[Au Marais des Morts] Chassée ou chasseuse ? [Libre ^^]

Le vent encore tiède de la matinée qui se levait vint emporter sur la langue du serpent géant vivant en ces lieux le goût-odeur putride de son lieu de vie. Comme la plupart des serpents, Sîre avait une façon particulière de flairer le monde qui se trouvait autour d'elle : elle tirait sa langue fourchue, dont les pointes capturaient les particules d'odeurs pour les ramener directement jusqu'à son cerveau, qui les analysait en à peine un clignement d'oeil. C'était une façon bien plus rapide qu'un nez pour détecter le délicat parfum d'une proie, ou l’arôme épicé d'un danger. L'air avait le goût de la moisissure, des champignons, de la chair pourris des animaux morts dernièrement dans les eaux sans pitié du marécage, de la viande froides des hommes qui reposaient encore au-fond des eaux sombres. L'odeur ou le goût d'un tel lieux avait de quoi donner la nausée à n'importe quelle autre créature à travers le monde magique dans lequel nous vivions... mais pas à elle. Le python réticulé géant était né dans ces marais, elle était habituée à ces odeurs moisis et pourrissantes... elles ne la gênaient pas, bien au contraire... elle évoquait pour elle la douce demeure, le lieu où l'on était heureux de rentrer après une longue journée de labeurs, sa maison.

A travers les nuages noires qui veillaient sur ce monde particulier de ténèbres, un unique rayon de soleil filtrait, et venait frapper le museau levé du serpent qui s'était enroulé sur lui-même sur une grosse pierre plate, telle la majesté des animaux installée sur son trône. Elle venait seulement de se réveiller, son sang froid de reptile avait besoin de se réguler... il coulait lentement dans ses veines, et le chaud rayon doré la réchauffait avec douceur, il avait le même effet sur elle qu'une tasse de café en avait sur un humain. Lorsque la chaleur fut répandue dans son corps et qu'elle se sentit à nouveau fraîche et dispo pour une nouvelle journée passée à explorer les marais, à chasser et à survivre, Sîre baissa le nez et elle regarda un peu autour d'elle, admirant les eaux couvertes d'algues noires, d'herbes, de moisissure et, par-ci, par-là, de flammes bleus, qui composait son royaume, le petit territoire sur lequel elle régnait parmi la plupart des animaux. D'une lenteur calculée, elle quitta sa forme enroulée sur elle-même et se glissa doucement dans cette eau fraîche, et tièdes là où les feux s'étaient formés. Bientôt, on ne vit plus dépasser que ses deux narines et ses yeux flamboyant, tendis qu'elle nageait... le reste de son corps était caché sous les flots, et bien qu'il soit blanc, il se fondait dans l'obscurité des lieux.

Quelques rats, mulots et d'autres rongeurs et petits animaux suivaient Sîre en nageant dans son sillage, tel une escorte particulièrement pathétique. Ces petits animaux ne semblaient pas avoir peurs de la grande prédatrice... en réalité, ils cherchaient sa protection. Cela faisaient des années que la reine-reptile ne manger plus ce genre de petites proies... trois d'entre-eux formeraient à peine une bouchée, pour-elle, il ne servait à rien pour elle de les tuer, et elle ne tuait jamais sans raison. Cependant, elle faisait fuir les plus gros prédateurs qui eux, appréciaient les rongeurs, et qui avait à craindre du serpent. Ils ne quittaient donc pas Sîre d'une écaille, comptant sur elle pour les protéger par sa simple présence. La jeune femelle, elle, les laissait faire sans broncher, elle se fichait d'avoir ce cortège derrière elle, si cela leur faisait vraiment plaisir. Elle continuait à vivre sa vie comme si ils n'étaient pas là, et ils n'étaient pas gênant... en plus, lorsqu'elle était couchée, immobile, durant la nuit ou à l'heure de sa sieste, ils marchaient sur elle avec leurs petites pattes griffues, et frottaient leur corps à fourrure contre ses écailles... cela la massait agréablement, l'aidait à trouver le sommeil, et même la nettoyait des parasites qui se glissaient entre ses écailles et que elle, elle ne pouvait atteindre. En bref, en échange de sa protection, ils lui servaient de pédicure personnelle, de serviteurs qui lui offraient soins, massages et nettoyages... leur vie en échange de cela me semblait être un bon compromis, non ?

Le craquement d'une branche sur laquelle on marchait, qui fit s'envoler un groupe de corbeaux croissants, lui fit tourner la tête dans une direction... cachée par les flots et les hautes herbes, elle put repérer sans être vue un groupe de trois orcs s'avancer sur le chemin du marais, une armure rouillée et rudimentaire sur le corps, un arc de bois craquelé à la main. Ils marchaient dos à dos et regardaient autour d'eux... ils semblaient se demander ce qu'ils faisaient là. Sîre siffla... encore des chasseurs ! Depuis que son existence faisait parti des légendes du Mordor, il arrivait de temps en temps qu'il y-en ait qui viennent essayer de se tailler une réputation sur ses écailles, surtout des membres des armées orcs et uruk-hais... après-tout, quel créature maléfique n'avait jamais rêvée d'avoir une belle peau de serpent géant sur laquelle reposer ses pieds ? Tssss... c'était toujours les animaux, qui pâtissaient des envies de confort, qu'ils soient à fourrure, à plumes ou à écailles ! Seulement, jamais personne n'avait encore réussi à la tuer, et les rares qui s'en était sortis vivants n'avaient fais que faire grandir sa légende. Sa chasse était devenue une sorte de paris, entre ces créatures répugnantes, à savoir qui arriverait à la tuer le premier... rien que ceux qui revenaient vivants d'une chasse au serpent-géant-blanc était un héros pour plusieurs jours dans son groupe.

Décidant de faire un exemple de ces trois chasseurs qui faisaient la tête de ceux qui étaient là parce que c'était un gage, elle s'avança sinueusement et silencieusement vers eux, laissant en plan son cortège... en un sifflement et un claquement de mâchoires, elle les avait chassée, car ils risquaient de la faire repérer. Les petits mammifères attendraient la fin de sa chasse pour avoir sa protection. Les orcs regardaient en l'air, la cherchant partout, sauf là où il le fallait... ils semblaient avoir oubliés que les serpents rampaient sur le sol. Des amateurs... cela serait encore plus simple qu'elle ne le croyait. Celui qui menait le trio fut sa première victime... elle s'enroula subrepticement autour de ses jambes... lorsqu'ils s’aperçurent de sa présence, il était déjà trop tard. Elle s’enroula autour de lui, et tout, même sa tête, disparurent derrière son corps, et elle serra... une série de craquements sonores se firent entendre... le second orc tira sa flèche, mais déjà, Sîre se déroulait, et elle esquiva... la flèche se planta dans la tête de son camarade tendis que celui-ci tomber, brisé en mille morceaux à l'image de son arc qui se retrouva au sol avant lui. Avant que le second orc n'ait le temps d'encochait une autre flèche, le python se planta devant-lui et claqua des mâchoires juste devant son nez afin d'obtenir son attention. Elle planta ses yeux rouges dans les siens et chuchota d'une vois qui partit en échos dans les marais :

Regarde-moi dans les yeux...

Et elle se mit à faire se mouvoir les anneaux de son corps, mélangeant ses couleurs en des formes entêtantes. Très vite, le regard de son ennemi devint vide, humide... toute expression le quitta pour qu'il prenne l'air d'un pantin... il était en son pouvoir. Satisfaite, Sîre coula son regard vers le dernier orc... sa flèche toujours sur la corde, il tremblait de tout son corps, paralysé. Il avait l'air jeune... il s'était attaqué à trop fort pour lui. Sîre avança son museau vers celui qu'elle avait hypnotisée, lui siffla dans l'oreille, et chuchota :

Tue ton ami. Ts ts ts !

Et son esclave, pris tout-à-coup d'une étrange vitesse par rapport à son espèce, saisi une flèche, se tourna vers le jeunot et visa... pris d'un reflex de survie, le petit orc tira, et la flèche se planta dans le torse de son camarade. Il s'écroula et mourut... cela fit rire Sîre, puis elle s'avança vers sa dernière victime. Celui-ci recula au fur et à mesure qu'elle glissait dans sa direction... il ne chercha même pas à sortir une autre flèche, soit par peur, soit parce qu'il savait qu'il n'en aurait pas le temps... l'oeil du serpent surveillait chacun de ses mouvements, prêt à frapper. Au bout d'un moment, il ne pouvait plus reculer, autrement, il chuterait dans les eaux maléfiques... alors il ne put que se retrouver face à l'être qu'il était venu chasser, et qui s'avérait être la digne prédatrice des légendes qu'il avait entendu... il observa son bourreau, attendant l'inévitable...

Tu veux jouer avec moi ?

Demanda-t-elle, insistant bien sur le côté sarcastique de sa question, prenant un ton amusé, avant de frapper...