrims ? Avons nous des centres d'intérêts en commun ou avons nous beaucoup à apprendre les uns des autres ?

La première partie de sa réponse eut le don de faire légèrement plus briller le regard de son époux. Comme toujours, il se montrait plus intéressé dès lors qu’il avait affaire à une personne mettant, avant toute chose, en avant le soin de la terre. Malheureusement, les peuples Humains particulièrement intéressés par cela n’étaient pas si nombreux… Certains, comme les Numénoréens, avaient même commis des atrocités contre la nature, se montrant aussi sauvages contre les forêts que pouvaient l’être les orcs et les gobelins. Ces actions horrifiantes n’avaient pas été oubliées, jetant de plus une méfiance supplémentaire contre les Hommes, sur ce qu’ils étaient capables d’accomplir comme horreurs pour parvenir à leurs desseins. S’adresser à un peuple rejetant de telles conduites ignobles ne pouvait que les rendre plus appréciables et respectés. Les leurs seront très aise de l’apprendre et il était presque dommage que cela ne se soit pas su plus tôt. En revanche, elle éprouvait des difficultés à comprendre l’art qualifié de « trop rural », même en suivant les cours de l’esprit de leur interlocuteur. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier, parmi les hommes ? Possédaient-il une hiérarchie des arts ? Et si tel était le cas, sur quels critères se basaient-ils ?

D’autant plus que le jeune Roi Humain poursuivit sur les intérêts culturels plus généraux, comme il l’affirmait, donc en détachant l’art de la terre des passions culturelles. De la musique, du théâtre, dont il parlait avec plus d’assurance et d’amour. Bien qu’impassible extérieurement, Galadriel était assez perplexe, cherchant à comprendre la pensée humaine de hiérarchisation des arts. Elle n’avait que très rarement eu l’occasion de discuter de ce domaine avec un Humain et ceux avec qui elles s’étaient adonné à l’exercice baignaient dans leur propre culture, faussant donc les réponses. Cela signifiait-il que les jeunes humains choisissant les arts de la nature étaient moins considérés que ceux choisissant la musique ? Très curieux… Comment les parents décidaient-ils de quel domaine artistique apprendre en priorité à leur descendance ? Parmi les Eldar, cela se décidait selon la sensibilité personnelle ou les compétences des parents, mais s’il existait cette hiérarchie chez les Hommes, sans doute de tels apprentissage devaient être rangés selon un ordre d’importance défini. Tout cela était bien étrange.

"Enfin et contrairement à ce qu'on pourrait attendre d'un peuple très rural, nous avons un profond attachement à la poésie et aux histoires bien contées. Nous aimons jouer avec les mots et les faire rimer pour en composer des textes aussi mélodieux que des chants dotés d'émotions et de sentiments."

Galadriel sourit doucement, à cet amour affirmé de la poésie, bien qu’elle ne comprenne toujours pas le rapport entre être un peuple « rural » et apprécier les chants et la poésie. Le terme rural en lui-même lui posait question, il sonnait comme une insulte ou comme une dépréciation, dans la bouche du roi. Sans doute était-ce là un trait culturel ou social des Humains…

"Permettez moi de vous retourner la question, quels sont les domaines culturels que chérissent les Galadhrims ? Avons-nous des centres d'intérêts en commun ou avons-nous beaucoup à apprendre les uns des autres ?"

"La musique, les chants et la poésie font partie de notre sang," répondit tout d’abord Celeborn, d’un moins placide et plus enjoué. "Nous aimons à composer de longues ballades sur les exploits du passé et les vies de tous aujourd’hui. La poésie et la musique sont enseignés aux enfants au plus jeune âge. Le théâtre n’est guère une pratique courante, cependant, nous serions curieux de découvrir cela."

Elle approuva d’un signe de tête, souriant à son tour. Ils aimaient chanter la vie plutôt que de la mettre en scène. Elle prit ensuite la parole, après avoir bu une gorgée de son verre.

"La terre est chérie et bercée, notre rôle est d’en prendre soin comme de nos propres enfants. Cependant, qu’entendez-vous par peuple très rurale, pourquoi cela semble être une dépréciation pour les Humains ?"

- Je pense qu'accueillir des elfes de Lorièn dans le public d'une scène de théâtre serait pour toute la troupe de comédiens concernée un honneur incommensurable. “

Il pourrait facilement être organisé quelque chose du genre près de Tirith Anduin pour permettre aux elfes de venir assister à une pièce de théâtre sans trop s’éloigner de leurs terres. Beaucoup d’ humains accordent aux elfes une dimension presque mystique, et admirent grandement leur grâce et leur beauté. Alors imaginer un instant jouer une pièce de théâtre devant la légendaire Dame de Lorièn serait un rêve éveillé pour nombre de comédiens même si, à n’en pas douter, la peur de ne pas offrir un divertissement à la hauteur des attentes de cette personne se ferait certainement sentir.

La dame de Lorièn justement… Cette dernière sembla véritablement intriguée par l’emploi d’expression comme “trop rurale” pour qualifier les rohirrims. Eothain pensa alors que Galadriel devait ne pas être très accoutumée de l’état d’esprit des humains ni des expressions employées dans leur langage. Il prit le temps de bien expliquer la chose, même si cela n’allait pas rendre grâce aux humains une fois de plus.


- Je m'exprime ainsi car malheureusement, il est assez commun chez les humains, comme chez d'autres races, de dévaloriser le travail de la terre, ou même le travail tout court… Beaucoup trop de gens mesurent la réussite de leur vie en comparant inlassablement la richesse matérielle et pécuniaire qu'est la leur, vis-à-vis des autres. C'est ainsi que les plus fortunés paient les autres pour faire le travail difficile, salissant et éreintant comme peut l'être celui de la terre. C'est aussi pour cela que des seigneurs se font bâtir des châteaux et des forteresses aussi clinquantes que les sommes faramineuses qu'elles ont coûté…tandis que le modeste ouvrier ou jardinier ne peut se contenter que d'une petite maison de bois.
De la pierre, des diamants, de l'or, des serviteurs…  voilà ce qui symbolise la réussite pour beaucoup d'entre nous, et je le déplore.
Vous imaginez donc bien qu'un peuple qui cultive sa terre avec fierté, qui élève des chevaux sur des routes qui ne sont pas pavées et dont le palais du roi n'est fait que de bois et de paille… ce peuple a forcément coutume d'être raillé, rabaissé et réduit à ce rang inférieur dans lequel on le place volontiers… Si bien que moi même j'ai pris l'habitude d'employer ces adjectifs nous concernant, dans l'unique but de les utiliser et de les contredire en démontrant la fierté et la grande valeur de notre peuple et de sa culture.

Le seigneur de la Marche avait des défauts comme tout le monde, mais pas ceux de l'avidité, de l'orgueil et de l'ambition à outrance.  Il n'était pas du genre à flamber et ses origines modestes n'y étaient sans doute pas pour rien. Alors oui il avait sans doute un peu changé en accédant au titre de Roi, mais il était loin de se complaire dans les richesses matérielles et l'or.
Bref, il semblait évident que la question de galadriel était innocente et qu'elle ne comprenait pas cette dévaluation du travail agricole. Alors eothain lui devait des excuses.

En cela, je vous dois donc des excuses car je me suis exprimé comme je le fais habituellement, face à des puissants qui ont tendance à penser ainsi, même s'ils le taisent bien évidemment face à moi. Or ce n'est pas votre cas à ce niveau là.  

Le souverain inclina alors brièvement la tête comme pour appuyer ses excuses avant de la relever lentement.

Dévaloriser le travail de la Terre lorsque cette dernière, seule, avait le pouvoir de les nourrir et de leur offrir un abri ? Voilà un concept… particulièrement étrange… D’autres races pensaient ainsi, affirma-t-il ? Il ne lui semblait pas qu’un seul Elfe puisse avoir de tels songes. Ni les Hobbits, trop attachés à la leur et trop amoureux de la bonne chère. Les Nains ? Ils possédaient, bien souvent, un manque de respect envers les forêts et autres terres, n’hésitant pas à brûler des arbres encore très vifs pour alimenter leurs forges. Néanmoins, cela signifiait-il qu’ils dénigraient les terres et les richesses qu’elle pouvait apporter ? Alors que le roi Eothain parlait du rapport des hommes au travail, à la terre, à la richesse, elle suivait le fil de ses pensées, des scènes et images rappelées par les paroles qu’il prononçait. L’amour maladif de l’or n’était guère aussi répandu chez les Humains que chez les Nains, il serait injuste de le leur reprocher. Bien qu’étant un élément important, l’attirance pour les joyaux demeurait l’apanage des Nains, dont toute la vie tournait autour de leur accumulation et de leur travail. Un ouvrage d’orfèvres qui, s’il apportait beaucoup de richesses et de gloires, apportait son lot de malheurs, lorsque la cupidité prenait le pas.

Les hommes n’avaient jamais envoyé une telle impression d’avidité, du moins, pas dans leur ensemble. L’avarice de certains individus rivalisait sans aucune peine avec celle des Nains. Pour autant, elle ne se serait guère imaginée qu’ils classent le travail selon la pénibilité de celui-ci et que celui de la Terre fut tant mal considérée, par sa rudesse. Pas plus qu’il était mal d’habiter des demeures respectant la nature, faites de bois. Dénigrer un travail étant à la base de toute vie lui semblait profondément outrageant. Il était normal d’aimer la beauté et les arts, d’apprécier les objets finement décorés, de se vêtir suivant son rang, mais en quoi était-il normal ou acceptable de déconsidérer la nature ? la valeur de l’or et de la richesse apparaissait, somme toute, plus insidieuse et fourbe chez les Humains, si cela influait tant sur leur manière de se juger entre eux. Voilà qui expliquait leurs relations avec les Nains, ces peuples étaient en mesure de se comprendre aisément…

"En cela, je vous dois donc des excuses car je me suis exprimé comme je le fais habituellement, face à des puissants qui ont tendance à penser ainsi, même s'ils le taisent bien évidemment face à moi. Or ce n'est pas votre cas à ce niveau-là."

Les Hommes pouvaient être corrompus par le pouvoir, comme tant d’autres. Elle-même avait souffert de cette faiblesse et cela la poursuivait aujourd’hui, bien des erreurs avaient été commises. La corruption possible par les richesses était une autre faiblesse, qu’elle n’aurait guère pensé si puissante en leurs cœurs et leurs âmes.

"Ne vous laissez pas troubler par de telles pensées," répondit-elle d’un ton plus doux. "Il n’est pas de prix, pour la terre offerte par les Valar. La chérir, la protéger est le plus précieux des remerciements. Ce don est si important que la volonté première de nos ennemis fut de le détruire. Votre peuple a de quoi être fier. Le devoir de transmission envers les générations futures ne saurait être dévalorisé."

Les forces de Morgoth ne contentaient pas de chasser les êtres vivants en ce monde. Ils brûlaient, taillaient, dévastaient, creusaient, brisaient… déversant une haine infinie contre ce monde et réduisant à néant sa beauté.

"Toutes les techniques dont nous pouvons user pour entretenir la terre ne peuvent être partagées, certaines étant spécifiques à notre race. Néanmoins, il en est dont vous pourrez également avoir l’usage, que nous pouvons inclure au sein de notre accord. Aimeriez-vous découvrir la manière dont nous nous chargeons de la nature ?"

S’il le souhait, il pouvait dès lors les suivre découvrir leurs cultures et leur manière d’en prendre soin. Ils n’avaient pas d’élevages, les leurs étant végétariens. Seuls les Elfes occupés à la guerre ou à une vie rude mangeaient de la viande, ceux en paix préféraient rester sans viande.

"Il n’est pas de prix, pour la terre offerte par les Valar. La chérir, la protéger est le plus précieux des remerciements. Ce don est si important que la volonté première de nos ennemis fut de le détruire. Votre peuple a de quoi être fier. Le devoir de transmission envers les générations futures ne saurait être dévalorisé."

Les valar, voilà bien un sujet sur lequel Eothain ne s'aventurerait pas en présence d'elfes, et moins encore en présence d'elfes ayant connu Valinor. Le seigneur rohirrim avait appris sur le tard les récits des elfes sur la création du monde par les Ainur, l’éveil des elfes puis celui des autres races. Il n’avait retenu que les grandes lignes et depuis avait conservé un grand respect pour les créateurs des beautés de ce monde. Néanmoins, il n’était pas animé d’une piété aussi solide que celle des elfes vis à vis des valars. Il était convaincu que le destin des hommes était entre leurs propres mains car la race humaine n’avait pas eu autant de privilèges que celle des elfes. Par exemple, il gardait bien en tête les choses qu’on lui avait raconté comme ce fait établi qu'aucun homme ne peut prétendre à se rendre en valinor. A croire qu’ils étaient trop inférieurs pour pouvoir côtoyer la demeure de ses êtres d’un plan supérieur. Cela dit, pour en revenir au travail de la terre, il avait conscience que la nature était aussi fragile qu’impitoyable et que tout devait être fait dans le respect de celle-ci. Exploiter la terre sans se soucier du lendemain n’était pas le choix fait par le rohan pour son agriculture.

"Toutes les techniques dont nous pouvons user pour entretenir la terre ne peuvent être partagées, certaines étant spécifiques à notre race. Néanmoins, il en est dont vous pourrez également avoir l’usage, que nous pouvons inclure au sein de notre accord. Aimeriez-vous découvrir la manière dont nous nous chargeons de la nature ?"

C’était là une proposition intéressante que de découvrir comment faisaient les Galadhrim pour travailler la terre et en obtenir les plus beaux produits. A vrai dire, c’est un petit peu ce qu’avait espéré Eothain en venant ici : pouvoir observer les elfes d’un œil plus attentif et avoir des explications sur leurs habitudes pour ainsi mieux les connaître. Autant les methodes des peuples humains étaient assez similaires dans la plupart des métiers d’artisanat, autant le savoir-faire des elfes comme celui des nains était beaucoup moins connu de tous.

- J'en serais honoré. Je ne suis pas un expert en la matière mais je sais apprécier la valeur du travail bien fait, et je suis curieux de découvrir votre manière de cultiver et de profiter de la générosité de la nature. Lorsque l’on à la chance de pouvoir observer la beauté de votre cité qui épouse parfaitement cette envoûtante forêt, on ne peut que se réjouir du privilège d’être invité à découvrir certaines de vos techniques.

Il avait prononcé ces derniers mots en levant la tête, balayant du regard le paysage qui se trouvait tout autour de lui et observant avec un émerveillement encore vivace l’atmosphère magique et enchantée de ces bois de Mellyrn sublimés par l’architecture elfique. La discussion avec le couple souverain de Lorièn lui avait presque fait oublié tout ce qui se trouvait autour tant il avait parlé de son propre royaume.

Ses hôtes se levèrent de leur siège en l'invitant à les suivre d'un geste de la main. Le souverain s'exécuta et leur emboîta le pas. Un souvenir apparut alors dans son esprit et le poussa à poser une question à la dame de Lorièn.

- Dame Galadriel, Permettez moi de vous demander si les choses se sont bien passées avec le meara que je vous ai offert lors de votre venue à Edoras ? J'imagine qu'il s'est plutôt bien adapté à un  cadre si apaisant que la Lothlorien ?

Ils ne prenaient que bien peu souvent la peine de faire découvrir leurs terres à des visiteurs étrangers. D’une part car ils en recevaient, il était juste, un nombre infime, d’autre part, les personnes l’acceptant ne représentaient qu’un petit nombre. La plupart d’entre elles n’en voyaient pas le besoin et d’autres, plus rares, estimaient qu’elles n’avaient pas à se préoccuper d’une telle affaire lors de négociations commerciales. Enfin, il était déjà arrivé que des visiteurs ou diplomates se sentent oppressés ou effrayés et ne souhaitent pas poursuivre leur visite au-delà. Ils invitèrent le Roi Eothain à les suivre, suivis discrètement et à distance par certains de leurs conseillers, au cas où ils auraient besoin d’eux. Ils passèrent sous les arcades chargées de lierre de la salle principale, avant de d’emprunter les escaliers en spirale, sous les arcades illuminées. Le soleil se glissait en cascade entre les ramures des si hauts arbres, offrant une lumière scintillante et apaisante au gré du mouvement des feuilles, soulevées par le vent.

"Dame Galadriel, Permettez moi de vous demander si les choses se sont bien passées avec le meara que je vous ai offert lors de votre venue à Edoras ? J'imagine qu'il s'est plutôt bien adapté à un  cadre si apaisant que la Lothlorien ?"

"Nous l’avons nommé Ilma," sourit-elle doucement, alors qu’ils franchissaient les marches. "Il vit désormais en liberté dans ces bois et nous rejoint lorsque nous devons entreprendre certains voyages. Il est un compagnon doux et loyal, ayant contribué à faire comprendre aux nôtres votre amour des chevaux."

Ils n’avaient que peu de monture, les leurs voyageaient, le plus souvent, à pieds ou par bateau. Pour sa part, elle n’avait guère de préférence. Une fois revenus à des niveaux inférieurs, ils commencèrent justement par aller saluer Ilma, afin que le roi se rassure en le voyant bien-portant. L’appel fut léger, très bref, il ne s’écoula que quelques minutes avant que le magnifique cheval n’y réponde. Trottinant vers eux, en douceur, bien sûr libre de tout entrave. Elle tendit la main vers lui, lorsqu’il se rapprocha doucement, pour lui flatter l’encolure, après avoir incliné la tête pour le saluer. Encore jeune et très robuste, il passait une bonne partie de son temps à courir librement dans leurs forêts. Elle laissa loisir et temps au roi Humain de l’observer, afin qu’il soit assuré du bon état de santé d’Ilma. Puis ce dernier repartit d’un bon pas, entre les arbres. La visite se poursuivit tout d’abord en se rendant auprès de celles et ceux s’occupant des vignes. Attirant au passage de multiples regards curieux envers Eothain, plus ou moins discrets, par ailleurs. Elle eut un regard attendri pour de tous jeunes Elfes, qui s’étaient approchés avec certes peu de discrétion, mais assez loin pour ne pas être dérangeants.

"Ils n’ont encore jamais vu d’Humains," expliqua-t-elle au Roi en détachant le regard des enfants. "Si vous le leur permettez, ils viendront vous observer de plus près."

La curiosité de jeunes enfants n’était guère évidente à repousser, plus particulièrement lorsqu’une occasion si rare se présentait. Elle laissait cependant le soin à leur hôte de se laisser dévisager par les petits ou désirer qu’ils s’éloignent, cela ne concernait que lui. Celeborn reprit ensuite la parole pour parler au Roi de leurs techniques agricoles, plus particulièrement en ce qui concernait les vignes. Il devait être difficile à concevoir pour les Hommes, sans doute, qu’ils chantaient chaque soir afin de nourrir la terre et renforcer les arbres et les cultures. L’une des personnes au travail coupa des petites grappes pour que leur invité puisse goûter le raisin et s’en faire une opinion. En essayant elle aussi de ne pas trop dévisager le Roi avec insistance. Les leurs ne quittant jamais ces contrées, pas même pour aller à la rencontre de peuples vivant pourtant proches de ces bois, étaient nombreux. Certains par manque d’intérêt, d’autres parce qu’ils ne voyaient guère ce que ça pourrait leur apporter. Il y en avait également se méfiant beaucoup des autres races et n’étant pas du tout à l’aise à l’idée de n’échanger ne serait-ce qu’un mot avec eux. Ceux-là considéraient certainement Eothain comme un intrus, voire un danger potentiel.

"Nous ne possédons pas d’élevages car nous ne mangeons pas de viande en-dehors d’époques et de circonstances particulières. Divers préparations permettent de tenir le corps lors de longs trajets. Votre peuple a-t-il de telles habitudes alimentaires ?"

Ce fut une grande satisfaction pour le seigneur de la Marche que de constater que ce noble cheval semblait tout à fait dans son élément ici, en Lorien. Il n’avait jamais douté que Galadriel lui offrirait d’excellentes conditions de vie et que ce splendide animal s’accoutumerait à merveille de la compagnie et de la grâce des elfes.

La présence du roi humain semblait intriguer les galadhrim notamment les jeunes elfes d'apparence juvénile qui avaient l'air très curieux de découvrir cet étranger qui visitait leur cité en compagnie du couple souverain. Eothain prit quelques minutes pour interagir avec eux, se mettant accroupi comme il avait l'habitude de le faire pour parler aux jeunes enfants. Les enfants elfes s'approchèrent de lui et semblaient plus qu'intrigués par cette barbe naissante, qui marquait les contours inférieurs de son visage, ainsi que par ces cheveux poivre et sel qu'arborait ce mystérieux visiteur aux oreilles rondes. Pour eothain d'ailleurs, c'était la première fois qu'il observait de très jeunes elfes qui avaient allures d'enfants mais qui étaient peut-être bien plus vieux que lui… Après tout, il ne savait pas du tout comment l'apparence et l'âge étaient définis pour les elfes. Autant de questions auxquelles il aurait aimé avoir des réponses pour mieux connaître cette race, mais il ne souhaitait pas importuner ces hôtes avec tout cela. Peu après, l'homme se releva et salua ses jeunes observateurs d'un signe de tête amical accompagné d'un sourire.

"Nous ne possédons pas d’élevages car nous ne mangeons pas de viande en-dehors d’époques et de circonstances particulières. Divers préparations permettent de tenir le corps lors de longs trajets. Votre peuple a-t-il de telles habitudes alimentaires ?"

La dame de Lorièn avait apprit beaucoup a propos du Rohan aujourd'hui et sans en être sûr, eothain était presque certain d'avoir évoqué les mots viandes et élevages dans leur précédente discussion. Cela dit, la question posée portait peut-être finalement sur les provisions de longs trajets et la nourriture qui devait pouvoir se conserver facilement… Pour être certain de ne pas être incorrect et de répondre correctement à son hôte, eothain répondit avec calme tout en développant sa réponse :


- Pour être honnête pas vraiment. Nous consommons de la viande assez régulièrement et apprécions de pouvoir également la sécher pour la conserver plus longtemps. En revanche nous n’avons rien de particulier en ce qui concerne nos repas emportés lors de voyages ou de longues expéditions. Bien souvent nous nous contentons de produits qui se transportent, se conservent et se consomment facilement et si nous sommes à court, nous faisons avec le tout venant… les fruits sauvages, le petit gibier lorsque nous sommes chanceux.

"Pour être honnête pas vraiment. Nous consommons de la viande assez régulièrement et apprécions de pouvoir également la sécher pour la conserver plus longtemps. En revanche nous n’avons rien de particulier en ce qui concerne nos repas emportés lors de voyages ou de longues expéditions. Bien souvent nous nous contentons de produits qui se transportent, se conservent et se consomment facilement et si nous sommes à court, nous faisons avec le tout venant… les fruits sauvages, le petit gibier lorsque nous sommes chanceux."

Cela avait donc peu changé, au fil du temps, contrairement à ce qu’elle avait songé. Curieux, elle se souvenait, il y a fort longtemps, soit, avoir entendu les Hommes discuter de comment améliorer la nourriture de voyage, comme ils le disaient. Ils en parlaient alors principalement pour la guerre, mais elle s’était dit, à cette époque, qu’ils avaient dû tester et préparer de nouvelles sortes et que cela avait été développé au fil du temps. Elle trouvait étrange que cela ne soit finalement pas fait… Peut-être n’avaient-ils rien trouvé de plus satisfaisant que leurs préparations actuelles ou bien les conditions de conservation n’étaient pas assez idéales. La chasse, en cours de voyage, semblait malgré tout demeurer l’ultime recours. Chronophage et aléatoire, ce n’était guère une bonne solution, lorsqu’une troupe était pressée.

"Les premiers Hommes ont recherché d’autres façons de nourrir rapidement et efficacement leurs troupes, durant les longs déplacements. Je pensais que vous aviez développé des méthodes différentes, mais visiblement, cela n’a que peu changé. Ce doit être la solution la plus efficace."

Il était également à envisager que les Hommes à l’origine de ces recherches étaient simplement décédés avant d’avoir pu les faire aboutir et que personne n’avait pris le temps de reprendre leurs essais et travaux. Bien que vivant en paix et hors des combats, à cette époque, les récits de l’extérieur leur parvenaient très régulièrement. Les Hommes de ces temps vivaient moins longtemps que leurs actuels descendants. Ce n’était guère l’unique faute de la guerre… Les divers remèdes contre les épidémies n’étaient pas aussi développés, bien loin de là, sans même parler des soins nécessaires après les combats. Il en était de même pour leur propre peuple, tout cela avait pris du temps. Cependant, les Humains étaient très inventifs et changeaient à une vitesse… Tout à fait affolante. Apparaissant bien souvent déraisonné, aux yeux des Eldar. Tout se déroulait vite, avec les Hommes, ils pouvaient se montrer difficiles à suivre, tant ils passaient rapidement d’un raisonnement à un autre, oubliant le précédent dans un moment si soudain. Très peu d’Eldar étaient aussi… Hâtifs. Que ce soit de ce temps ou d’un autre.

"Ce que vous observez ici," poursuivit-elle en désignant les vignes, "est l’une des principales récoltes que nous produisons et dont nous faisons commerce. Principalement avec l’Eregion et le Gondor. Tout cela doit sans doute vous sembler restreint, en comparaison aux plus larges cultures humaines. Les cultures servent principalement aux besoins des nôtres, nous exportons peu. Le vin reste plus apprécié que d’autres produits, moins spécifiques aux goûts des Hommes."

Il était sans doute inutile d’expliquer au Roi Eothain pourquoi ils commerçaient principalement avec ces deux contrées. Elle jugeait seulement nécessaire de préciser que leur production était restreinte et que par conséquent, leurs partenaires commerciaux ne devaient guère s’attendre à de gros échanges. Les Elfes étaient contraints par la place disponible pour les cultures et n’avaient aucune intention de s’étendre. Ils poursuivaient, tout en discutant, leur marche. Suivis, peu discrètement, par quelques enfants, qui se cachaient derrière les hauts arbres en riant, dès lors qu’un regard se posait sur eux. Au-delà des vignes, un autre espace de culture se tenait, plus petit de moitié, où une majorité des plans étaient dans de longs bacs de bois, parfois recouverts avec soin. Sur le côté, des toiles grises avaient été tendues par des poteaux en bois sculpté, pour former un abri ouvert sur les côté. Un des leurs y travaillait, pour confectionner des médicaments.

"C’est ici que nous fabriquons des médicaments. Certains sont envoyés à l’étranger, bien qu’une fois encore, ce soit en faible quantité. La magie est plus utilisée, pour soigner les cas les plus graves. Désirez-vous rapporter certains remèdes, afin d’en prendre connaissance ?"

Nourrir plus rapidement et plus efficacement les hommes, voilà une chose dont Eothain et sans doute bien d’autres hommes auraient aimé avoir le secret. Militairement ce serait déjà un grand avantage de pouvoir se passer d’une certaine logistique incluant des cuisiniers ou des chariots entiers de vivres pour les rations des cavaliers rohirrims. Mais cela aurait aussi eu son utilité pour l’ensemble de la population, notamment pour les plus pauvres, de pouvoir compter sur une recette permettant de manger peu, tout en étant rassasié. En tous les cas, les elfes devaient sûrement connaître ce genre de chose pour que la question soit posée par la Dame de Lorièn et que son étonnement soit aussi limpide quant à l’absence de pareil produit parmi les peuples humains.

Eothain regarda les vignes avec attention tandis que son hôte lui expliquait que leur capacité de production était limitée aux seules cultures qui se trouvaient devant lui. Il ignorait totalement que les elfes de Lothlorièn produisaient leur propre vin et cela suffisait à attiser sa curiosité quant au goût qu’il pouvait bien offrir à celui qui en buvait. Leur vin était-il différent de celui que produisaient les hommes ? Sans doute pas, car les peuples humains n’étaient pas les moins habiles concernant les arts de la table, ni les derniers à en apprécier les saveurs.

- C’est très intéressant… D’ailleurs si vous souhaitez à l’avenir cultiver de nouvelles vignes sur les terres du Rohan les plus proches de votre royaume, ou même collaborer avec nos meilleurs vignerons, nous pourrions sans doute arriver à trouver des solutions. Je serais curieux de savoir quel genre de vin pourrait être obtenu en tirant le meilleur des techniques humaines et elfiques en termes de viticulture.

Peut-être serait-ce un résultat amenant le meilleur vin de terre du milieu, ou au contraire, peut-être que cela ne fonctionnerait pas…Mais maintenant que l’idée lui avait traversé l’esprit, le seigneur de la marche était curieux vis-à-vis de cette question…
Juste à côté, un tout autre genre de culture se dévoilait au regard du Rohirrim. Il s’agissait de l’endroit où les elfes faisaient pousser leurs plantes médicinales pour ensuite les utiliser afin de confectionner divers remèdes. Les hommes du Rohan avaient eux aussi des herboristes, essentiellement basés près des cités, qui cultivaient des plantes dans un petit jardin. Ils vendaient ensuite les onguents, remèdes et autres potions produites par leurs soins à ceux qui en avaient besoin. Il y avait aussi quelques rares herboristes employés par le royaume qui travaillaient pour le compte de l’armée, ou dans les cliniques que proposaient les grandes cités du royaume.
- … Désirez-vous rapporter certains remèdes, afin d’en prendre connaissance ? demanda Galadriel au Roi du Rohan.

- Oh, j’en serais enchanté ! Je connais des guérisseurs qui seront ravis de pouvoir étudier ces remèdes. Malheureusement, nous n’avons pas la chance de pouvoir maîtriser la magie de soin et seules les préparations du genre ainsi que nos connaissances en médecine, nous permettent de soigner les maladies et autres affections de santé. répondit-il avec une grande reconnaissance. La moindre chose qui pourrait améliorer la médecine était bonne à prendre pour améliorer les connaissance du peuple rohirrim en la matière.

"Oh, j’en serais enchanté ! Je connais des guérisseurs qui seront ravis de pouvoir étudier ces remèdes. Malheureusement, nous n’avons pas la chance de pouvoir maîtriser la magie de soin et seules les préparations du genre ainsi que nos connaissances en médecine, nous permettent de soigner les maladies et autres affections de santé."

"De nombreuses méthodes conventionnelles sont tout aussi efficaces et suffisent aux soins."

À vrai dire, seules certaines affections, plus rares, nécessitaient l’usage de la magie. Les empoisonnements dues à de viles créatures de Morgoth ou les blessures causées par la sorcellerie, entre autres. Fort heureusement, rien qui ne soit très courant, dans les Terres du Milieu. Un soulagement, par ailleurs, tant les personnes aptes à traiter de pareils cas étaient elles aussi peu répandues. Le développement des soins par magie s’était tardivement développé, chez les Eldar, ils vivaient la première longue période de temps où plusieurs guérisseurs possédaient des connaissances et dons nécessaires pour les traiter. Cela dit, les petites blessures du quotidien ne demandaient pas de posséder de vastes connaissances en médecine pour les soigner. Quant aux blessures de guerre, elles étaient plus particulières. Alors qu’ils se trouvaient encore dans la partie des cultures réservées aux plantes médicinales, un des jeunes travailleurs des vignes s’approcha en douceur, avant de demander respectueusement s’ils souhaitaient goûter la dernière production. Son regard voletant entre le couple royal et le Roi Humain, visiblement hésitant à qui s’adresser en premier lieu, entre les maîtres de la forêt et leur hôte, par souci de politesse.

Il leur apporta ensuite trois verres ainsi qu’une carafe aux douces courbes de la cuvée récente, visiblement empressé de connaître l’opinion de leur invité sur le sujet. Les dernières récoltes avaient été légèrement inférieures, dut à un climat plus froid, ces derniers mois, qui ne l’était d’ordinaire. Le vin servi avait un goût fleuri, légèrement pétillant, où ressortait les arômes des bois et de la terre. Un goût qu’elle appréciait, car il lui rappelait les bois protégés de Melian, où elle avait tant aimé parcourir les sentiers, couverts de hauts cimes. La Terre possédait une odeur si particulière, au petit matin, tandis que la rosée perlait avec douceur sur chacune des feuilles. Si telle ambiance avait su être, en partie, retrouvée en Lórien, ce n’était pas comparable avec ses souvenirs. Ces derniers, empreints de nostalgie, ne pouvaient souffrir de rival. Il était bon de les conserver et chérir en soi, de se rappeler d’une époque où la vie, malgré toutes les circonstances extérieures, avait apporté à la fois la paix et un nombre croissant de connaissances diverses. La rencontre avec Celeborn avait complété sa vie, bien que ça n’avait guère étouffé sa soif de connaissances et de pouvoir, ni la colère alimentée par les décès brutaux de membres de sa famille.

"Nous chantons, soir après soir, pour les arbres, les cultures, les plantes et le vivant de ces forêts. Afin de leur apporter soins et vitalité."

Elle ignorait si les Humains pouvaient également ressentir la force vivante de tout ce qui les entourait et écouter les murmures des arbres… Il était déjà établi que les autres races ne le pouvaient pas et n’en avaient cure, voire en étaient effrayés. Les Hommes étaient plus… Fluctuants. Certains se révélaient très sensibles et d’autres particulièrement abrupts, rendant leur race plus difficile à suivre encore. Bien que ça ne soit guère une nouveauté, s’en était souvent étonnant et lassant.

"Pouvez-vous entendre les forêts ou comprendre les chants issus de l’océan ? "

Lorsque le travailleur des vignes proposa aux visiteurs de déguster la dernière production, Eothain accepta avec grande joie. Il allait pouvoir gouter cette boisson et assouvir sa curiosité vis-à-vis des saveurs que pouvait offrir un tel breuvage élaboré avec des techniques elfiques. Il se sentait privilégié de pouvoir gouter à cela et inclina la tête respectueusement lorsque la précieuse boisson fut versée dans son verre. Le roi du rohan prit le temps de sentir le vin, après l’avoir fait tournoyer dans son verre, pour en apprécier les arômes olfactifs. Il porta ensuite le verre à ses lèvres et en savoura la première gorgée. C’était un vin excellent, avec des saveurs très appréciables et un coté pétillant que le souverain n’avait pas soupçonné.

- Merci pour cette dégustation, ce vin est remarquablement bon ! avait-il signifié à l’elfe vigneron en lui rendant ensuite son verre. Pas étonnant que le Gondor soit parvenu à en marchander quelques tonneaux, pensa-t-il, tant ce vin était savoureux.

Galadriel lui raconta que les elfes chantaient pour la nature, comme pour l’entretenir et s’assurer que celle-ci prospèrerait. Puis, elle lui posa une question pour sans doute savoir si les hommes entretenaient les mêmes relation avec la nature que les elfes.

« Pouvez-vous entendre les forêts ? Ou comprendre les chants de l’océan ? »


- Je n’ai jamais eu l’occasion de pouvoir observer l’océan, mais quand bien même, je doute que j’aurais pu en entendre le chant. Je pense que d'un point de vue général, les humains ne peuvent entendre littéralement la nature s'exprimer. Certains se sentent proches d'éléments naturels comme les forêts, les jardins ou même leur terre mais je doute qu'ils aient la capacité que vous semblez évoquer. Et je le regrette car j’aurais aimé avoir cette capacité.

Il réalisa en même temps qu'il avait prononcé ces mots que la vision de l'océan était de l'ordre de l'imaginaire en ce qui le concernait. Brièvement, il songa au fait qu'un jour, il pourrait se rendre à Dol Amroth par exemple, pour enfin connaître ce paysage qui lui demeurait inconnu. Cela valait également pour Asilya et Lyra bien évidemment... D'un clignement des yeux, il se concentra à nouveau sur le sujet évoqué par la dame de Lorièn.

- Nos seules capacités sont celles de pouvoir interpréter les signes que la nature nous apporte. Par exemple et pour ne parler que de mon cas, Edoras est une cité très exposée aux vents, et avec le temps j’ai acquis la capacité de prédire plus ou moins le temps qu’il va faire simplement en analysant la nature, la force et les caractéristiques du vent qui souffle autour de moi lorsque je sors du palais. Mais à ce genre de choses se limite ma capacité de pouvoir ressentir l’expression des éléments naturels…

Curieux, que les Hommes ne puissent profiter de cette capacité… De telles différences l’avaient toujours laissé pensive, bien qu’elle eût compris quel était le destin des Hommes. Mais ce qui était d’autant plus curieux était bel et bien que leur interlocuteur n’avait littéralement jamais observé l’océan. Comment ne pas avoir la curiosité de s’en approcher et le contempler, ne serait-ce qu’une fois ? D’autant plus lorsqu’on ne disposait que d’une courte existence, il était bien dommage de ne pas ouvrir les yeux sur les beautés de ce monde… Elle échangea un bref regard avec son époux, lui aussi particulièrement étonné. Les mers étaient pourtant accessibles, à de multiples endroits, pour qui souhaitait les admirer. Bien qu’elle admît qu’aux yeux des Hommes, le voyage pouvait sembler long. Ne plus avoir le loisir d’observer ou rêver de l’océan serait une déchirure plus puissante encore, tant il les appelait… Tout cela lui fit ressentir une certaine forme de pitié, vis-à-vis de leur hôte, comme s’ils avaient face à eux un jeune enfant privé des merveilles de ce monde.

"Nos seules capacités sont celles de pouvoir interpréter les signes que la nature nous apporte. Par exemple et pour ne parler que de mon cas, Edoras est une cité très exposée aux vents, et avec le temps j’ai acquis la capacité de prédire plus ou moins le temps qu’il va faire simplement en analysant la nature, la force et les caractéristiques du vent qui souffle autour de moi lorsque je sors du palais. Mais à ce genre de choses se limite ma capacité de pouvoir ressentir l’expression des éléments naturels…"

Un pas non négligeable, malgré tout. La tristesse demeurait malgré tout, d’autant plus qu’Ulmo aimait les Hommes. Alors que ces derniers avaient perdu cette mémoire et pour la plupart d’entre eux, la foi. Une caractéristique enviable, au fond… Ils étaient libres de tout jugement et de toutes contraintes. Ils poursuivirent la visite en parlant des techniques agricoles habituelles, certes restreintes mais suffisantes, pour ce qui concernait leur peuple. Elles étaient dispersées et il serait bien loin de toutes les visiter une à une. Ils ne rassemblaient pas ces parcelles, s’adaptant à la fertilité de la terre, suivant chaque récolte désirée. Cela donnait des récoltes clairsemées dans l’ensemble de la forêt et gérées chacune par un petit groupe. Durant certaines périodes, plus d’Elfes venaient aider pour les récoltes. En-dehors de cela, les mêmes familles se chargeaient de ces petits coins de terre. Leurs enfants travaillaient avec elles ou partaient s’exercer dans d’autres domaines. Déjà, des chants commençaient à s’élever, sous le couvert des hauts arbres… Lointains, apaisés, s’insinuant au rythme du vent et se faufilant dans tous les recoins autour d’eux.

"A présent que vous avez pu découvrir ce que nous faisons, nous pouvons coucher sur papier les termes dont nous avons discuté et signer un accord."

Entre-temps, Yinlen, leur conseiller, qui avait pris de multiples notes, avait sans doute dû terminer d’écrire en bonne et due forme les termes du traité et devait se tenir prêt à le montrer à leur visiteur royal. C’est de dont elle informa le Roi Eothain sur le chemin du retour, afin qu’il ne soit pas surpris. Cette méthode leur permettait de gagner du temps, lorsqu’ils étaient en compagnie de visiteurs mortels. Avec les leurs, cela n’était pas fait au moment même, car ils prenaient un temps plus long pour discuter et échanger sur les termes, aimant à s’accorder sur chaque mot, chaque détail, aussi infirme soit-il. Mais les Hommes n’étaient pas aussi pointilleux et à plusieurs reprises, elle en avait vu s’étonner ou s’agacer lors de discussions portées sur ce qui était, pour eux, de vulgaires points de détail. Ils se rendirent, cette fois, dans une pièce de travail, spécialement dédiée et aménagée pour ce type de situation. Comme attendu, Yinlen se tenait prêt et salua Eothain avec respect. Ils s’installèrent pour relire les termes du contrat et discuter, pour ce qui encore flou ou posait question.

"Nouez-vous également des liens plus solides avec vos proches voisins ?"

Une question éternelle, pour elle, car les alliances ne cessaient de se nouer et se dénouer… Ce qui engendrait si facilement des conflits…