Cela faisait près de quatre jours que le camp avait été installé à l'orée d'une petite forêt qui bordait le pied des montagnes. Túrin et les six autres bandits qui l’accompagnaient avaient atteint le Rohan une semaine auparavant. Ils avaient franchi l’Isen au nord puis s’étaient dirigés plein sud. L’endroit où ils se trouvaient à présent surplombait la vaste plaine que l’on appelait Ouestfold. Túrin n’avait jamais mis les pieds au Rohan, tout comme une bonne partie de ceux qui l’accompagnaient. Ils étaient menés par un dénommé Baldr, un natif du pays des chevaux qui était recherché pour divers crimes et avait finalement fui sa patrie. Túrin avait fait sa connaissance dans une taverne d’Angmar. Baldr était un homme discret, peu enclin à parler de lui-même, comme de tout autre chose, du reste. A vrai dire, personne, au sein du groupe, ne posait de question à quiconque. Si quelqu’un désirait s’exprimer sur ce qu’il avait fait, ce qu’il était, libre à lui. Le passé c’est le passé. Vivre au jour-le-jour, tel était devenu le nouveau mode de vie de Túrin.
Hormis Baldr, trois autres étaient originaires d’Angmar et semblaient bien se connaître. Un venait de Fornost, en Arnor, et le dernier, reconnaissable à son teint hâlé, avait fait route depuis le Rhûn oriental. Cette troupe cosmopolite était sous les ordres de Túrin. Bien qu’il ne se soit pas imposé lui-même chef, les autres l’avaient tacitement désigné comme leadeur et désormais le suivaient dans ses périples à travers les Terres du Milieu. Il devait tout de même se l’avouer, Túrin n’avait pas de but précis pour l’instant. Il avait fait miroiter à ses troupes l’occasion d’avoir accès à des richesses inestimables en agissant de manière organisée, de façon à se faire rapidement une certaine renommée dans les diverses régions qu’ils visiteraient. Mais à errer de la sorte sans objectif, les autres allaient vite se rendre compte que leur chef ne les menait nulle part.
Le camp se consistait simplement de quelques tentes sommaires faites de branchages et de couvertures suspendues, répandues en un vague cercle au milieu duquel trônait un foyer. La butte sur laquelle le camp était dressé dominait les reliefs alentours de sorte qu’il était difficile d’y accéder sans se faire repérer au moins un mille à l’avance. Deux hommes se relayaient pour monter la garde. Il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire pour les autres dont la patience était mise à rude épreuve. Pourtant, en ce jour, Túrin et sa bande attendait nerveusement le retour de l’un d’entre eux. Le brigand originaire d’Arnor était parti la veille au matin en mission. S’il avait fait son travail correctement, il reviendrait avant la tombée de la nuit avec à la clef de précieuses informations. L’une des deux vigiles s’écria alors en apercevant des nuages de poussières au lointain. Un cheval au galop, nul doute. Une dizaine de minutes plus tard, tous purent apercevoir le brigand juché sur une monture volée gravir la colline au petit trot. Sitôt descendu à terre, il s’empressa de rendre son rapport à Túrin.
« Bonne nouvelle ! Un convoi de marchand fait actuellement route d’Edoras à Tharbad. Ils ont quitté la cité ce matin en empruntant la Vieille route du sud, comme ils l’appellent. Cette route est assez fréquentée et surtout se prolonge à découvert dans tout le Rohan. Le convoi est gardé par une demi-douzaine de gardes d’Edoras. Autrement dit, on n’a pas d’autre choix que de les attendre tranquillement sur la route et leur barrer le chemin.
– Et il transporte quoi ce convoi qui mérite qu’on se batte contre des gardes armés ? s’enquit Túrin, l’air sceptique.
– Trois coffres remplis d’or, lui répondit le brigand en faisant découvrir une rangée de dents pourries qu’il cachait derrière une barbe touffue et mal rasée.
– Bien, nous partons sur le champ. On doit pouvoir les surprendre au beau milieu de la nuit. »
Sur ces mots, chacun des sept brigands s’affaira à plier couvertures et empaqueter le nécessaire. Ils ne reviendraient sans doute pas ici mais inutile de s’encombrer outre mesure. Puis, sans un mot, ils s’élancèrent en bas la colline et partirent rejoindre la Vieille route du sud.