(provenance : Voyages)
Une nuit glacée s’était abattue sur le Rohan, Pays des Chevaux. C’était une nuit sans nuages, et le froid n’en était que plus intense. Du nord descendit ce que l’on aurait pu prendre pour un noir nuage… Mais ce nuage se déplaçait aussi vite qu’une maléfique brise. Des milliers de corbeaux scrutaient de leurs yeux malveillants les steppes du Rohan, et au sein de la grouillante masse piaillante une ombre venait parmi eux, forme ténébreuse aux immenses ailes.
Dans leur propre langage, Thuringwethil avait ordonné aux Yeux du Mordor de chasser tous les oiseaux qui voyageraient entre le Rohan et le Gondor, afin que les deux nations ne puissent utiliser la voie des airs pour communiquer. Les Peuples Libres avaient pris l’habitude d’envoyer des messages portés par de puissants aigles dressés, et Sauron les avait laissé faire depuis son sombre trône du Mordor ou s’étendaient les ombres… Mais aujourd’hui, que pourraient faire les rapaces face à une multitude de volatiles plus agressifs, plus agiles, plus nombreux et surtout beaucoup plus intelligents ? Cette fois-ci, les Peuples Libres ne pourraient compter sur la voie des airs, et seraient contraints de communiquer en envoyant des messagers plus conventionnels… Et de nombreuses lieues s’étendaient entre le Gondor et le Rohan.
Mais les rois d’antan, dans leur sagesse, avaient pensé à un autre moyen pour communiquer, et Eorl le Jeune était venu prêter serment sur le Halifirien, premier des Feux d’Alarme du Gondor… Un secret qui en était resté un pendant des siècles, jusqu’à ce que Thuringwethil, sous l’apparence de Dame Lindhiel de Dol Lammath, ne fouille les archives du Gondor en quête d’un secret à exploiter contre ses ennemis. Et elle avait ainsi pu mettre la main sur un document fort ancien, relatant l’existence des Feux d’Alarme, et surtout donnant leur emplacement (voir le topic : visite dans la bibliothèque).
« Odog naur thoniel an edraith Gondor,
Odog naur thoniel an gwest tôr arnad »
« Sept feux s’enflammant pour la sauvegarde du Gondor,
Sept feux s’enflammant pour le serment des royaumes frères »
Telles étaient les paroles qu’elle avait pu lire sur le parchemin usé, et qui avaient attiré son attention. Sept noms, sept emplacements étaient reportés sur la carte : Amon Dîn, Eilenach, Nardol, Erelas, Min-Rammon, et Calenhad. Les sept noms étaient sept sommets de l’Ered Nimrais, les Montagnes Blanches, et Nardol, dont le nom signifiait « sommet de feu » en sindarin, était le plus haut d’entre eux. Et c’était vers le Nardol que Thuringwethil se dirigeait maintenant.
Le Nardol s’élevait sur une large crête de l’Ered Nimrais, les Montagnes Blanches qui séparaient le Rohan du Gondor. Une simple tour, avec à son sommet une plate-forme recouverte d’un tas de bois huilé se trouvait à son sommet. Il y’avait là des yeux vigilants, quatre hommes se relayant nuit et jour et dont la seule tâche consistait à guetter les autres sommets de la chaîne des feux du Gondor. Un homme à la barbe grisonnante se tenait au pied de la tour, enveloppé dans son vaste manteau de laine pour se protéger du froid mordant de ces hauteurs. Il répétait les gestes répétitifs de la garde sur ce haut sommet battu par les vents, et de temps à autres son regard se perdait dans les étoiles de cette belle et froide nuit sans nuages. Sans nuages ? L’homme plissa les yeux en direction du nord, il lui semblait que certaines étoiles disparaissaient, comme si un nuage s’interposait entre elles et sa vision… Mais un nuage ne se serait pas déplacé aussi vite. Sans qu’il ne sache pourquoi, une sourde angoisse étreignit son cœur, et il songea à son épouse et à ses cinq enfants qu’il pourrait rejoindre à la fin de la semaine. Le garde fronça les sourcils, et l’inquiétude s’accrut : ce nuage n’avait rien de naturel, se dit-il. Il regarda en direction de l’est, puis de l’ouest, mais aucun des autres feux n’étaient allumés. Il se décida néanmoins à aller réveiller ses camarades pour prendre leur avis, mais soudain, un froid mortel s’abattit sur lui, et son inquiétude se mua en terreur, tandis qu’une voix froide et cruelle murmurait à son esprit :
«Edra le men ennas caeda gwath. men na guil edwen, haer o auth a nîr a naeth».
«S’ouvre à vous un nouveau chemin, là ou s’étendent les Ombres. Un chemin vers une autre vie, loin de la guerre, des larmes et de la douleur»
Il essaya de hurler un cri d’alarme, mais un sortilège avait pris possession de sa volonté, le gelant jusqu’aux os, l’empêchant d’esquisser le moindre mouvement. Dans un battement d’ailes assourdissant, des dizaines de corbeaux aux becs acérés s’abattirent sur lui, et le sortilège fut rompu. Il pu enfin crier, tandis que les becs prélevaient leur dû dans ses yeux et sa chair, et les hurlements furent vite étouffés.
Thuringwethil, sa robe noire claquant au vent, sa chevelure d’ébène dansant autour d’elle comme animée d’une vie propre, contempla la macabre scène jusqu’à sa conclusion. Puis elle ramassa la grande torche et l’alluma dans le braséro. Alors elle gravit l’escalier de la tour, et se tint un instant encore devant l’amoncellement de bois, avant d’y jeter la torche. Le bois huilé prit feu instantanément, et la chaleur du brasier la fit reculer. Son regard était tourné vers l’ouest ; et à ce brasier répondit bientôt la lueur de l’Erelas, puis de Min-Rammon, et enfin Calenhad. Un message de feu s’étendait maintenant sur les sommets des Montagnes Blanches, et qui ne pouvait avoir qu’une seule signification pour les rohirrims qui campaient à Dunharrow : Minas Tirith était assiégée !
Thuringwethil s’interrogea : le roi Eodred allait-il honorer le Serment D’Eorl, son ancêtre ? Ou, comme tant de choses dans le monde des Hommes, l’honneur de la lignée du Rohan s’était il envolé avec le vent ?
A l’aube, quelques crébains s’attardaient encore sur les restes des quatres gardes, ossements blanchis ou subsistaient encore quelques lambeaux rougeâtres.
(HRP : aux Peuples Libres du Rohan et du Gondor, merci de tenir compte de ce post dans vos futurs RP, même si la ruse ne prend pas)