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| À la rencontre du destin. | |
| Auteur | Message |
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Sefir Le Porteruine
Nombre de messages : 1734 Feuille de personnage Race: Humain Possessions: Fatalité, la Lame des Esprits Statut: Joueur(se) actif(ve)
| Sujet: À la rencontre du destin. Mer 21 Oct 2015 - 7:17 | |
| La vie suivait son cours. Un cours douloureusement tranquille. Allongé sur son lit, Sefir contemplait le plafond, et les rayons du soleil matinal transformer peu à peu la poussière de son logis en poudre d’or. Il n’avait pas envie de se tirer du lit. Il n’avait pas envie d’affronter le reste des habitants du village, et leur joie de vivre. Leurs peines toutes simples. Las, son regard se promena sur les murs de ce qui était devenu sa maison. Une petite maison, dans un petit village, loin des préoccupations de la Cour Impériale. Loin des complots, des intrigues. Mais pas assez loin de ses souvenirs. Poussant un profond soupir, il s’assit sur le rebord du lit. Il était ici depuis plusieurs mois déjà. Plusieurs mois qui s’étaient écoulés avec la lenteur de plusieurs années. Sefir devait se rendre à une douloureuse évidence : il aimait cette vie tranquille, mais elle était vide. Il connaissait la mort. Il avait enterré de nombreuses personnes au cours de sa vie. Des amis, des ennemis... Une femme et un fils. Et, six ans auparavant, son Impératrice. Cette blessure là ne s’était toujours pas refermée. Et, maintenant qu’il n’avait plus de complot à déjouer, plus d’Empire à gérer et plus d’ennemi à saigner, il avait tout le temps de se rendre compte d’à quel point cette femme lui manquait.
Après la défaite de Dol Guldur, il s’était enfuit dans les bois. Il n’avait pas juré fidélité à Krell. Il avait juré de servir Morrigane, et celle-ci n’était plus. Il partit, avec Drazan Mo Razdan, ce chef de clan avec qui il s’était lié d’amitié. Il partit loin, vers les terres les plus reculées de Rhûn, vivant de la lande, mangeant du yaourt dans les steppes. Ils avaient fuit pour les mêmes raisons : ils ne reconnaissaient plus Krell comme leur roi. Les deux amis parcoururent ainsi une région des Terres du Milieu que Sefir n’avait encore jamais visité. Finalement, ils parvinrent dans un petit village, perdu au milieu d’une forêt de conifères. Ils étaient désormais assez loin de Krell-Kain pour ne plus craindre le pouvoir impérial. Leur or leur permit de s’y installer, et leur apparence de guerriers d’obtenir les bonnes grâces des villageois. La petite communauté les accueillit avec plaisir. Ils n’eurent pas de difficultés à s’intégrer : Drazan n’hésita pas à mettre sa force physique au service des cultures, tandis que Sefir ramena plus d’une fois du gibier. Mais, à mesure que le temps passait, il lui devenait de plus en plus difficile de garder le sourire. À mesure que les jours passaient, il lui devenait de plus en plus difficile de quitter son lit. Il aurait une place ici. Une chance de vivre la vie plaisir après laquelle il avait soupiré depuis son exil du Harad. Devoir la vivre seul était un châtiment bien plus atroce que tout ce qu’il avait pu subir aux mains du Mordor. Les premiers temps, quand ils voyageaient encore, il avait cru à une vie nouvelle. Ils avaient chevauché, chassé, découvert, mangé et bu ensemble. Après une soirée particulièrement arrosée dans une auberge, dont il ne gardait qu’un souvenir extrêmement vague, Sefir avait même rompu son célibat, en compagnie d’une serveuse locale. Mais l’enchantement des premiers jours, l’ivresse de cette liberté retrouvée, s’était dissipé devant la routine d’une vie rêvée.
Il finit par se lever, revêtir une tunique simple. Son armure, et ses tenues en soie, étaient dans un solide coffre, avec son épée. Il serra une large ceinture de cuir, sertie d’un couteau de chasse, autour de sa taille, puis enfila ses bottes de cuir, avant de quitter son logis. Il passa devant l’échoppe du forgeron, y croisant Anya. La jeune femme lui adressa un joli sourire, rougissant légèrement quand il y répondit. Son père essayait de la marier au guerrier depuis plusieurs semaines, heureusement sans faire de proposition officielle. Elle était jolie, sympathique, vive d’esprit... Mais Sefir n’avait pas le cœur de ruiner sa vie en l’enfermant dans un mariage sans amour. Il poursuivit son chemin jusqu’à la maison communale, où il prit un repas frugal. Drazan le rejoignit bientôt, déjà en sueur du travail de la terre. Il attrapa un godet d’eau fraîche, en bu plusieurs gorgées, avant de plonger un regard soucieux dans celui de son ami.
«Tu me sembles bien soucieux ces derniers temps, Sefir...» «De vieilles blessures, Drazan... Nous en portons tous. Il m’est impossible de parler de celle qui me fait souffrir. Mon honneur seul n’est pas en jeu.» «Oh... Te connaissant, il s’agit d’une dame.» «J’ai dit que je ne souhaitais pas en parler, Drazan.»
Le ton sec de Sefir fut suffisant pour couper court à la conversation. Les deux hommes se toisèrent un moment, avant que l'ancien Régent de Rhûn ne soupire, repose ses couverts, et se laisser aller en arrière sur sa chaise.
«Excuse-moi, Drazan.» «Je n’aurais pas du insister. Tu devrais venir travailler aux champs. Cela t’occuperais l’esprit.» «Je pense plutôt aller chasser. Autant profiter des dernières occasions de ramener du gibier avant l’hiver... Dis-moi, Drazan, tu te plais ici ?» «Comme tu voudras... Et... Oui, je me plais ici. La vie est simple, beaucoup plus qu’à la Cour. Je n’ai pas à surveiller chacune de mes paroles de crainte de perdre ma langue ou ma tête... Une fois que j’aurai trouvé une femme, je pourrais très bien y finir mes jours !» «Puisse ton voeu être exaucé, Drazan...»
Ils se séparèrent sur ces paroles. Sefir, plutôt que de partir chasser, se posta sur un rocher, près du petit lac jouxtant le village. Il s’abandonna dans la contemplation de l’onde, oublieux du monde. Il essayait de dresser un bilan de sa vie. Sa conversation avec Drazan lui avait rappelé l’égalité de tous les Hommes devant le temps qui passe. Si son ami pouvait affronter ses ancêtres sans honte, qu’en était-il de lui ? Il n’avait rien construit. Tout ce qu’il avait tenté de fonder avait été détruit, par ses propres actes le plus souvent. Il avait tenté d’aider une voyageuse dans le besoin, et avait perdu sa place. Toutes ses tentatives de protéger sa famille avaient amené mort et destruction sur eux. Il n’avait pu empêcher Morrigane de mourir. Même les progrès accomplis sous sa régence avaient été balayés par le retour de Krell. Il n’avait rien accompli. Il avait fauché et fauché des vies. Combien avaient trouvé la mort face à lui et sa lame ? Sûrement une cinquantaine au Harad, dans diverses escarmouches et raids. Plus une douzaine des Nains de Hatori Hanzok. Il fallait encore ajouter une soixantaine d’Huruk au Gouffre de Helm, en au moins le double à Minas Tirith. Plus les Champs de Pelennor, les Plaines Jaunes,... Il n’avait même pas le cœur de compter toutes les batailles auxquelles il avait pris part, toutes les mères qui ne reverraient pas leurs fils, les femmes leurs époux, les enfants leurs pères. Et tout ça pour quoi ? «Tiens-toi dans les cendres d’un millier de guerriers, et demande aux fantômes si l’honneur est important». Les enseignements de Noreemo lui revenaient en tête. L’Elfe avait une fois de plus raison. Mais alors, il avait un but. Une raison de vivre. Ce n’était plus le cas maintenant...
Il fut tiré de sa rêverie par des cris d’alarme. Bondissant sur ses pieds, il couru jusqu’au village. Là, sur la place centrale, il vit Bô, un des bûcherons, grimaçant de douleur sur son cheval, une flèche dans l’épaule. Son fils se cramponnait à lui, terrifié. Drazan souleva l’imposant forestier comme un fétu de paille, et commença à l’interroger, une lueur mauvaise dans les yeux. Il se tourna vers Sefir.
«Une bande de déserteurs, au moins une cinquantaine. Ils ont attaqué une caravane non-loin, c’est ce qui a attiré Bô. Ils vont le suivre jusqu’ici... Je vais chercher ma hache !» «Non.» «Quoi ? Mais... Il faut se préparer à défendre le village !» «Je n’ai pas dit le contraire. Mais je vais m’en charger. Rassemble tout le monde, Drazan, tu es un bien meilleur chef que moi. Préparez-vous à repousser l’assaut.» «Ce n’est pas le moment de jouer au héros !» «Ils sont proches, d’après Bô. Vous n’aurez pas le temps de vous préparer si je ne vous en donne pas. Laisse-moi faire, c’est... Crois-moi, c’est mieux ainsi.» «Sefir...» «Regarde autour de toi, Drazan... C’est un beau jour pour mourir.»
Alors qu’il disait ses mots, il croisa le regard d’Anya. Celle-ci lui lança un regard douloureux avant de partir en courant vers sa maison, cachant ses yeux et ses larmes derrière ses mains. Il ne chercha pas à la rattraper, mais se dirigea à grandes enjambées vers sa maison. Il se débarrassa de ses vêtements, revêtit sa plus belle tunique de soie blanche, puis son armure. Fatalité, la Lame des Esprits, rejoignit son dos, poignée à droite. Une série de dagues étaient alignées dans le bas de son dos. Il ouvrit une petite boîte contenant une pâte sombre, et traça en travers de son visage une série de lignes à l’aide de ses doigts. Il laissa là le reste de ses possessions : l’épée brisée de son père, ce qui restait de son or,... Il en ressortit, pour trouver le village tout entier rassemblé. La foule s’écarta sur son passage, un mélange de respect et de peur. Il parvint jusqu’à la petite place devant la palissade, où Drazan avait scellé un cheval pour lui. Il fut interrompu par Anya. Celle-ci se mis en travers de son chemin, les yeux rougies. Ce fut d’une voix hésitante qu’elle pris la parole.
« Je... J’ai entendu dire qu’à la Cour, certains guerriers partent au combat avec les... Les couleurs d’une dame... Je ne suis pas noble, je n’ai pas de couleur, mais...»
Il ne la laissa pas finir, lui relevant doucement la tête d’une main gantée de mitaines, la regardant dans les yeux, serein. Puis il prit le petit carré d’étoffe que tenait la jeune femme contre elle, qu’il l’avait vue broder patiemment.
«Ce serait pour moi un honneur de porter tes couleurs, Anya.» «Peut-être vous portera-t-elle chance ?» «Peut-être...»
Il lui sourit une dernière fois, avant de nouer l’étoffe à son bras, puis s’adressa à l’ensemble des villageois, d’une voix forte. Il n’avait pas beaucoup de temps... Mais il ne pouvait pas partir comme un voleur.
«Écoutez-moi ! Je suis Sefir, le Porteruine. J’ai amplement mérité mon surnom, car j’ai apporté la mort avec moi durant de nombreuses années. J’ai tué pour des rois, pour survivre, ou pour l’honneur. Je n’ai jamais réussi à créer quoi que ce soit. Si je ne survis pas, je ne souhaite rien emporter de plus que ce que porte sur moi. Offrez mon corps à la forêt. Laissez-moi sur une pierre pour en nourrir les animaux. Et, surtout, vivez, car je vous offre ma vie !»
Le silence accueillit ses paroles. Anya laissait les larmes couler silencieusement sur ses joues. Drazan lui lança un regard triste, tandis qu’il montait en selle. Sefir se pencha vers lui.
«Ces gens auront besoin de toi, Drazan.» «Puisses-tu revenir, mon ami.» «Et, Drazan... Cette femme... C’était l’Impératrice.»
Sans laisser au guerrier le temps de répondre, il éperonna sa monture. Il partit au trot, le cœur léger pour la première fois depuis des années. Il chevauchait à sa mort, sans posséder rien de plus que son armure et ses armes. Il rejoignait enfin les esprits des morts. Il était l’un des derniers d’une génération de guerriers. Un vieux loup esseulé. Il lui semblait déjà entendre les voix des autres l’appeler. Jaryak. Aleyas. Jorgen. Jeryk. Maya. Morrigane. Et tant d’autres... Il ne manquait que les tambours de guerre pour accompagner sa chevauchée ! Il fut tiré de sa rêverie par des bruits sur la route en face de lui. Il stoppa son cheval, mis pied à terre, et le renvoya d’où il venait. Puis il attendit, tranquillement. Au tournant, les premiers déserteurs apparurent, rigolant. Ils étaient nombreux. Organisés. Bien équipés. Typique d’une compagnie tout entière devenue enragée sous les ordres de son officier. Autrement dit : la pire plaie qui soit. Ils s’arrêtèrent en le voyant dégainer son épée.
«Vous n’irez pas plus loin.»
Ils continuèrent à avancer, se répandant en menaces et en provocations qu’il n’écoutait même pas. Puis l’un d’eux leva sa lance, et tenta de l’empaler. Il esquiva en tournant sur lui-même, épée tenue à deux mains au-dessus de la tête. Le fil de Fatalité caressé la jugulaire du soldat, qui s’effondra, les mains vainement serrées autour de son cou pour étancher le saignement. Des cris d’alarmes retentirent. Un deuxième se précipita sur lui, sabre au clair. Il passa sous le coup de taille, para l’attaque en tête d’un troisième d’un battement de bas en haut, avant d’abattre sa lame sur le cou de ce dernier. Il tourna sur lui-même, agrippa la hampe d’une lance qu’il plaça sur la trajectoire d’un sabre, expédiant un coup de pied dans l’entrejambe du possesseur de ce dernier, avant de planter sa lame dans le torse du lancier. Il commença à virevolter au milieu de ses adversaires, distribuant la mort autour de lui. Ses dagues volèrent une à une hors de leurs fourreaux. Le combat prélevait cependant son dû sur lui. Une première attaque le toucha à l’avant-bras. Grimaçant, il contre-attaqua, faisant mordre la poussière à son adversaire. Une deuxième lame taillada sa jambe, le forçant à boiter alors qu’il restait encore près de la moitié de ses adversaires. Certains commençaient à revoir leurs chances de succès à la baisse, mais, voyant sa faiblesse, tous reprirent leur assaut. Tout bascula quand Sefir, pour la première fois de sa vie, fut trop lent. Une lame pénétra l’armure de cuir dans son dos, lui arrachant un cri de douleur. Il tituba. Son sang coulait abondamment de la blessure. Il avait assez fréquenté les champs de bataille pour savoir qu’à moins de recevoir des soins rapides, il ne survivrait pas. Curieusement, cette nouvelle le calma. Il pivota sur lui même, détachant la tête de son meurtrier du reste de son corps. Puis, il se jeta dans la mêlée avec l’énergie du désespoir. Il trouvait dans la certitude de mourir des forces qu’il n’avait jamais soupçonnées, même dans le Val d’Anduin, quand il avait du défendre sa vie et celle de Dorman face aux chasseurs Orques. Il s’abandonna totalement à la bataille, entamant une dernière danse avec la mort.
Quand il revint à lui, il dominait le dernier de ses adversaires. Trois autres plaies sur son torse répandaient son sang, mais Fatalité avait profondément mordu dans la clavicule du brigand, le tranchant presque en deux. Il lâcha la poignée de l’épée, laissant son ennemi s’écrouler. Sa vision devenait peu à peu trouble. Le monde chavirait autour de lui. Il s’effondra, trop faible pour rester sur ses pieds. «Alors c’est ainsi qu’on meurt ?». Il était épuisé, comme s’il n’avait pu prendre la moindre heure de repos en trois jours. Le monde s’obscurcissait progressivement. Il ne sentait plus la douleur. En fait, il ne sentait plus rien. Un sourire naquit sur son visage.
«Enfin, ma vieille amie...» soupira-t-il à la Mort.
Il ferma les yeux, et rendit son dernier soupir.
Son corps fut découvert peu après. Drazan n’avait pu supporter l’idée d’abandonner Sefir, et s’était prestement équipé, espérant arriver assez vite pour secourir le guerrier. Il avait croisé la monture de ce dernier, et était parti au galop. Il avait entendu les derniers bruits du combat, puis le silence. Anxieux, il parvint sur place juste à temps pour voir Sefir s’effondrer. Il mit pied à terre, courant vers lui. Mais il était déjà trop tard. Le regard vert poison de Sefir était déjà vitreux, contemplant le ciel. Un filet de sang s’écoulait de la commissure de ses lèvres. Le guerrier géant laissa un long cri de rage retentir dans la forêt. Il resta là un moment, agenouillé à côté du corps de son ami, tandis que celui-ci refroidissait progressivement. Sefir était mort. Le Porteruine n’était plus. Danse-la-Mort disparu. Un des plus grands guerriers d’Arda venait de mourir dans des étendues dépeuplées, face à des adversaires sans honneur. Pour Drazan, c’était le symbole de la fin d’une époque. Des villageois arrivèrent progressivement sur place. Anya posa une main sur l’épaule du colosse, l’incitant à se relever.
«Il est mort pour nous tous...» «Oui... Il ne méritait pas cela... Allons, emmenons-le quelque part dans cette forêt. Il a mérité que nous respections sa volonté...»
Le corps de Sefir fut placé sur une pierre plate non-loin d’un ruisseau. Une petite assemblée était présente quand Drazan s’essaya à l’oraison qui doit accompagner les funérailles de tout guerrier de Rhûn.
«Sefir était un guerrier. Je dirais même l’un des meilleurs à avoir vécu. Mais c’était surtout un homme. Il a parfois fait des erreurs, et il a parfois vu juste. Il n’a jamais souhaité être un héros, pas plus qu’il ne s’est abandonné à ses pulsions. Jamais je ne l’ai vu tuer pour le plaisir. Quoi qu’il ait pu penser de lui, c’était un homme bon, et mon ami. Je l’ai suivi dans plusieurs batailles sans hésiter. Je... Je n’ai jamais été doué à ce genre de choses... Il me manquera. Il nous manquera à tous. Et j’aurais aimé que vous le rencontriez quand il y avait encore de la joie de vivre en lui... Puisses-tu connaître la paix que tu recherchais.»
Ils reprirent la route du village, après avoir débarrassé la route de ses cadavres et récupéré ce qui pouvait l’être. Anya marchait à côté de Drazan.
«Je n’avais jamais rencontré de guerrier. Pas comme lui en tout cas.» «Et tu n’en rencontreras sans doute jamais plus... C’est comme si une page venait d’être tournée. Le destin des batailles ne sera bientôt plus déterminée par des guerriers, mais par des soldats. Les héros se font rares...»
Quelques heures plus tard, Sefir sentit une une main caresser sa joue. Quand il ouvrit les yeux, il baignait dans une lumière blanche. Une cascade de cheveux roux se déversait sur son torse. Il sourit.
[b] «Ainsi j’ai droit à un dernier rêve ?» |
| | | Morrigane Agarwen Reine du Rhûn
Nombre de messages : 179 Feuille de personnage Race: Spectre d'humaine Possessions: Rien. Statut: Joueur(se) actif(ve)
| Sujet: Re: À la rencontre du destin. Dim 1 Nov 2015 - 23:37 | |
| Tout fut fini, puis tout recommença.
À bien y réfléchir, c’est ainsi que l’on peut résumer ce qui se passa, dans le secret du val obscur où reposait Danse-la-Mort. Tout fut fini parce que d’une certaine manière, ce fut la fin d’une époque, celle où les héros étaient immortels ou avaient le loisir de trépasser dans de glorieuses batailles, livrant un ultime assaut dans la gloire et le sang. Sans doute cette mort, toute provisoire qu’elle était, sonnait la fin du temps des prodiges et le crépuscule des grands soldats, abattus dans la honte par des maraudeurs affamés.
C’est ainsi que Morrigane le vit, en tout cas. Le monde était flou, le jour bien morne, quand elle regarda, sans mot dire, tomber son amant. Il y avait quelque chose de contre nature à cela, comme un arbre qui s’abat, comme un astre qui choit, comme la mer qui se retire et le jour qui se fait nuit. Un instant il était debout encore, vacillant, combattant, et si vite après il était à terre et expirait dans l’ombre, fièrement vainqueur de tant d’ennemis. Cela ne pouvait être ainsi. Il avait semblé être dans l’ordre des choses que Morrigane s’en aille, terrassée par tant de fléaux, privée de son utilité en ce monde : mais pas Sefir, non, certainement pas, quand bien même l’idée de l’avoir près d’elle dans les troubles remous de l’éternité pouvait sembler séduisante.
Alors, elle les suivit, tous ceux qui portèrent le corps de Sefir auprès de l’eau courante, qui prièrent pour son âme et qui firent les dernières oraisons, les derniers adieux que tout un chacun devait à un si grand guerrier de l’empire. Elle sourit, un peu, devant la tristesse indicible de Drazan, et l’effort manifeste qu’il y avait dans ses mots pour offrir une prière digne du défunt. Elle n’avait pas vu ses propres funérailles, mais elle avait comme un curieux plaisir à observer celles des autres, peut-être pour mieux se persuader qu’il y avait eu, pour elle aussi, des larmes et des belles paroles jetées dans le vent.
Enfin, tout le monde s’en fut, le calme revint, et dans la forêt obscure sillonnée de lueurs vagabondes par un soleil erratique, elle veilla. Patiente, ô combien patiente : des années n’avaient pu émousser sa détermination et sa nostalgie, tout ce qui la poussait à s’attarder près de lui... De sa voix, elle tissa quelques pièges, quelques rêts pour l’appeler, écoutant les remous de l’autre monde pour retrouver sa trace, pour le ramener à lui.
Peu à peu, tout s’effaça. Les bois, les murmures, l’eau chantante sur les pierres, tout passa et s’en fut, sombra dans la blancheur immaculée de ces lieux interlopes où errent les âmes après leur trépas. Rien que de la lumière, là : Morrigane en aurait ri, sans doute, si elle n’était si préoccupée par le fait de rendre Sefir au monde des vivants. Lui si obscur, après tout, lui cette ombre incarnée, l’ombre en dedans et sous la paupière, égaré dans ces champs éclatants où tout perdait substance et tout se muait en clartés diluées... Quelle ironie.
Tout doucement, tout patiemment, elle attendit. L’instant de l’éveil, lorsque les yeux s’entrouvrent sur l’après, était toujours un moment particulier, et pour celui-là, pour lui, elle voulait être là. Les choses prenaient de drôles de formes, ici, dans cet univers tout de vapeurs et d’illusions mêlées, un peu réel et un peu irréel où les choses prenaient souvent des apparences bien perturbantes pour les vivants. Sefir lui-même semblait différent, un peu plus sombre, un peu plus paisible, comme Morrigane elle-même devait l’être, libérée du poids d’une enveloppe charnelle qui s’était fanée et étiolée avant l’heure.
Elle rit, quand elle entendit enfin sa voix, vit l’œil se soulever et s’ouvrir.
— Un rêve ? Alors que tu as passé tant d’années à ignorer les tiens ?
L’amusement était sincère, et illumina un peu le visage si mélancolique de l’ancienne reine. Ses yeux clairs scintillaient comme des joyaux et son sourire, dieux, son sourire n’avait rien de commun avec ce que l’on avait pu connaître chez elle à la fin de sa vie.
— Il est temps de te réveiller, chuchota-t-elle en plongeant vers lui comme pour l’étreindre.
Le chemin était simple, mais périlleux, autant que pouvait l’être la traversée d’un désert. Il suffisait d’avancer, il suffisait de ne pas se perdre, ne point s’égarer de ce sentier mince qui se déroulait entre les ombres, les mondes, les lieux passagers et les reposoirs indistincts où viennent les âmes, les morts, les esprits de toutes choses qui errent dans les interstices et les marges. Une seconde ou une éternité s’écoulèrent, difficile de le dire. Mais un moment plus tard, un regard s’ouvrait sous les frondaisons grises de la forêt qui chuchotait de douces mélopées dans la brise. C’était peut-être une erreur, peut-être contre nature, et sans doute y aurait-il un prix à payer, mais cela n’avait pas d’importance, parce que même son propre trépas avait été rendu plus doux en ayant la certitude que Sefir vivait encore. Sans doute craignait-elle de partir pour toujours, de perdre sa dernière attache ici-bas, mais qui aurait pu le dire ? L’important à présent était qu’il était revenu, à son tour.
Ce qui devait être son tombeau ne l’était plus, à présent.
Morrigane flottait, indistincte. Ses pieds, nus sous les replis longs et lourds d’un habit de brocard fuligineux, disparaissaient dans l’humus, car elle éprouvait toujours des difficultés à savoir où le sol se trouvait. Ses cheveux dénoués ruisselaient sur ses épaules, animés d’une rougeur fugace, translucides comme une sculpture de vapeur. Ils étaient comme infusés de touches de couleur plus denses ça et là, qui faisaient des lavis et des ombrages à peine perceptibles et la dessinaient toute en ombres, en suggestions, en esquisses. Par touches subtiles, l’or et l’ambre ruisselaient en une mante de soie rousse sur ses épaules frêles, encadraient l’ivoire de la figure et de la gorge, et des longues mains qui esquissaient un geste vers lui, comme on salue un ami perdu de vue depuis longtemps.
Des rayons de lumière, brefs et fugaces, percèrent le couvert des feuillages brunis par l’automne pour la transpercer et l’illuminer un instant. Des touches d’or poudreux, des écharpes de lueurs froides se faufilèrent pour tomber jusqu’au sol, à peine troublées par la substance évanescente du spectre.
— J’ignore ce qu’il adviendra, à présent.
Sa voix était douce, un peu voilée, grave, comme elle l’avait toujours été.
— Tu es mort, Sefir, je ne pouvais laisser cela advenir. Je ne pouvais pas te laisser partir.
Un tremblement infime se propagea, comme une ride sur l’onde. Elle baissa les yeux, un sourire encore aux lèvres, rempli d’une tristesse familière.
— Je suis restée pour toi, sais-tu ? Tout ce temps, j’étais là.
Que dire de plus ? Il le savait déjà. Elle avait le sentiment confus de tout savoir de ses pensées, et que parler s’avérait presque inutile, comme si le son de sa propre voix devenait un croassement grossier comparé à la fluidité confondante avec laquelle leurs esprits s’entremêlaient. Elle n’avait pas besoin de le dire, il le savait déjà, et peut-être l’avait-il toujours su ?
« Je t’aime. » |
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