L'art de forger. [Suite : PV La Renarde]

Cette conversation commençait très vraisemblablement à lui taper sur le système, néanmoins il faisait preuve de patience en ne se laissant pas déborder par la colère qui l'envahissait. Bien qu'il se considérait comme le mouton noir, sa nature d'orc faisait qu'il avait cette haine incontrolable prête à jaillir à tout moment. Il la controlait tant bien que mal, mais l'idée de voir cette femme valser de la forge avec un bon coup de pied au cul ne lui déplaisait pas. Cependant, le retour à la réalité ne fut pas désagréable. Elle jouait précedemment la carte de la vulnérabilité, et s'était soudainement assagi sur ses dernières paroles, faisant même preuve de compréhension et d'un jugement que Gal'Mesh ne reniait pas. Oui, les orcs avaient cette manie de vouloir montrer à leurs congénères qui avaient la plus grosse. Le seul orc n'ayant jamais tenté de jouer à ce jeu avec notre forgeron s'est retrouvé les yeux explosés après que celui-ci y est profondément enfoui ses doigts. Au lieu de continuer sur la voie de la provocation, cette femme conversait alors avec un certain entrain, ce qui déstabilisa notre orc, qui s'attendait à tout sauf à ça. Aussi resta t-il muet, jusqu'à ce que cette femme emboite le pas vers la sortie. Puis son regard se déposa vers la lettre, finement recouverte par ses outils. Il grommela, et la saisit, tentant de discerner dans cet amas de fumée opaque le symbole incrusté. Il haussa un sourcil, cherchant la relation entre l'intendance et cette femme. C'est après quelques secondes, et surtout en vérifiant le contenu de la lettre, qu'il comprit. Il voulut dans un premier temps la rattraper, puis se rétracta. Il allait devoir utiliser cette invitation si il voulait connaître la véritable raison de cette visite.

Il finit par réussir à obtenir son après-midi. Il n'eut pas à négocier très longtemps, le sceau de l'intendance intimidant grandement les orcs, à la plus grande surprise de notre forgeron. Il avait ouï certains échos sur cette femme, et préféra les ignorer afin d'émettre son propre jugement. Hurlesang dans le dos, il se rendit en direction de Barad-Dûr, où il fut accueillit par plusieurs gardes. Ceux-ci cherchant à le rabaisser. Plusieurs grognements d'orc s'en suivirent, conclut par celui de Gal'Mesh, tendant au garde l'invitation qu'il possédait. Il lui arracha finalement le papier des mains, après d'interminables secondes où le garde tentait de décrypter l'écriture, puis enchaina :

« Amène moi .. A l'intendante. »

Il accompagna cette phrase d'un rictus narquois et d'un regard provocateur, afin de mettre un terme à cette guerre psychologique qui faisait rage, concluant pour de bon sa domination. Son gabarit massif aidait en partie à créer cet effet de crainte. Il n'eut néanmoins pas à attendre longtemps, puisque cette même odeur, qui lui avait taquiné les narines à sa forge, refaisait surface.

--♦--

Le concours de testostérone entre les Uruk-hai furent de courte durée, car bien que l'orc le guidant l'entraina dans de nombreux dédales de couloirs et de salles, il dû s'arrêter, ne pouvant aller plus loin que la grand porte d'acier se dressant en travers de leur route.

De part et d'autre de la porte, huit Numénoréens noirs étaient en poste, parés de leur amure d'un noir scintillant aux formes agressives.
Un neuvième Numénoréen Noir, se distinguant par l'absence de casque, s'avança et d'un mouvement de tête exprima en bloc sans dire un mot :
Vos identités?
La raison de votre présence?
Et dépêchez-vous de répondre si vous voulez finir la journée en un seul morceau.

L'orc "guide" montra la lettre de convocation au cachet de l'Intendante.

" Oh. Je vois."
Fit du bout des lèvres le Général Numénoréen, un sourire amusé se dessinant presque sur celles-ci,
" OUVREZ LES PORTES DU DONJON."
Les deux lourdes portes d'acier pivotèrent sur leur gonds, animés par la masse musculaire de deux trolls noirs.

C'était une partie de la citadelle de Barad-Dur interdites aux communs des Mortels.
Un lieu où s'exerçait le pouvoir véritable dans le Mordor.
Un lieu d'où émanait la puissance même du Seigneur Maia dirigeant les peuples sombres.

" Arong. "
Un soldat sorti de rang.
"Accompagnes ce visiteur jusqu'à l'Intendante Loréalle.
Elle doit être dans la salle du Palentir."
Arong regarda l'Uruk et lui fit signe de le suivre.
Il n'avait aucune velléité envers Gal'Mesh, on pouvait même se demander si un jour un quelconque sentiments avaient siégé sous le crâne de ce soldat au visage froid, neutre et parfaitement impassible.

Quand au Général pouvait se targuer d'être seul à savoir exactement où se trouvait l'Intendante heure par heure. La plupart du temps, ceux la recherchant s'organisait de la façon suivante : Poser des questions à tous le monde pour savoir qui l'avait vu en dernier.
Mais ce Général avait un statut particulier, chef de la garde des portes, la femme aimait le consulter le soir avec une bouteille et deux verres, pour s'enquérir des visiteurs de la journée. Aussi, par la même occasion, le Général connaissait plus ou moins les activités qu'elle avait prévu pour le lendemain.

--♦--

Il n'aimait pas s'imposer à une personne de la sorte, mais c'est en grandissant dans ce monde où la loi du plus fort règne qu'il comprit qu'il n'y avait aucun autre moyen pour obtenir le respect d'autrui. Aussi sa démarche avait payé, puisque faisant suite à la présentation de sa convocation, les deux orcs se déplacèrent pour finalement se présenter face à une impressionnante porte d'acier. Lui-même forgeron, il savait reconnaître un travail de qualité, et cette porte en était clairement un. Néanmoins, il n'était pas au fait des gardes disposés de chaque côté de la porte, c'était d'ailleurs la première fois qu'il rencontrait des personnes de leur stature, et surtout des gens d'une autre race. Peu impressionnable et surtout peu impressionné par la prestance et la manière hautaine, stricte avec laquelle le garde daigna demander leur identité, l'orc qui accompagnait Gal'Mesh n'eut qu'à tendre la convocation. Un rictus apparut sur son visage, et il donna aussitôt l'ordre de les laisser passer. Une bourrasque vint à surprendre notre forgeron. Lui pourtant habitué à l'horreur et la putréfaction de ce monde, il n'en avait en réalité rien vu. Ce n'était pas une bourrasque au sens de vent, mais plutôt au terme d'énergie. Gal'Mesh se sentit à l'instant extremement mal à l'aise. Difficilement explicable, il avait la sensation que toute lumière, ou toute émotion positive n'avait pas sa place. Il secoua la tête, tentant de reprendre ses esprits, grogna légèrement, comme un hymne au courage, et continua sa route.

Le soldat qui l'accompagnait restait sous silence, ne véhiculant, du peu que Gal'Mesh pouvait constater, aucune émotion. Aussi, notre orc ne tenta pas d'engager la conversation, ce n'était de toute manière pas dans ses habitudes, n'étant pas d'un naturel bavard. Cependant, ces personnages l'intriguaient. Quelles motivations des humains pouvaient-ils avoir pour servir le Mordor ? Il n'aurait probablement jamais réponse à cette question. Son cerveau l'extirpa subitement de ses pensées. Ils se rapprochaient indéniablement de l'intendante, l'odeur en témoignait.