[FB] Le Mordor Blues

L'une des raisons pour lesquelles Ciryandil était maitre espion au Mordor, c'est qu'il avait su mettre en place un réseau d'informateur, qui étaient ses yeux et ses oreilles. Ce qui, en réalité, n'était pas si difficile. Il fallait juste repérer les personnes dont tout le monde se moquait : les esclaves, les serviteurs. Les soldats qu'on méprisait, ceux qui passaient inaperçus. Et tout aussi étrange que cela paraissait, King of Lorien faisait parti de ces gens là. Sans doute que quelque part, les gens préféraient occulter son existence.
Ce qui lui convenait parfaitement.

Bref, tout ça pour expliquer que King se baladait dans Barad Dur, sans but précis. Et ce qu'il vit... L'étonna. Il se trouvait dans un coin oublié de Barad Dur. Plus personne, ou presque visiblement, n'y allait. Quelqu'un avait allumé un feu dans un âtre. Un quelqu'un de très singulier, assis dans un trône qui avait sans doute connu des jours meilleurs.

C'était Loréalle, l'intendante. De l'endroit ou il se trouvait, sombre, il pouvait voir son visage, grâce au feu crépitant. C'était un visage fatigué, déprimé, usé. Une expression qu'il n'avait jamais vu auparavant chez l'intendante du Mordor. King of Lorien s'approcha de l'intendante. Sans chercher à la surprendre. Au contraire, en essayant de faire quelques bruits pour annoncer sa présence en douceur.

Lorien, demanda poliment :

Bonsoir Intendante. Navré de vous déranger. J'aurais bien passé mon chemin, mais vous semblez avoir des soucis. Puis-je faire quelque chose pour vous aider? Besoin de parler?

"C'est un peu tard pour renfiler votre masque, j'en ai peur,"

Répondit King of Lorien dans un sourire. Enfin, ce qui ressemblait à un sourire. De loin. Dans le brouillard. Sur un malentendu. Quand Melkor avait créé les gobelins, il ne les avait pas exactement équipé pour sourire. Mais comme en surimpression de ce visage plus déformé que souriant, on distinguait bel et bien un sourire, chaleureux et rassurant. Comment King arrivait à faire cela c'était un mystère. Mais il y arrivait pourtant : ce n'était que l'un des nombreux mystère qui entourait sa personne.

"Je ne suis pas là pour vous assommer de doléance mais, comme je suis votre ami -car oui je le suis- pour écouter les vôtres. Qui me concernent, justement à cause de cette amitié que vous venez d'évoquer."

Sur ces mots, King of Lorien s'assit sur un trône prêt de celui de l'intendante. King, le gobelin du dessous décida alors de partir discrètement, fureter, tandis que Lorien, le locataire du dessus restait là. Pour Lorien cela ne faisait pas de différence remarquez, car son interlocuteur n'avait pas changé de taille. King disparu rapidement d'ailleurs, aidé par le feu brulant dans l’âtre qui projetait de grandes ombres impénétrable dans la pièce. Ce devait être l'un des mots d'ordre de Sauron lorsqu'il construisit sa tour : "toute source de lumière doit projeter plus d'ombre que de lumière". De son côté, King n'était pas vraiment parti fureter bien évidemment, mais plutôt chercher Ciryandil. King of Lorien pouvait être le confident de Ciryandil car il le connaissait depuis... Très longtemps. Mais il pensait que le Loup du Mordor serait sans doute plus a même d'aider l'intendante que lui, cette fois.

"Il... est déjà parti en fait. Mais je transmettrais le message quand je le verrais."

La voix qui venait de répondre était tout à fait différente de celle de King of Lorien. Et pour cause puisque, vous l'aurez deviné (même si à lire c'est pas forcément évident à entendre... Heu, oubliez cette parenthèse), c'était celle de Ciryandil. L'elfe venait de prendre place dans le trône qu'occupait précédemment King. Il ne portait, vision exceptionnelle, qu'une simple tunique bleue nuit, près du corps, ainsi qu'un pantalon de la même couleur et des bottes d'apparence confortable. Pas de trace de son armure de Galvorn. Ni, fait encore plus rare, de son masque de loup ou de son épée.

King of Lorien venait de partir en effet, après avoir silencieusement décris la situation à Ciryandil. Un geste. Une expression du visage et un regard très très entendu avait suffit. Quand on a passé des milliers d'années ensemble, les mots sont superflus. Cet échange muet seul avait suffit à Ciryandil pour comprendre le problème de Loréale. Un problème qu'il n'avait que trop connu par le passé.

Les deux compères avaient échangé leur place sans plus de bruit. Ils savaient, tout les deux, être aussi silencieux qu'une ombre. Surtout quand un feu qu'on tisonnait se mettait à crépiter de plus belle dans une salle vide. Autant dire du gateau. King s'éclipsa tout aussi silencieusement de la pièce, vaquant à ses occupations ailleurs et croisant les doigts ( et il pouvait en croiser deux fois plus que n'importe qui d'autre! Enfin sauf les monstres bizarre, mais peu importe). pour que Ciryandil réussisse à aider l'intendante.

Il étendit ses jambes vers le feu, profitant de sa chaleur tandis que les flammes faisaient danser des reflets orangé dans ses yeux à la couleur ambrée.

Je comprend. Mais vous êtes sûr de ne pas vouloir en parler? Je peux vous laisser seule. Vous profiterez d'un peu de solitude. En admettant que la haut, terrorisé par votre absence inhabituelle, on ne se mette pas à vous chercher partout comme des gremlins. Du genre "Oh mon dieu, l'intendante n'est pas là pour accomplir des taches qu'on pourrait faire nous même si on se mettait à refli... à reflu... Enfin utiliser notre putain de tête! Qu'allons nous faire! Perdons du temps et cherchons là au lieu de faire des trucs constructifs!"
Le putain c'est de moi hein. Et si vous trouvez que ça sent le vécu... On entendi un reniflement dans la salle c'est que j'ai du oublier mon parfum. Que je ne met jamais.

Sinon... Vous pouvez aussi me dire ce qui ne va pas et je ferais le nécessaire pour vous aider. Pour vraiment vous aider. En commençant par vous trouver un endroit ou on ne vous dérangera vraiment pas par exemple. Pour toute les fois où vous aurez envie d'être seule.

Du genre que même King ne connait pas. Lui en ai jamais parlé.

Du coup, ça tombe bien que vous en parliez finalement à quelqu'un qui n'a pas du tout envie de vous voir disparaitre, répliqua Ciryandil. Ouais je sais, entre ça et ma proposition d'endroit tranquille ça ressemble à un plan de drague foireux. Mais vous savez quoi. Je m'en moque. Vous voulez savoir pourquoi je veux vous faire parler? Ok. Je vais vous répondre :

Le maitre espion du Mordor... Non. En cet instant, ce n'était pas le maitre espion qui se trouvait à se lever de son trône.  Pas plus que ce n'était le Ciryandil qu'elle avait déjà vue aux fêtes des peuples libre, drôle, à la limite de la bêtise, en train d'espionner pour le compte de Sauron.
Il y avait un peu de ces deux elfes tout à la fois dans celui qui désormais faisait face à l'intendante et sans prévenir... Plongea son regard dans celui de Loréalle, posant ses mains sur ses épaules, doucement mais fermement, la maintenant sur son siège. Prenant la parole, il déclara :

Parce que c'est toujours vous qui écoutez les autres.
Parce que c'est toujours vous qui faites pour les autres.
Parce que je n'ai pas envie de vous voir disparaitre, d'ici ou de n'importe ou ailleurs.
Parce que nous sommes tous les deux dans la même galère.
Parce que je ne suis pas qu'un espion, tout comme vous ne vous réduisez pas au rôle d'intendante.
Parce que je ne demande rien en retour et ne demanderais jamais rien en retour.
Parce que même si ça ressemble à du flirt à la con, ça n'en est pas.
Parce que malgré tout l'idée ne me déplait pas loin de là. Ce n'est juste pas le sujet. Pas maintenant, pas ici.
Parce que, aussi, je n'essaie pas de vous faire la morale, même si ça en a l'air.
Parce que je tiens à vous, mine de rien.
Parce qu'on a tous besoin de pouvoir se reposer sur quelqu'un. Personne ne fait exception.
Parce que vous dites vouloir être tranquille, mais franchement, même si je part, vous le serez vraiment? Si je m'en vais vous resterez là, tourmentée par vos idées noires. Tu parles d'une solitude.
Et parce que vous avez besoin de dire ce que vous ne dites jamais. Quel qu'en soit les raisons.

Je ne suis pas là pour faire ce que vous avez envie. Je sens bien que ça ne vous plait pas, mais tant pis, si au final vous vous sentez mieux. Même un tout petit peu. Je suis là pour vous donner ce dont vous avez besoin.

Quelqu'un qui vous écoute. Qui prenne soin de vous.

Parce que vous êtes seule. Vous êtes loin de chez vous, loin de votre soleil et loin de ceux qui vous aiment et que vous aimez. Loin de ceux auxquels vous pouvez faire confiance aveuglément. Et le comble de tout ça, vous l'avez dis : Sauron, encore, est parti faire la sieste. Nous laissant le soin de travailler à sa place. Et vous vous demandez soudain si vous avez de l'importance à ses yeux. Si en réalité, sa réputation ne vient pas de ceux qui font pour lui. Et qui sont oublié, aussi bien par Sauron que le reste des terres du milieu.

Je me trompe peut-être. Peut être que je suis présomptueux en pensant deviner pourquoi vous allez mal. Dans ce cas, s'il vous plait, éclairez moi. Et laissez moi vous aider. Sinon vous ne vous en sortirez pas, et vous allez finir solitaire sur les routes avec deux cimeterres et une panthère noir a déprimer pour tout et n'importe quoi, fit-il sur le ton de la plaisanterie.

Si vous pensez que je vais me décourager, abandonnez tout de suite l'idée. Je vous jure sur mes amis les plus cher -dont vous faites parti, vous êtes deux en fait-, et je ne parle pas d'argent, que je n'essaie pas de faire de vous une conquête de plus. Juste de vous faire vous sentir mieux. Si vous me laissez une chance.

Le cœur serré, Ciryandil se tu. Il avait parlé calmement, sans brusquerie ni précipitation. Mais aussi sans s'interrompre, de peur qu'elle l'arrête en plein milieu.

* j'ai demandé à Cicy la réaction de son perso avant d'écrire cela

Hm. J'aurais du le voir arriver celui là, nan? Ouille. Je dois avouer que je ne serais pas contre un peu de glace. Et... ha, on est deux avoir visé juste alors.

Ciryandil se releva... Douloureusement, c'était le seul mot approprié pour décrire la situation. Il avait le teint un peu plus blanc que d'habitude et la douleur se lisait dans ses yeux, mais il affichait pourtant un sourire.
Quand King était venu le chercher tout à l'heure, il ne s'était pas douté de ce qui l'attendait. Mais il se sentait heureux d'avoir réussi à aider Loréalle.

Bon... Je note déjà d'organiser une garde discrète pour votre chambre. Fini les réclamant au beau milieu de la nuit. Et pour les assassins, ne vous en faites pas : S'ils existent je m'en charge. Personnellement. Et Sauron n'oserait pas nous faire le coup de l'amnésie.

...

Non en faites vous savez quoi, je préfère ne pas parier. On ne sait jamais, ça sent la blague de l'univers qui le ferait pour nous casser les... Enfin bref.

Massant son entrejambe meurtrie, il ajouta :

Pour le soleil et l'océan je peux vous organiser des vacances. Je sais bien comment faire : faut juste laisser un mot du genre "Je part en vacance. Je vous fais confiance et je sais que tout sera parfais à mon retour." Ça marche du tonnerre. Ils ont tellement peur de faire des conneries qu'ils se sortent les doigts du derrière les gens la plupart du temps. Et que même s'ils font des conneries, à votre retour ils se mettront en quatre pour vous aider.

Ouille. Vous avez un bon coup de genoux, on vous l'a déjà dis?

Un sourire en coin supplémentaire apparut sur son visage, tandis qu'il posait une main sur l’accoudoir du trône pour s'y appuyer un moment. Les coucougnes étaient le dénominateur le plus commun aux hommes. Et l'égaliseur ultime : Ciryandil avait beau être un guerrier que peu pouvait égaler... Bein il avait mal. Sacrément même.
"Que vous soyez un maiar, un valar, Melkor, ou le paysan du coin, vous verrez, ça fera mal tout pareille", aurait pu dire Illuvatar lorsqu'il avait créés ses enfants.

Ciryandil s'assit à son tour sur le trône le plus proche. Il aurait bien voulu prendre une position confortable, mais une partie de son anatomie lui faisait payer actuellement son manque de vigilance. Si bien que la seule position qu'il pouvait tenir, en attendant que la douleur s’atténue, c'était jambe tendue devant lui. Heureusement, avec le feu dans l'âtre, ça restait agréable.

Ah oui. King. En fait il a pour habitude, quand nous somme à Barad Dûr, de trainer un peu partout. Il me rapporte les ragots les plus intéressants. Ce qui se passe dans la tour, ce genre de chose. Il est ignoré en règle général, donc il est parfais pour ce rôle. Et ça me permet également de garder un œil sur vous effectivement : vous l'avez dis vous même, bien des généraux aimeraient vous voir disparaitre, je m'assure donc de leur rappeler régulièrement et discrètement que je vous protège. Et puis un détail : vous êtes tolérante et aimable avec King. Pour nous c'est un peu le test. Ces personnes sont tellement rares...

L'elfe haussa les épaules, plus ou moins résigné. Les deux amis avaient convenu il y a bien longtemps qu'il ne gaspilleraient plus leur énergie pour apprendre aux autres à tolérer les originaux comme King, Khiss, l'orc barde, ou Abdul Al-Rasade, le cuisinier-guerrier-féministe haradrim. Mais voir quelqu'un être tolérant... Ça c'était vraiment exceptionnel et précieux.

En tout cas, ça vous a fait gagné le titre de membre honoraire. Et on espionne pas un membre de la brigade.

Bref. Tout ça pour dire que je vais vous confier un garde. Un de mes meilleurs hommes. Autant dire qu'avec lui, personne ne rentrera dans votre chambre sans votre permission. Moi y compris. Quant aux assassins... Il vaudrait mieux pour eux que je leur tombe dessus avant. Il s'appelle François. C'est un faux nom, mais je n'ai jamais pu apprendre le vrai. Il est efficace, peu loquace, obéit aux ordres sans rechigner et sais être discret si on lui en donne l'ordre.
Quand la nouvelle se répandra en fait, je pense que le nombre de postulant à vous déranger va baisser drastiquement. Oh et il sera sous vos ordres. Vous pourrez ajuster la garde à votre convenance.

Ciryandil soupira et dit :

Vous avez malheureusement raison pour ce qui est de vos vacances. Si vous voulez, je peux me charger de calmer les ardeurs de chacun pendant vos vacances. Il suffit de me prévenir. Je resterais au Mordor en permanence pour assurer le coup.

Sauf si vous voulez que je vous accompagne, auquel cas il faudra que je trouve une autre solution, fit il dans un sourire, en concluant amusé : Ah? Petit relent de drague foireuse. On ne se refait pas.

Oui... Vous m'avez démasqué, Mouahaha! Et ainsi je pourrais accomplir mon plan démoniaque, plus personne parmi les peuples libre ne sera capable de draguer. Et il s'éteindront jusqu'au dernier et... Oh merci,

Fit Ciryandil en prenant la bouteille que lui tendait Loréalle. Il en renifla le goulot avec un air appréciateur, avant d'en boire une rasade, lui aussi à même le goulot. L'elfe avait appris il y a longtemps déjà à ne pas faire de manière. Sans doute que cela datait d'une vieille campagne militaire pour Sauron. Le genre ou vous êtes derrières les lignes ennemies, en territoire franchement hostile. Dans ces situations vous n'avez qu'une tenue, aucun sous vêtements de rechange, pas de quoi vous laver et pour vous essuyer le popotin, le mieux, c'était encore se rappeler les arbustes dont les feuilles sont bien large (et pas urticantes!). En tout cas le monde venait de passer près d'une apocalypse lente et douloureuse pour les boubourses des mââles. Tout près. A une bouteille de vin près pour être précis.

Blague à part, je ne suis pas encore assez corrompu et maléfique pour lâcher sur le monde une horde de dragueur foireux, fit-il, bouteille à la main, avant de la tendre à son interlocutrice. Imaginez une horde d'Abattarik! L'horreur. Et puis... La drague Eldar est déjà bien assez ridicule comme ça, vaut mieux pas en rajouter je pense : regarde moi avec ma beauté irréelle, regarde comme je brille de l'intérieur! On dirait que j'ai une torche dans l'cul! Pignoufs.

Si ça pouvait y ressembler, ce n'était pas de la jalousie qui faisait dire ces mots à Ciryandil. Non. C'était de la rancœur, de la haine et de l'exaspération face aux eldars. Des génocidaire qui cachaient derrière leur beauté la laideur de leur âme. Il Leva ensuite un sourcil amusé aux noms que cita l'intendante. Cela lui disait quelque chose et il cru deviner quoi :

Vous penseriez pas à Roger le gobelin? De l'unité du général Maria? Parfois je me demande si ce François ne vient pas de la même unité.

Dite l'est pas mauvais votre vin. Ce qui me fait penser, j'ai une petite réserve perso. J'ai aussi des liqueurs... Des bières naines... C'est qu'on en accumule des trucs au fil du temps. Hésitez pas à demander si vous tombez en rade. Ou si vous voulez gouter. Khiss ne boit que de l'alcool qui rend aveugle - je crois qu'il y a de la betterave dedans-, Abdul que de l'eau et King seulement du bout des lèvres... Ça fait longtemps que je n'ai pas eut un vrai compagnon de beuverie.
Résultat, ma réserve est pleine à craquer.

Ciryandil haussa les épaules. Il n'était pas vraiment venu pour ça, mais il commençait à se détendre. Il pensa qu'il lui faudrait remercier l'intendante pour ça, même si elle n'avait pas conscience de ça.

Ciryandil rit lorsque Loréalle lui raconta l’anecdote.

J’aime bien votre père. Même si je ne suis pas sûr d’aimer sa cuisine. Ha. Fëanor utilisé comme menace pour que les enfants mangent leur soupe. J’adore l’idée. Mon père aurait adoré aussi je crois.

Un voile de nostalgie passa sur le visage de Ciryandil, qui le chassa immédiatement. Un réflexe, conditionné par des années et des années de pratique. Chassant ses idées noires pour le moment, il préféra se concentrer sur Loréalle, sur celle qu’il pouvait encore aider :

Vexant ? Moi j’en serais fier ! Si vous parvenez même bourrée ou stone à donner le change, c’est que vous êtes douée. Eeet que vos interlocuteurs n’ont pas les yeux en face des trous. En tout amitié bien sûr. Moi j’ai mis des années à maitriser ce genre de talent. Sans rire. Et puis j'invoque le droit à la mauvaise fois : j'ai pas l'habitude de traiter avec des gens intelligents, subtiles, qui se droguent ou boivent pour donner des ordres. D'habitude j'ai le droit aux orcs bourrins et au numénoréens scopalorectalien*.

Bon. Je veux bien aller chercher un de mes grands crus. Mais vous m’accompagnez. J’ai que deux bras pour transporter les bouteilles et vu la descente qu'on a je vais devoir sprinter à chaque fois, dit-il amusé. Et puis, c’pas pour dire, mais ça manque de coussins. Ce qui me fait penser que le Melkor, avec ses grands trônes en pierre, il doit avoir des cales au cul à force ! Ohputain l’image mentale,

Fit Ciryandil en pouffant de rire à cette idée. Et puis c'est vrai quoi, qu'est-ce qu'ils avaient tous avec les trônes en pierre les valars? Ciryandil, pour vaincre la réticence de l'intendante, ajouta :

En fait ma cave est plusieurs étages en dessous de mon bureau. D’ailleurs, vous auriez vu la tête de dormeur quand je lui ai demandé un endroit secret où stocker mon vin…
Et vous en faites pas, on va passer pas des passages secrets. Là pour le coup, seul Sauron les connais, à part moi. L'avantage d'être un vieux de la vieille. Vous venez?

demanda Ciryandil en se levant et s'étirant.


*Qui ont un balais dans le cul

La première réponse de Ciryandil venait de nul part, pour qui ne connaissait pas le bonhomme, mais on sentait que ça venait du coeur. Un coeur inhabituellement lourd :

Les hommes sont plus sages que nous parfois : ils ont compris bien mieux que les elfes qu'ils n'ont pas l'éternité pour s'occuper de leurs enfants... Ou pour profiter de leurs parents. Bien sûr tous ne sont pas aussi sages mais.... Passons. Je n'ai carrément pas assez bu pour aborder ce sujet.

L'elfe abandonna le sujet. Il ressentait toujours vivement la mort de ses parents. C'était le genre de sujet sensible qu'il préférait éviter.

Ciryandil avait beau avoir assommé le maitre espion qui était en lui et l'avoir ligoté dans un coin, ce qu'il venait d'apprendre sur les parents de Loréalle l'intriguait. Impossible de faire autrement. Impossible de ne pas se demander qui étaient ses parents et par extension qui était Loréalle. Parce que malgré tout ses efforts, Ciryandil ne connaissait pas bien l'intendante du Mordor. Et il aurait aimé arranger ça. Il aurait aimé qu'elle s'ouvre... Oubliez cette phrase, vous qui lisez ce narratif. Il aurait aimé qu'elle se confie un peu plus à lui. Difficile d'alléger les tourments de quelqu'un sans le connaitre... Et sans l'aide d'une bonne bouteille, chose qu'il allait devoir corriger.

Dormeur? Sauron, répondit Ciryandil. Monsieur-je-fais-la-sieste. Sa grande majesté du mensonge, il doit sans doute mentir sur le temps qu'il dort -Ah non je vous jure que je n'ai dormi qu'une petite heure-, notre cher et feignant Annatar, alias Mairon, alias j'aime-me-trouver-des-noms. Bon, je l'aime bien hein, c'est un vieil ami. Mais pas au point de lui passer ses défauts.

Bref.

Scopalorectalien : une manière polie de dire que nos cher numénoréens noirs ont pour la plupart un balais dans le cul. Voir un placard pour les pires d'entre eux.

Pour finir, dieu* merci, non, je n'ai pas souvent des visions du popotin de Morgoth. Si encore je lui imaginais un petit cul bien moulé, ça ne me dérangerais pas... Fit l'elfe avec une moue mi sérieuse mi amusée telle qu'il était difficile de déterminer s'il plaisantait ou non.

Bon... Je viens bien y aller seul... Nom d'un valar à moumoute ça va être drôle dans les passages secrets avec une brouette... conclut Ciryandil avec un sourire ravis, comme l'enfant à qui on vient de donner un jouet alors que ce n'est ni son anniversaire, ni noël.


*Oui, dieu. Difficile dans un univers sans "dieux" de jurer. Oui, Ciryandil est athé. Difficile de voir des dieux dans les valars quand ils ont surtout l'air d'être des bourgeois bruyant et maladroits qui cassent tout sur leurs passages. "Oups j'ai mis une montagne dans votre living Room", "Ah mince j'aurais pas du mettre un océan ici?" "Oh je suis sûr que ça ne les dérangera pas une forêt obscurs dans laquelle on se perd jusqu'à l'éternité". D'ailleurs, je vous met au défi de trouver un athé qui jurerait par un "Nom d'un concept primitif et sans autre fondement que la foi!" lorsqu'il se cogne quelque Part. Et ouais.

Ciryandil n’avait pas mis très longtemps pour aller chercher les bouteilles. Il en avait pourtant beaucoup, et de bonne qualité de surcroit. Mais il ne s’était pas embêté à choisir trop de ses meilleurs crus. Parce que si c’est pour ne pas se souvenir du gout après, ça ne sert à rien de faire la fine gueule. Lorsque le maitre espion du Mordor réapparu, visage découvert, il avait le nez légèrement rougis et le son de bouteilles le suivait partout. Il faut dire que niveau bouteilles… Il en avait ramené quelques-unes.

Bon. Le mieux c’est sans doute de commencer par la tête.

Il avait sur le sommet du crâne une bouteille posée en équilibre, ainsi qu’une autre dans la bouche, qu’il tenait par le goulot, lui donnant un air de Rambo* des châteaux de la Loire (et plus spécifiquement des caves à vins de ces derniers). Trois bouteilles supplémentaires sous chaque bras, ainsi qu’une ceinture de bouteille tout autour du torses, attachées par ce qui semblait être un… harnais… D’escalade ? Prévu exprès pour ? Ok ça commence à devenir bizarre.

Ciryandil n’avait pas de bouteille dans les mains, pour la bonne raison qu’il trainait derrière lui une petite charrette (ou une grande brouette), remplie de bouteille, plus ou moins poussiéreuse.

« Me revoilà ! »  Ou plutôt : « MR RVLHHHN ! » déclara Ciryandil, à travers la bouteille qu’il avait dans la bouche.

Garant sa charrette en double file, entre le trône de l’intendante et le siens, il posa, en un clin d’œil, les autres bouteilles devant eux. Comment fit-il pour n’en casser aucune me direz-vous ? Et bien la réponse est simple : je ne sais pas. Considérez que Ciryandil avait un talent quasi surnaturel pour tout ce qui est absurde et légèrement ridicule. Après cela, il sortit de la charrette, en malmenant quelques bouteilles, un énorme morceau de saucisson et un énorme morc… En fait une meule de fromage, dans laquelle était planté un couteau. Ou une dague. Difficile à dire vu la tête de l'ustensile, visiblement conçu pour couper plus résistant qu'un simple fromage.

« J’ai aussi ramené de quoi béqueter. Un bon saucisson du Rohan et un morceau de fromage. Je sais plus comment ça s’appelle, mais ça vient de la Comté, alors je l’appelle le Comté. Ça accompagne bien l’alcool. »

*[HRP : Là, mon word m'a précisé qu'il y avait une faute à rambo. J'avais oublié la majuscule. Visiblement les américains y tiennent à Rambo ]