A l'ombre de la Lothlòrien (FB Jasdrian et Angharad Eirlys)

Depuis peu, j'avais 156 ans. A peine sortie de l'enfance pour les nôtres, mais néanmoins rêvant déjà d'indépendance. Quelque part au fond de mon cœur, je savais que je n'étais pas faite pour la vie que nous menions. Ma famille vivait en lothlorien, au cœur de ce qui était la plus belle forêt du continent. Du moins, c'était ce que prétendait ma mère. Pour ma part, je ne voyais pas ce qu'il pouvait y avoir de merveilleux et admirable a seulement voir... De la végétation. Et aussi... Des arbres. Des fleurs, certes jolies mais néanmoins toujours semblables. Des buissons. Quelques animaux. Et toujours, toujours le même paysage.

Les arbres. Partout. Des milliers, que dis-je, des millions d'arbres. Des grands, des petits, des feuillus et des conifères, des feuilles larges et des fines, des épines et des glands, des pommes de pin et des branches nues... De l'écorce de toutes les couleurs, toutes les textures... De la brune rugueuse, de la grise lisse... Par toutes les créatures de la lothlorien ! Je n'en pouvais plus de tous ces arbres ! J'étouffais !

Alors, comme je le faisais de plus en plus souvent, je quittai les alentours de notre Talan, la plate-forme de bois qui nous servait de maison et a laquelle on accédait par un trou circulaire aménagé au centre, qui donnait sur une échelle en corde elfique longeant le tronc de notre mallorne. Je m'esquivai d'un pas feutré, ombre éphémère dans les fourrés. Comme a mon habitude, je pris le chemin le plus court en direction de l'extérieur. La lisière de la forêt... Lorsque l'horizon s'éclaircit, lorsque je pus entrevoir la lumière du soleil sur la plaine, mon cœur fit un bond. Étant elfe, j'avais une excellente vue et même si j'étais en réalité bien loin des limites de la lothlorien, je la voyais presque comme si j'y étais. Jamais je ne m'étais assez approchée pour pouvoir toucher de mes propres mains cette herbe si verte que je voyais au delà de notre territoire. Jamais. Pourtant, elle m'attirait irrésistiblement. Un pas après l'autre, je m'avançais, de plus en plus proche. Les arbres commencèrent à s'éclaircir, à s'espacer. Encore quelques minutes et je pourrais...

J'aimais marcher tout en respirant l'air pur que la nature nous offrait. C'était si doux, si agréable. Comment pouvait-on espérer qu'il en soit autrement ? Je l'ignorais. Je levais les yeux vers la cime des arbres avec un sourire doux. La forêt était notre sanctuaire, elle seule savait et pouvait nous protéger, mère nous l'avait toujours appris. Et j'étais la seule à l'écouter, je le savais. Je hochais la tête, je ne voulais pas penser à certaines choses blessantes et horribles, comme le fait que ma sœur souhaitait nous quitter, par exemple. Il fallait que je vide mon esprit, que je pense à des choses positives, à sourire, comme toute jeune elfe sait le faire, en toute logique.

J'entendis un piaillement, non loin de moi, et, instinctivement, baissais les yeux. Un oisillon pleurait l'absence de sa famille. Comme je le comprenais ! Je ne me voyais pas vivre sans ma famille, non plus. Malgré nos différents, j'aimais ma sœur, et jamais je ne pourrais vivre sans elle. Doucement, je me baissais et pris le petit oiseau dans mes mains, lui caressant le dessus de la tête, doucement, un sourire plein de compassion sur les lèvres.

« Je t'emmène vers l'extérieur, tu trouveras ta maman, comme ça. »

Doucement, je me dirigeais vers la lisière, pour le relâcher, tout en le rassurant avec mille et unes caresses et douceurs. Maman comprendrait que je m'approche de l'extérieur pour sauver un animal, d'ailleurs, j'avais prévu de lui raconter en détail en rentrant. Hors de question que je lui cache ça.

Ce fut alors que je vis une silhouette qui ne m'était pas inconnu. Mon cœur rata un battement et je déglutis. Je fronçais les sourcils. Que faisait-elle là ? Essayait-elle de s'enfuir, comme elle le disait depuis un bon bout de temps, maintenant ? Je me mordis la lèvre inférieure. Je ne pouvais pas la laisser faire. Je fis un pas vers elle.

« Angha ! Qu'est-ce que tu fais là ? »

J'essayais de prendre l'air le plus surpris possible, mais en réalité, j'étais meurtrie. Elle rêvait toujours d'ailleurs, et apparemment, ce n'était pas près de changer...

Alors que je me rapprochais de plus en plus, une voix m'arrêta net. Une voix que je connaissais terriblement bien, pour la simple et bonne raison qu'elle appartenait à ma sœur jumelle, Jasdrian.

« Angha ! Qu'est-ce que tu fais là ? »

Je déglutis, surprise. Prise la main dans le sac. Je me retournais lentement, maudissant intérieurement cette capacité qu'ont les elfes de se déplacer sans le moindre son sur le sol meuble de la forêt. Si je l'avais entendue, j'aurais pu me cacher et éviter qu'elle ne me voie si près de la lisière de notre forêt. Je savais qu'elle réprouvait fermement toutes mes tentatives de m'éloigner. Tout comme maman, elle semblait penser que nous étions mieux ici que dans le vaste monde. Enfermées entre ces arbres insupportables. Il suffisait de la regarder pour comprendre qu'elle était surprise de me voir la. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprendrait jamais. Nous avions beau être jumelles, à mes yeux nous étions diamétralement opposées. Elle n'était qu'obéissance et contentement quand je me montrais rebelle et insatisfaite de notre sort. La grande et belle Jasdrian. Il était curieux de constater que malgré notre ressemblance, elle avait toujours eu l'air davantage elfique que je ne le serais jamais. Prise de cours par son arrivée, je ne savais que répondre et je me contentai de prendre un air sur de moi, histoire de donner le change. J'improvisai d'une voix légèrement teintée d'ironie :

"Je viens vérifier comment se porte le monde du dehors. Mère nous dit toujours de veiller sur la santé de ce qui nous entoure, après tout."

C'étaient certes ses mots exacts, mais je doutais qu'ils puissent s'appliquer au monde au sens large du terme, encore moins lorsque le monde en question se situait en dehors du territoire de notre peuple. C'était la pure provocation de ma part, mais je n'en avais cure. J'étais parfaitement consciente que Drian irait tout répéter à notre glorieuse génitrice dès que l'occasion se présenterait et que je me ferai donc vertement réprimander pour ma conduite. Elle me reprochait très souvent mon intérêt pour l'extérieur et a chaque fois que j'étais prise en train de m'en approcher, j'avais droit à un sermon qui consistait à dire que je manquais de gratitude et de respect et... Ce genre de choses. Mais j'étais fatiguée de tout cela. Je n'étais plus une enfant et je n'en pouvais plus de laisser ma mère et ma sœur diriger ma vie a ma place. J'étais irritée par leur ingérence dans mon existence et l'accumulation de cet énervement venait d'atteindre un seuil critique, je n'avais pas envie de rentrer la tête basse pour recevoir ma punition. Non. Il n'en était plus question. A cette pensée, une lueur de défi s'alluma dans mon regard.

Je le savais. Elle et le monde extérieur, c'était toute une histoire ! Toujours à vagabonder près de la lisière, toujours à essayer de sortir. Je soupirais et hochais la tête. Je n'arrivais pas à être sévère comme l'était notre mère, elle n'était que ma sœur. Je ne comprenais pas son acharnement à vouloir nous quitter comme elle le faisait tout le temps. J'essayais de peindre un visage dur, mais j'avais cruellement du mal. Néanmoins, je fis avec et soutint son regard... Je n'aimais pas ce regard, plein d'arrogance et de défi. Je déglutis.

« Tu sais ce que Mère en pense, Angha, et moi aussi ! Pourquoi tu t'obstines toujours à vouloir sortir, comme ça ? Tu n'es pas bien avec nous ? »

C'était ma crainte, en effet. Qu'elle ne nous considère pas comme sa famille, et qu'elle veuille nous fuir. En vérité, je ne m'entendais pas plus que ça avec elle. Mais j'avais besoin d'elle, je le sentais au fond de mon être. Alors la voir partir... Non, je ne m'en remettrais certainement pas. Je ne savais pas comment je pouvais l'affirmer, mais même, je le sentais, c'est tout. Une espèce de pressentiment étrange qui me le faisait dire. Et même, je ne pouvais pas décemment la laisser partir. Elle avait beau soutenir mon regard, j'avais beau être sa cadette, plus frêle et plus douce qu'elle, je savais me montrer ferme quand il le fallait. Et là, il le fallait. Ça n'avait rien de facile pour moi, j'avais du mal à tenir tête à qui que ce soit, en particulier ma mère et ma sœur. Mais je devais le faire.

« La forêt nous protège, tu le sais, alors pourquoi ? Maman le saurait, elle serait dans tous ses états. »

Oui, j'invoquais toujours ma mère, elle était la figure d'autorité de la famille. Je n'avais aucun pouvoir sur Angharad, mais il me semblait que ma mère, un minimum. Je sentis le petit oiseau battre des ailes dans ma main, et j'entendis pailler, à ma droite, comme si on l'appelait. Je fis deux pas et libérais le bébé, afin qu'il aille rejoindre sa famille. Je le vis voler vers son nid, avec un petit sourire avant de me tourner de nouveau vers elle. Je cachais la douleur de la voir là, essayant de faire de moi une femme dure qui saurait lui tenir tête. Il fallait que j'en sois capable !

Elle désapprouvait. C'était tellement évident que je me sentis aussitôt très mal à l'aise. Je n'avais rien contre elle, en réalité. Même si je la jalousais un peu et que nous n'avions rien en commun, elle restait ma sœur. Nous partagions le même sang et nous avions vécu ensemble pendant si longtemps... Je ne supportais pas de voir cette expression sur son visage. Pourtant, j'étais incapable d'ignorer l'immense besoin de liberté qui m'habitait. Mon désir de parcourir le monde et celui de satisfaire ma famille s'opposaient sans cesse... L épreniez remportant souvent la bataille. Et ce jour la, ce fut le cas.

« Tu sais ce que Mère en pense, Angha, et moi aussi ! Pourquoi tu t'obstines toujours à vouloir sortir, comme ça ? Tu n'es pas bien avec nous ? »

Je levai les yeux au ciel avec exaspération. Comment pouvait elle poser une question aussi ridicule ? Ce n'était pas la question, pas du tout. Être bien a la maison n'impliquait pas que je ne pouvais pas souhaiter autre chose. Et par autre chose, j'entendais ... L'aventure ! La vie au plein air, dehors, voir le monde ! Comment pouvait elle se contenter de rester ici à ne rien faire, a simplement végéter sous les arbres comme un légume ? Non ! La vie, c'était autre chose ! Son visage se ferma légèrement et elle ajouta :

« La forêt nous protège, tu le sais, alors pourquoi ? Maman le saurait, elle serait dans tous ses états. »

Je fronçai les sourcils, sentant les prémices de la colère enfler en moi. J'avais toujours eu un tempérament vif -bien trop pour une elfe, comme le répétait ma mère- mais ces derniers temps, cela empirait. Je serrai les poings et dis un pas dans sa direction, prête à répliquer vertement. J'interrompis mon geste tandis qu'elle libérait un petit oiseau qu'elle avait tenu caché dans ses belles mains pâles, si semblables à celles de notre mère. Elle souriait à l'animal, mais lorsqu'elle me fit de nouveau face, son expression réprobatrice me fit l'effet d'une flèche en plein cœur. Je répondais donc aussi froidement que possible :

"Mais elle ne le sait pas et ce qu'elle ignore ne lui fait pas de chagrin. A moins que tu ailles tout lui raconter, comme toujours ? Quoi qu'il arrive, vous êtes toujours contre moi toutes les deux. Vous verrez bien, le jour ou je m'en irai. Au moins, je n'entendrai plus jamais parler des soi disant merveilles de cette fichue forêt !"

J'avais grimacé en prononçant les derniers mots, comme si je suçais un citron. Dans mon ton transparaissait tout le mépris que je ressentais pour ce mode de vie qui ne me convenait pas. Et devoir me faire réprimander par ma sœur était pire que tout. Je n'avais vraiment, vraiment pas envie de discuter... Mais plutôt de laisser sortir tout ce qui m'empoisonnait la vie depuis tout ce temps.

Je reçus ses paroles comme un coup de poignard dans le cœur. Oui, il était vrai que j'étais loyale envers notre Mère, ce qui était normal ! Elle n'avait pas le sens de la famille, ou alors je me faisais de sérieuses idées, mais je le voyais de moins en moins dans son caractère. Elle n'avait jamais pipé un mot de ce que notre mère disait, jamais elle ne lui était reconnaissante, alors qu'elle nous logeait et nous nourrissait. Mais non, elle n'en avait qu faire, elle en faisait à sa tête tout le temps ! Alors oui, je parlais à mère, et encore, je ne lui disais pas tout, sinon elle aurait explosé depuis bien longtemps !

« Et alors, tu désobéis à chacun de ses dires, tu n'en as rien à faire de ce que nous pensons, alors que nous t'aimons toutes les deux ! On essaie de te le montrer par tous les moyens, mais tout ce qui nous revient c'est ton indifférence et ta foutue envie de partir! »

Je commençais à m'échauffer, alors que ce n'était pas du tout mon genre, habituellement. Mais elle m'avait blessée. « Vous verrez bien, le jour où je m'en irai. »... Ses paroles résonnaient dans ma tête comme une promesse qu'elle tiendrait, ou plutôt comme une menace qui allait bientôt avoir lieu. Mais je ne voulais pas qu'elle s'en aille moi. Et je ne voulais pas non plus lui montrer ma tristesse, j'avais tout de même ma fierté, et je ne tenais pas à ce qu'elle se moque de moi. Elle le ferait, c'était certain, j'étais une fille à maman pour elle, rien de plus. Je sentais mon cœur se serrer dans ma poitrine, mon estomac se nouer. Je commençais à avoir peur qu'elle ne mette ses menaces à exécution, je ne voulais pas la voir partir, c'était hors de question. Et pourtant …

« Tu parles toujours de partir ! Tu rodes toujours près de la lisière comme si tu voulais t'enfuir ou je ne sais quoi d'autre ! Tu as envie que tout le monde pleure ton départ ou qu'on te regrette, c'est ça ? Tu en as pas marre de ton égoïsme ? On a tout fait pour toi ! JE ferai tout pour toi s'il le fallait ! Et toi, tu ne vois que ce qui t'intéresses ! »

J'y étais allée fort... Peut-être un peu trop. Mes mots dépassaient peut-être ma pensée, mais je n'en avais que faire, présentement. J'étais blessée au plus profond de mon être, ses mots me faisaient mal, mon cœur aurait pu saigner, il l'aurait fait. Alors je me défendais comme je le pouvais.

L'indignation sur le visage de ma jumelle me fit bouillir intérieurement. Ma sacro-sainte sœur, toujours prête à s'incliner sur le passage de ma non moins divine mère. Déplorable. Aucune personnalité propre, toujours accrochée aux jupes et aux moindres paroles de notre génitrice. Son expression me fit frémir de mécontentement et je me retiens a grand peine de m'enfuir vers la lisière de la forêt lorsqu'elle enfonça le clou :

« Et alors, tu désobéis à chacun de ses dires, tu n'en as rien à faire de ce que nous pensons, alors que nous t'aimons toutes les deux ! On essaie de te le montrer par tous les moyens, mais tout ce qui nous revient c'est ton indifférence et ta foutue envie de partir! »

J'étais partagée entre mon envie de lui jeter mon fiel au visage et celle de m'enfuir pour éviter de prononcer des paroles qui dépasseraient ma pensée. Elle perdait son calme, cette exaspérante façade d'ordinaire sereine et imperturbable faisant place, enfin, à quelque chose de plus naturel. J'aurais probablement dû me réjouir qu'elle cesse de singer notre mère, mais j'étais trop énervée pour réellement y prendre garde. D'ailleurs, certains de ses mots résonnaient en moi comme dans un désagréable écho. Elles, essayer de me montrer leur amour ? Par tous les moyens ? Et comment cela, je vous prie ? En m'empêchant de vivre ? En voulant diriger ma vie a ma place ? Je serai les dents pour me contenir alors que Drian poursuivait sans perdre de sa hargne :

« Tu parles toujours de partir ! Tu rodes toujours près de la lisière comme si tu voulais t'enfuir ou je ne sais quoi d'autre ! Tu as envie que tout le monde pleure ton départ ou qu'on te regrette, c'est ça ? Tu en as pas marre de ton égoïsme ? On a tout fait pour toi ! JE ferai tout pour toi s'il le fallait ! Et toi, tu ne vois que ce qui t'intéresses ! »

C'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Croyait elle réellement ce qu'elle disait ? Impossible. Elle devait bien se rendre compte de la bêtise de ses paroles ! Les poings serrés, penchée en avant dans une attitude de défi, j'assénai d'une voix dure :

"Tu dis que vous m'aimez, mais vous m'empêchez de vivre. Tous les jours, ce n'est que reproches, critiques, exaspération de votre part. Vous n'essayez même pas de me comprendre. Tu dis que je suis égoïste ? Mais qui l'est le plus, petite sœur ? Moi, qui essaies de suivre ma nature, ou vous deux, qui me cloîtrez ici et m'empêchez de faire ce que je veux ?"

Je m'étais avancée en parlant et j'étais maintenant presque à son niveau. Je dis un pas de plus, dangereusement proche, et la j'ai a vois basse d'une façon presque agressive :

"Aurais-tu enfermé un oiseau dans une cage pour l'empêcher de s'envoler ? Non ? Alors pourquoi m'empêcher, moi, de faire ce que j'ai envie de faire ?"

Je la toisai une seconde avec colère, avant de... Prendre la fuite. Sur le moment, cela me sembla être la meilleure chose à faire. Je m'esquivai vers chez nous, aussi rapidement que possible. Je n'avais plus Uune idée en tête : rentrer, prendre mes affaires et... Partir.

« Ta nature ??? Tu te moques, Angharad, tu te moques ! Tu suivrais TA nature, qui es celle d'une elfe de la Lothlorien, tu ne partirai pas d'ici ! »

Les larmes me montaient doucement aux yeux. Je ne parvenais plus à maîtriser mes émotions. Elle allait encore m'accuser d'être une pleureuse, de la prendre par les sentiments, alors que mes larmes n'étaient que sincérité et véracité. J'avais l'impression que mes poumons et mon cœur allaient exploser dans la seconde. Je luttais contre les vertiges qui commençaient à m’assaillir. Elle allait partir, hein ? Je le sentais tellement venir gros comme un oliphant... Je ne voulais pas la voir s'en aller. Pitié, reste, pour moi, pour ta sœur qui t'aime et te chéri bien plus qu'elle ne s'aime elle-même. Je baissais la tête, je ne voulais pas qu'elle voit mes larmes, ce serait bien trop honteux.

« Angharad... Il y a nos envies et notre devoir envers Mère... Mais malgré nos différents, je t'aime, tu es ma sœur, et je ne fais que te protéger. »

J'espérais que ça la fasse réagir de manière positive. Qu'elle se calmerait, qu'elle reviendrait sur ses menaces. Qu'elle déciderait de ne pas nous laisser seule, Mère et moi. Je savais qu'elle était têtue, bornée même, c'était bien un des rares points de caractère que nous avions en commun, d'ailleurs. Alors quand elle avait une idé en tête, j'avais peur, surtout maintenant. Elle me fixa, avec une telle colère que je baissais immédiatement la tête. Et... Elle part ?... Non !

"Angha !! Où tu vas ? Arrêtes de fuir les conversations, c'est déplaisant, et très impoli, tu le sais !.... Angha !"

Je lui emboîtais le pas, bien décidée à l'empêcher de partir quoi qu'il m'en coûte. S'il fallait, je ne dirai rien à mère, si cela pouvait juste faire en sorte qu'elle ne s'en aille pas ! Je marchais derrière elle, raide, la suivant comme je pouvais, jusqu'à chez nous.

« Ta nature ??? Tu te moques, Angharad, tu te moques ! Tu suivrais TA nature, qui es celle d'une elfe de la Lothlorien, tu ne partirai pas d'ici ! »

Évidemment. Elle savait mieux que moi quelle était ma nature. Comme si tous les elfes étaient identiques pour peu qu'ils soient nés au même endroit. Quelle idiotie ! Pour moi, ce n'étaient que considérations excessives. Un moyen de faire en sorte que tout le monde entre bien dans le même moule, copies parfaites, parfaits sosies... Non pas une diversité de personnes, mais une masse uniforme. Non ! Je n'étais pas ainsi. Je ne pouvais pas. J'étais différente de ma soeur. Nous étions tous différents. Et affirmer le contraire équivalait à se voiler la face. Les larmes montaient aux yeux de Drian et je me retins de lui faire remarquer que les sensibleries ne fonctionnaient pas avec moi. Elle finit par baisser la tête dans une expression de petit lapin malheureux qui m'irrita encore d'avantage. Je détestais qu'elle me prenne par les sentiments ainsi. C'était déloyal.

« Angharad... Il y a nos envies et notre devoir envers Mère... Mais malgré nos différents, je t'aime, tu es ma sœur, et je ne fais que te protéger. »

Nos devoirs... Nos devoirs ! Toujours les devoirs et rien de plus. Comme si nous n'étions que deux petits soldats bien rodés et bien huilés, sous la férule de notre mère. Ce n'était plus de la protection. Mais de l'étouffement. Allais-je pourrir ici toute ma vie ? Certainement pas ! Lorsque je pris la fuite vers chez nous, elle m'emboita le pas sans cesser de parler :

"Angha !! Où tu vas ? Arrêtes de fuir les conversations, c'est déplaisant, et très impoli, tu le sais !.... Angha !"

Déplaisant, impoli... Comme je m'en moquais ! Si je fuyais les conversations c'était pour éviter de prononcer des paroles regrettables ou de dire le mot de trop. Je ne savais pas contenir ma colère une fois qu'elle s'enflammait. Et je savais que cela blessait ma soeur lorsque je me permettais de dire certaines choses, mais cela me semblait maintenant inévitable. Je n'avais pas envie de la faire souffrir, pourtant, je ne pouvais plus vivre ainsi.

Lorsque j'arrivai à notre talan, Mère était la. J'ignorai royalement ses questions, la contournant simplement pour filer vers mes affaires. J'étalai une tunique à terre, y déposai quelques affaires auxquelles je tenais et emballai le tout tant bien que mal en un baluchon ridicule. A cet instant, ma mère me demanda avec une colère non dissimulée:

"Que se passe-t-il encore ? Qu'as-tu fait cette fois ci ?
-Cette fois ci, cette fois ci... A vous entendre toutes les deux je ne suis qu'une monstrueuse créature inutile et incapable de bien se tenir. Belle image de moi que voici, en vérité !
-Tu es impossible ! Tu devrais prendre exemple sur ta soeur !"

Je me redressai brutalement et m'avançai vers ma mère en serrant les poings.

"Prendre exemple sur Jasdrian, évidemment ! Vous êtes si parfaites toutes les deux, tout va bien dans le meilleur des mondes quand la méchante Angharad veut bien faire ce qu'on lui dit, hein ?"

Mère se redressa de toute sa hauteur, me toisant avec colère. J'en avais trop dit, mais je ne pouvais... Ni ne voulais me rétracter. Je me contentai de la fixer avec défi, sans un mot, les yeux brillants de colère. La tension était palpable et je ne la quittai plus du regard, à deux doigts de finalement prononcer ce fameux mot de trop qui me brûlait la langue.