L'Étrange Demeure d'une vieille dame

[Derniers topiques : La Caserne (Kylian) & Les portes de la ville (Daerlund et ses compères)]

[MJ]

L'un des quartiers miteux de la rustre cité d'Edoras abritait une maison qui trouvait en ces lieux son reflet parfait : c'était une masure au toit de paille et murs de bois fin aussi hâtivement que mal construite. De l'extérieur, elle était décorée d'étranges symboles ésotériques dont beaucoup ignoraient la signification, si ce n'était tous. Les habitants du voisinage voyaient en ce petit édifice, ne pouvant de toute évidence ne contenir qu'une seule personne tant elle semblait aussi étroite que de bas plafond, que l'habitat exclusif et éternel d'une vieille folle aux étranges pouvoirs. Et pourtant c'était vers elle qu'ils se tournaient lorsque la maladie les frappait, vers elle qu'ils allaient lorsqu'ils se blessaient, vers elle qu'ils cherchaient conseil lorsqu'une naissance se profilait à l'horizon, vers elle qu'ils trouvaient réconfort et rite de passage lorsque la mort de l'un des leurs survenait.

Elle était une guérisseuse connue et reconnue, elle était Magda la folle et Magda la divine. Car de toutes les explications qu'ils trouvèrent pour expliquer d'où elle tirait tant de savoirs et de talents, ils finirent par en conclure qu'il y avait dans son être quelque essence divine... Une bénédiction des Dieux tombée par tout hasard sur une dame déjà bien usée par le temps... Jamais pourtant elle n'avait enseigné son savoir, elle le gardait bien trop jalousement. Cela était tel que l'on ignorait si elle avait eu un fils ou une fille et si cet enfant avait hérité de ce don et ces connaissances... Nul ne savait, nul ne le saurait.

Oh ! Magda, Magda... Elle était belle pourtant, autrefois. Son corps était une provocation aux Dieux eux-même tant il était parfait, tant il était émouvant de le regarder.

Spoiler:

Elle avait rendu maints hommes fous de son corps, fous de son esprit vif et intelligent, fous de son sublime sourire. Elle les avait toujours mené là où elle l'avait voulu, toujours poussé à faire exactement ce qu'elle désirait. Elle avait fini par trouver sa voie, sa vie, dans la guérison des autres mais s'était vite perdue dans la pratique d'une magie obscure et aléatoire. Certains avaient perdu la vie, d'autres avaient subi bien pire encore... Et elle changea, elle changea de personnalité, elle changea de physique... Elle fut colérique, elle fut douce, elle fut violente, elle fut meurtrière, elle fut déprimée, elle fut suicidaire. Ses cheveux blanchirent mais elle garda cette même beauté ravageuse, cette même arme de séduction, ce même défi lancé à la face des Dieux.

Spoiler:

Mais elle vieillit. La magie n'altéra en rien le temps qui passait et elle finit par se décrépir, sa peau devint ridée et flétrie, sa vue baissa et son ouïe aussi. Elle n'avait que 40 ans et en paraissait déjà 80. Elle perdit le sens du goût et pleura toutes les larmes qu'elle put pendant bien des jours, ne faisant alors qu'accélérer le dessèchement de son corps, gardien trop affaibli d'une âme pourrissante. Elle fut possédée pendant 4 jours et 5 nuits par un démon inconnu et lorsqu'elle regagna le semblant de raison qu'elle devait avoir, elle trouva en son corps la graine d'un récent accouplement. Elle était enceinte et n'attenta jamais à la vie de cet enfant illégitime, de ce bâtard maudit. Elle accoucha, elle l'éleva, il s'en alla lorsqu'il eut 15 ans et ne donna pendant bien des années aucune nouvelle.

Elle était vieille, elle était seule, elle se retrancha dans un quartier miteux de la ville qui l'avait vu naître et perdit le peu de raison qui lui restait. Elle ne put qu'appliquer machinalement ce qu'elle savait et guérit pendant 30 ans ceux qu'elle pouvait guérir.

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C'était un jour comme les autres, l'aube était passée. Un homme vêtu comme un général marchait d'un pas décidé dans un quartier miteux d'Edoras, sachant pertinemment où il se rendait et pourquoi. Il n'était aucunement soucieux, il était investi d'une mission. Il l'accomplirait jusqu'à la fin. Ceux qui le virent passer ne lui dirent rien, le fixèrent avec tout l'étonnement possible et se gardèrent bien de le suivre pour ne point déclencher quelque conflit. Il était armé. Dans la demeure de Magda, l'on entendit un long soupir.

L'homme s'approcha de la porte, tapant par quatre rudes fois sur le bois. Il était inutile d'attendre une réponse, il n'y en aurait aucune. Elle n'entendait quasiment plus rien. L'homme entra et vit la vieille Magda à deux mètres face à lui, assise sur une chaise rongée par les termites. Elle était sale et endormie, ses cheveux gras et infestés de poux. L'homme claqua la porte pour la réveiller. Il y parvint.

« Qu'est-ce que... ?! Oh... C'est toi... »

Ils ne firent tous deux que se fixer pendant trois longues minutes et ce fut la vieille qui rompit le silence.

« Mon fils... »

L'homme lâcha un grognement, visiblement mécontent.

« Je m'en vais, mère.

- Tu t'en vas, n'est-ce pas ? »

Preuve, s'il vous en fallait une, qu'elle n'entendait réellement presque rien. Une vieille peau...

Spoiler:

Mais elle devinait. Oh oui, elle avait toujours excellé dans les devinettes.

« Et tu ne reviendras pas... »

Kylian fronça les sourcils, manqua de lui répondre mais n'osa pas. Au fond, il s'y attendait. Selon lui, elle ne comprenait rien. Ne pensait qu'à elle. Ne parlait que d'elle. Ne s'intéressait qu'à elle. Pauvre femme, elle était condamnée.

« Eh bien... Vas-t-en ! Qu'attends-tu ? Misérable fils... Déguerpis. »

Il ne lâcha qu'un sifflement méprisant et lui tourna le dos, enfonçant la porte du pied et disparaissant de la vue de la vieille Magda. Ce qui n'était guère difficile... Elle soupira, visiblement triste, intérieurement satisfaite. Oh oui, il n'avait pas tort : elle ne parlait que d'elle. Et si elle disait qu'il ne reviendrait pas, ce n'était pas qu'il mourrait. Elle était si vieille et si usée aujourd'hui... Elle mourrait bientôt et son fils serait alors bien loin. Elle ne reviendrait pas.

[Suite pour Kylian aux portes de la ville où il attend Roadan et son groupe.]

[Hrp : Baz', le champ est libre pour Daerlund et ses compagnons.]

poste précédent : https://rpglordoftherings.forumactif.com/edoras-f49/les-portes-de-la-ville-t2278-45.htm#42406/


Tout en songeant à la volée de bois vert qui l’attendait dès son retour à Snehdras, Daerlund descendit lentement de cheval. La fatigue du voyage rappelait sa jambe meurtrie à son bon souvenir.
Mais ce n’était certes pas le moment de se laisser aller à quelque faiblesse, fusse t’elle physique ou morale.
Non sans montrer un certain dépit, il remit le message d’Eowulf dans la fonte de sa selle. Il se dit que si la vieille Magda ne savait rien, elle saurait peut-être qui interroger…
Il se demanda si l’âme damnée de Theodred, l’énigmatique Shaeren Ar’Dahlen avait lui aussi disparu sans laisser de trace…Qu’avait-il donc pu se passer ?
S’il était vivant quelque part, Magda le saurait forcément.
Ou alors, c’était bien plus grave qu’il ne le pensait.
Il ferma les yeux un court instant, néanmoins assez pour glisser sur un trognon de navet jeté dans le ru par une ménagère ou un gamin facétieux. Ses deux compagnons ne purent s’empêcher de sourire à la vue de la grande silhouette sombre qui ne s’évita une vilaine chute qu’en s’appuyant sur l’étendard de Snehdras.
Voilà à quoi méritait de servir l’orgueil de Snehdras la Belle. De béquille pour les maladroits !
IL se sentait honteux de n’avoir jamais cherché à avoir plus d’informations sur ce qui se passait à Edoras. Il ne pouvait blâmer son espion en cette ville pour le manque de renseignements car il l’avait engagé depuis peu. Contre l’avis d’Eowulf d’ailleurs, mais ceci était un tout autre débat.
Le gentil géant se demandait comment ledit Eowulf allait prendre la disparition de Theodred de la surface d’Arda quand il reconnu la masure de la guérisseuse.

Un homme en sortit, qui le bouscula presque et ne trouva pas opportun de s’excuser comme si bousculer les passants était un pain quotidien. Il le suivit du regard un instant avant de se présenter sur le seuil de la porte.
Se souviendrait-elle de lui ?
Leur rencontre avait été fort brève. Shaeren les avait conduits là pour obtenir de Magda un remède à la maladie d’Eowulf. Elle leur avait donné une potion tout en marmonnant des phrases qui parlaient vaguement d’un mal enfoui attendant une autre sorte de cure qu’une simple potion avant de les jeter dehors à coups de balai.
Eowulf avait commencé à prendre la potion, son état s’était stabilisé un temps puis tout était redevenu comme avant…

Magda ?
Il allait lui dire quoi ? Il n’avait jamais été bien doué pour parler aux femmes. Surtout celles qui avaient des dons obscurs comme la vieille guérisseuse. Il était un soldat, un homme de guerre, les pieds bien plantés sur le sol. Les dons, la magie, étaient des choses qui non seulement le dépassaient mais qui de plus le mettaient mal à l’aise. Pas de là à lui faire vraiment peur car il en fallait beaucoup.

Elle était assise devant sa table, l’air un peu agitée.
"Bonjour Magda. Vous me reconnaissez ? "

Pas de réponse qu’une litanie qu’il n’aurait pas cherché à retenir même s’il l’avait comprise.

"Je suis venu avec Shaeren, il y a longtemps , c'est vrai...Vous savez Shaeren, le compagnon du prince Theodred…Vous m’avez donné une potion pour …"

Elle semblait ne même pas l’écouter. Bon. Autant passer de suite à l’essentiel sans essayer de se faire reconnaître d’elle.
"Est-ce que je pourrai voir Shaeren ?"

Il n’avait pas fini sa phrase qu’une paire d’yeux gris délavés le transpercèrent, si plein de vie qu’on eu presque dit que qu’ils n’appartenaient pas à la même personne que le visage, le corps qui les portaient.

Etait-ce un bon présage ou allait il devoir entendre des nouvelles qu’il aurait préféré ne jamais entendre ?
Elle semblait seule dans sa masure. Daerlund savait que son époux avait passé peu de temps avant qu’il ne rencontre Magda pour la première fois.

Penchant la tête vers son épaule pour pouvoir avancer dans la masure sans se cogner aux poutres, il risqua un coup d’œil discret au bric-à-brac sous lequel disparaissait chaque once de surface susceptible de recevoir un objet.

"Et je suis aussi venu vous voir pour entendre ce que vous savez au sujet de la disparition du prince."

Ce devrait être facile. Le peuple d’Edoras tout entier avait bien du entendre quelque chose concernant cette disparition. Il allait lui demander ce que elle en savait et ensuite il poserait la question au premier quidam qu’il croiserait.
Histoire de voir si la réponse donnée serait la même. Pour ce qui était du régent, il aviserait. Chaque chose en son temps.

Et comme il n’avait déjà pas de réponse à ses premières questions, il les réitéra.

Dehors, ses deux compagnons gardaient un trio de chevaux qui commençaient à s’agiter et il revint vers la porte pour leur demander de trouver un endroit plus approprié car les rues peu à peu se remplissaient.
Puis il revint. Magda était toujours assise à sa table, ses longues mains décharnées allaient d’un pôt à une fiole, rapide et agile comme une chèvre sautant d’un rocher à un autre.

Il tira une chaise et s’assit en face d’elle, non s’être fait copieusement injurier par le chat d’un blanc immaculé qui occupait la position.

Que dire pour la motiver ?
La vérité peut-être, tout simplement. Par ailleurs il ne se voyait pas lui débiter un kyrielle de mensonges…
La vérité alors, c’était dit.

"Si vous savez où il est, où ils sont, qu’ils sont vivants mais qu’ils sont dans la peine et les ennuis…Donnez nous une chance de leur apporter notre aide…S’il vous plait."

[pnj Daerlund, le gentil géant]


Malgré lui, le géant Rohirrim sursauta lorsque Magda lança ses deux oh , prouvant que pouvoir tenir à une seule main une épée à deux mains ne mettait guère à l’abri de ressentir un début de chair de poule lors qu’ une vieille femme tout soudain haussait le ton.
Une vieille femme oui, mais une vieille femme tout auréolée de mystère et qui avait accès à des arts qu’il trouvait tout à la fois fascinants et terriblement effrayants. Daerlund était un homme respectueux et foncièrement bon, pour les bêtes comme pour les gens. Pas un instant il ne se permit de penser que la guérisseuse était devenue folle, pour de bon.
Dans son esprit, tout ce qui s’éloignait de l’aspect matériel des choses appartenait à une autre catégorie de personnes que la sienne. Cela s’étendait d’ailleurs à tout ce qu’il n’avait jamais vu pour pouvoir y croire.
Et cela faisait une somme énorme de choses, de faits, de personnes.
Pas un instant donc il ne trouva que ce qu’elle racontait au sujet de Theodred et son compagnon tenait plus du délire d’une vieille femme qui n’avait plus toute sa raison que d’une possible vérité.
Mais tout de même…
Pourquoi le Harad ? Le Harad n’était pas un endroit pour un Rohirrim ! L’herbe y était jaune et sèche toute ou grande partie de l’année au nord et au sud il avait entendu dire que ce n’était que forêts à la luxuriance hostile.
Il y avait bien les Variags du Khand qui étaient grands amateurs de chevaux…

Un instant, il la regarda avec tant de doute au cœur qu’il était impossible qu’il n’en transpire pas un peu sur son visage.
Cela voulait –il dire que Theodred (et Shaeren avec lui) avaient trahi le Rohan ?
Et que voulait dire Ils y sont tous. Au Harad.
Que Theodred était au Harad avec …
Des troupes ?

Tout lui semblait confus et, il devait bien l’avouer, assez peu digne d’emporter sa confiance toute entière. Il devait maintenant obtenir de plus amples informations, qui viendraient, ou non, corroborer les mots décousus de la guérisseuse.
Il aurait bien voulu lui poser d’autres questions comme la fatidique Pourquoi sont-ils au Harad mais il s’en garda à la toute dernière seconde, se contentant de la remercier fort courtoisement pour les informations qu’elle avait bien voulu lui donner.
Même si, plus il y pensait, plus elles lui semblaient assez fantaisistes.

Un tour à l’auberge, un bon repas et quelques pichets de bière apporteraient sans doute quelques éclaircissements. Il en avait grand besoin car que Theodred puisse être au Harad et un régent à la tête du Rohan le déconcertait.
D’autre part, il connaissait un espion qui allait goûter à la mauvaise humeur d’Eowulf plus qu’à ses pièces d’or.
Si celui-là ne finissait pas mal, c’était qu’il avait des ailes pour voler loin, très loin de Snehdras…

Le géant blond prit congé de Magda, non sans déposer, entre les pattes du chat blanc une petite bourse d’or. Un peu comme s’il voulait s’excuser de l’avoir dérangé mais surtout pour que ce subterfuge lui permette de ne pas se reprendre la bourse en pleine figure. Le don n’était pas fait à la maîtresse mais à son animal familier ce qui risquait moins de blesser la fierté de la première.
Si toutefois elle en avait encore, ce dont Daerlund préférait ne pas douter.
Etre un soldat ne signifiait pas impérativement que l’on soit totalement dépourvu de savoir vivre, de pitié ou de tact.

A ses compagnons qui l’intérogèrent du regard dès qu’il sortit de la masure, il répondit d’une voix éteinte.
Selon elle, ils sont au Harad.

L’incrédulité visible sur leurs deux visages poussiéreux lui fit hausser les épaules.
Je crains que les ans n’aient altéré son esprit. Allons à l’auberge prendre un bon repas avant de repartir et payer quelques gobelets pour délier une langue ou deux.

L’auberge, de tous temps et en tous lieux, était un endroit propice aux échanges.
Qu’ils fussent verbaux ou plus physiques…
Ou les deux du moment que tout le monde y trouvait son compte...