Visite d’un collègue ou d’un ami ? [PV Grim]

Près d’Onodrith. Voilà ce qu’avait dit Grim à propos du commerce que sa famille tenait. Et plusieurs mois après les événements d’Edoras, mon bras n’avait toujours pas retrouvé sa vigueur d’avant-guerre et je n’avais toujours pas oublié la proposition que m’avait faite l’éleveuse. Passer voir son écurie avec quelques juments. Bon… Je n’avais pas pris les juments avec moi, mais j’étais sur le chemin pour l’écurie familiale. Le plus compliqué restait à faire, trouver où cela se trouvait exactement. Onodrith n’était pas non plus une ville immense et j’imaginais que de nombreux commerces d’équidés avaient pris place tout autour de la cité. Je ne trouverai jamais seul, mais demander aux passants « Sauriez vous où je pourrais trouver l’écurie de la famille de Grim ? » me semblait quelque peu perdu d’avance. Je déambulais alors dans les rues d’Onodrith sur le dos de Iōkatsu, dans l’espoir de trouver une solution facile et rapide.

Après une bonne heure à vagabonder dans la ville, l’impatience finit par me prendre. Je me décidai alors à interroger le prochain marchand que je rencontrerai. Cela ne mit pas très longtemps à se réaliser. Dans une rue relativement fréquentée, je me retrouvais face à un commerce de bijoux, tout ce qu’il y avait de plus banal. Je descendis de ma monture, toujours les rênes en main, et le vendeur s’approcha de moi sans trop tarder.

- Bien le bonjour cher monsieur ! Auriez-vous été attiré par l’éclat d’un de mes bijoux ? Peut-être cette brillance aurait-elle accrochée votre regard ? C’est pour votre dame ?

A en croire le temps que le boutiquier avait mis à m’aborder et la tonne de question sous laquelle il me noyait, il ne devait malheureusement pas vendre très souvent. Je ne voulais pas briser tous ses espoirs mais il ne me semblait pas que Grim soit du genre à s’accoutrer de beaux bijoux reluisants. Et malgré mon manque évident de connaissances dans ce domaine, mon instinct de commerçant me criait de ne rien acheter ici.

- Non désolé. A vrai dire, je suis à la recherche d’une amie. Sa famille tient une écurie non loin d’ici. Peut-être pourriez vous me renseigner sur l’emplacement de cette fameuse écurie ?

Je n’en espérais pas trop venant de cet homme, mais il fallait voir l’espoir même là où il ne semblait pas y en avoir. Et dans le pire des cas, je n’aurais qu’à changer de commerce pour trouver la réponse que j’attendais. Je priais toutefois intérieurement pour qu’un ange arrive pour régler cette situation rapidement.

PNJ : (la soeur de) Grim


Sophie avait décidé d'aller fureter au marché d'Onodrith ce jour-là, à la recherche d'objets pour garnir la maison qu'elle habiterait bientôt avec son époux. Il ne restait que quelques jours avant le mariage aussi toute la famille était en ébullition, toute entière aux préparatifs. Pour sortir, Sophie s'était vêtue d'une jupe de lin brune et d'un chemisier blanc délicat qui laissait tout deviner de ses formes généreuses. La jeune femme avait longtemps déploré que la nature l'eût tant gâtée en abandonnant sa sœur aînée mais elle avait fini par s'y faire, d'autant que Grim n'en prenait nullement ombrage. Quant à elle, la jeune Sophie adorait noter la moindre similitude avec son aînée et lorsqu'on les voyait, on ne pouvait douter de leur lien de parenté tant il était évident. Lorsqu'elles étaient petites, on leur avait souvent demandé si elles étaient jumelles. Enfin... Grim s'était toujours fait passer pour un garçon, donc le terme exact était "jumeaux", mais Sophie n'aimait guère que sa sœur se travestisse et quoi qu'elle respectât son choix en public, l'espace privé de son esprit quant à lui ne s'embarrassait pas de telles considérations.

La jeune femme cherchait d'ailleurs quelque chose de très particulier pour son mariage : elle rêvait d'un peigne d'or incrusté de saphirs ou de quelque pierre bleu qui rappellerait joliment ses yeux et contrasterait avec le blanc de sa robe. Elle s'était donc décidée à rendre visite à son bijoutier préféré, situé dans l'une des artères principales d'Onodrith. L'endroit était tenu par un bonhomme affable mais hélas peu réputé, car il avait eu maille à partir avec la garde. On disait que c'était un voleur, ou parfois qu'il utilisait de fausses pierres. Sophie n'y croyait guère et passait régulièrement outre les racontars pour rendre visite au marchand. Tandis qu'elle approchait de l'échoppe, la jeune femme remarqua -une fois n'est pas coutume- que son bijoutier avait un client. Elle décida donc de sagement patienter pendant qu'ils discutaient et attendit son tour, debout à deux ou trois mètres des deux hommes, son panier plein de dentelle et de tissus dans les mains. Elle entendit par un heureux hasard dû à la soudaine baisse du volume sonore ambiant ce dont ils discutaient :

- Non désolé. A vrai dire, je suis à la recherche d’une amie. Sa famille tient une écurie non loin d’ici. Peut-être pourriez vous me renseigner sur l’emplacement de cette fameuse écurie ?

Il n'y avait que peu de femmes dans le domaine de l'élevage à proximité d'Onodrith, et je le savais fort bien pour avoir été courtisée ardemment par nombre de nos voisins. Je me permis donc d'intervenir, puisque j'en savais beaucoup sur la question et que le bijoutier semblait bien en peine de répondre :

"Il n'y a que peu de demoiselles parmi les éleveurs, monsieur. A part moi, qui suis la fille d'Edwin, il n'y que la famille d'Herbert qui dispose d'une fille, et il paraît qu'elle ne sort pas beaucoup... A moins que vous cherchiez une femme mariée ?"

Auquel cas le problème était tout autre. Cela dit je connaissais suffisamment bien les familles des environs pour pouvoir l'aiguiller avec un tout petit peu plus de détails.

pour se faire une idée de l'individu en question:

Comme je m'y attendais, le marchand ne me fut guère utile. En revanche, je n'avais pas vu venir la femme derrière moi qui prit part à la discussion. Il fallait croire que c'était mon jour de chance pour tomber sur une personne qui en savait autant sur le sujet. Toutefois, je fronçai les sourcils lorsque la dame m'annonça qu'il n'y avait que deux femmes dans les écuries alentours. Je savais que Grim cachait sa véritable identité de femme mais elle n'avait pas l'air d'être du genre à se cacher pour autant. Et pour autant que je la connaissais, il ne me semblait pas qu'elle était mariée.

Puis une lumière s'alluma dans ma tête, j'étais une des rares personnes à savoir son sexe. Les gens du coin ne devaient pas être au courant.

- Aurais-je dis "une amie" ? Ma langue a fourché désolé, je voulais dire "un ami". Il se prénomme Grim.

Je n'avais plus qu'à espérer que cette aimable dame connaisse Grim. Je n'avais d'ailleurs pas du tout fait attention à la nouvelle arrivante. Ce n'était qu'après avoir fini ma phrase que je notai son style particulier. Du moins pour une fille d'éleveur. Une jupe brune ainsi qu'un léger chemisier blanc. Le tout laissait deviner des formes généreuses qui devaient faire attirer bien des convoitises chez les jeunes hommes des environs. Il fallait dire que peu d'hommes auraient été insensibles face à un tel corps. Je ne faisais évidemment pas partie de ceux-là... Bien évidemment...

L'expression du jeune homme changea brutalement et sa réponse fit naître un terrible soupçon on fond de moi :

- Aurais-je dis "une amie" ? Ma langue a fourché désolé, je voulais dire "un ami". Il se prénomme Grim.

Ainsi, sa langue avait fourché, hm ? Cela m'aurait fort étonnée, d'autant qu'il n'avait ni accent particulier ni hésitation lorsqu'il parlait. Une telle coïncidence ne pouvait pas en être une. Grim. Etait. Demasquée. Un sourire fort satisfait s'étira sur mes lèvres à cette idée. J'avais toujours détesté la voir ainsi se travestir et devoir surveiller chacune de ses paroles et le moindre de ses gestes sans se permettre d'être simplement elle même avec quiconque de peur de laisser filtrer son secret. Même chez nous, depuis que Sigmund vivait là, elle ne pouvait être simplement... Elle. La possibilité qu'elle ait trouvé quelqu'un avec qui elle laisserait tomber le masque me satisfaisait pleinement. Un jour dans sa vie, peut être, pourrait-elle vivre simplement comme elle l'entendait.

"Ah, Grim. Dans ce cas c'est une toute autre affaire. Parce qu'il se trouve, voyageur, que c'est de mon frère que vous parlez."

Je laissai glisser un regard intéressé sur l'inconnu, cherchant à deviner la nature de leur relation. Il me semblait fort improbable qu'elle ait révélé son secret au premier péquenot venu et encore moins sans une bonne raison. Et plus improbable encore qu'elle lui ait indiqué où elle vivait. Par conséquent, il y avait là anguille sous roche, c'était évident. J'avais un flair indéniable pour ce genre de choses. J'espérais discerner dans le regard ou l'expression de ce jeune homme un petit quelque chose à me mettre sous la dent. Mais cela impliquait la plus grande attention, si bien que j'en oubliai ce qui m'avait amenée là au départ.

"Si vous le souhaitez vous pouvez me raccompagner à la maison, il doit être occupé à travailler avec un de ses jeunes, à cette heure. Du moins, il s'occupait des futurs chevaux de guerre lorsque je suis partie, il y a près d'une heure de cela."

Elle n'aimait guère cela, d'ailleurs. Les destriers n'étaient pas sa tasse de thé, car il fallait bien souvent les soumettre à des tas de choses qu'elle n'appréciait pas afin d'être sûrs qu'ils ne prendraient pas la fuite au moindre coup de canon ou ne s'effaroucheraient pas à la vue d'un orque ou de l'un de ces loups géants qu'ils chevauchaient. Elle leur préférait de loin les chevaux d'agrément et pouvait sans peine oublier le passage du temps en leur apprenant mille et un tours d'agrément. C'était d'ailleurs des plus intéressants à regarder.

"Mon fiancé devrait passer me chercher d'ici une heure environ. Mais si vous êtes pressé et que vous n'avez rien contre une passagère, je peux vous indiquer le chemin sans problème."

Sigmund prenait un grand plaisir à m'emmener et à venir me chercher avec sa charrette, aussi avais-je depuis plusieurs mois perdu l'habitude de venir par moi même. C'était moins pratique pour moi, mais l'expression de plaisir sur le visage de mon futur époux suffisait à me faire accepter cela avec le sourire.

L'inconnue fronça légèrement les sourcils, avant que son visage ne se décontracte presque automatiquement. Peut-être connaissait-elle Grim ? Vu le genre du personnage, cela m'aurait étonné. Les univers des deux femmes semblaient opposés. A moins que la femme soit une cliente de la famille de Grim.

"Ah, Grim. Dans ce cas c'est une toute autre affaire. Parce qu'il se trouve, voyageur, que c'est de mon frère que vous parlez."

Sa sœur donc. Ce n'était pas vraiment comme cela que j'imaginais la sœur de Grim. Sa famille n'avait pas l'air si terrible. Je m'étais imaginé un père dur, une mère ferme et des frères et sœurs méchants. La réalité était tout autre. Du moins pour l'instant. Cela signifiait que "l'inconnue" était au courant pour le secret de Grim et devait probablement se douter que je connaissais la vérité suite à mon lapsus. Devais-je lui dire la vérité ? Mais peut-être Grim préfèrerait-elle que je ne le dise pas ? Opter pour cette dernière option me paraissait être la meilleure chose à faire.

"Si vous le souhaitez vous pouvez me raccompagner à la maison, il doit être occupé à travailler avec un de ses jeunes, à cette heure. Du moins, il s'occupait des futurs chevaux de guerre lorsque je suis partie, il y a près d'une heure de cela. Mon fiancé devrait passer me chercher d'ici une heure environ. Mais si vous êtes pressé et que vous n'avez rien contre une passagère, je peux vous indiquer le chemin sans problème."

Effectivement, je pouvais difficilement tomber sur une meilleure personne pour m'amener jusqu'à Grim. C'était très aimable de sa part de proposer cela, mais je me voyais mal attendre une heure en sa compagnie. Non pas qu'elle semblait ennuyeuse ou peu fréquentable. Disons plutôt que je n'avais pas envie de passer un interrogatoire sur ma relation avec Grim. Mais je n'avais apparemment pas trop le choix.

Je n'étais pas particulièrement pressé, mais directement se diriger vers l'endroit où était Grim me semblait la meilleure idée. Et puis comme ça, je pourrais en savoir un peu plus sur la famille de Grim. Je me demandais comment s'était organisée la famille autour du secret de Grim. On ne peut pas changer d'identité sans qu'il n'y ait de conséquences dans l'entourage proche.

- Et bien c'est que je n'aimerais pas trop tarder. J'aimerais bien ne pas rentrer à Onodrith de nuit. Si cela ne vous dérange pas bien sûr. Cela nous permettrait de faire plus ample connaissance.

Après tout, elle n'avait pas l'air si méchante que ça. Et cela ne pouvait pas faire de mal d'apprendre à connaître du monde. Surtout dans une famille de marchands. Avec un peu de chance, cette rencontre favoriserait mon commerce. Même si c'était la dernière des choses dont je me préoccupais à ce moment précis.

Je tendis ma main à la sœur de Grim :

- Au fait, j'en ai oublié les politesses. Je me nomme Anskar Harald, ravi de faire votre rencontre.

Ma proposition sembla faire son petit chemin dans l'esprit de mon interlocuteur. Je n'avais personnellement rien contre la perspective de pouvoir assouvir ma curiosité quant à cet inconnu qui avait si facilement su piquer ma curiosité.

- Et bien c'est que je n'aimerais pas trop tarder. J'aimerais bien ne pas rentrer à Onodrith de nuit. Si cela ne vous dérange pas bien sûr. Cela nous permettrait de faire plus ample connaissance.
-Bien sûr, sans problème. Je ne vous l'aurais pas proposé dans le cas contraire."

Je lui adressai un doux sourire engageant, désirant le mettre à l'aise. Cela ne devait pas être évident pour lui, comme situation, et je me demandais déjà ce qui pouvait bien l'amener ici. Il n'était manifestement pas venu fournir des bêtes à Grim, puisqu'il n'y avait aucun convoi en vue. Une visite de courtoisie, alors ? La curiosité me rongeait mais il fallait bien que je modère mes instincts pour éviter d'effrayer cet homme dont j'ignorais tout. Il me tendit la main et je la serrai à la façon des commerçants de la région. Bien que je n'entretienne pas moi même l'affaire familiale, j'avais tout de même été éduquée afin d'être à même de le faire si besoin était...

- Au fait, j'en ai oublié les politesses. Je me nomme Anskar Harald, ravi de faire votre rencontre.
-Enchantée, Anskar. Je suis Sophie, fille d'Edwin."

Il n'y avait guère de noms de famille parmi les éleveurs de la région, et cela couplé à l'apparence quelque peu inhabituelle du jeune homme me porta à penser qu'il était probablement originaire d'assez loin. Mon imagination me portait déjà à croire qu'il avait traversé tout le pays dans le seul but de voir ma sœur et -qui sait ?- de la courtiser, et je me perdis quelques secondes dans mes pensées. Ce serait vraiment formidable. Je ne comprenais pas le plaisir qu'elle pouvait trouver à être seule aussi souvent et de la compagnie ne pourrait lui faire que du bien, à mon humble avis. Les présentations ainsi bouclées dans les règles, nous nous mîmes en route. Il ne fallut guère plus de deux minutes pour que ma curiosité reprenne le dessus :

"C'est assez inattendu de rencontrer quelqu'un qui soit à la recherche de Grim. C'est encore plus rare de l'entendre mentionner des connaissances, et encore moins des amis. Je suppose que c'est la raison pour laquelle je n'ai guère entendu parler de vous... Comment vous êtes vous rencontrés ?"

Le plus souvent, j'évitais d'utiliser des pronoms en parlant d'elle, car cela me mettait mal à l'aise. Mais cette fois, je le faisais à dessein : j'avais envie de voir si mon interlocuteur allait trahir sa connaissance du secret de ma sœur en laissant échapper un mot ou une expression. Je m'imaginais déjà des circonstances romantiques à souhait, mais je ne pouvais deviner qu'en réalité leur relation était nettement plus complexe que je l'espérais. En réalité, elle avait parlé de nombre de gens, récemment, mais rien qui ait pu me mettre la puce à l'oreille.

Une fois que nous nous étions mis d'accord pour partir sans trop tarder, nous nous dirigeâmes vers l'écurie afin de prendre Iōkatsu. Dès lors que la jeune femme fut installée, nous pûmes prendre le chemin de l'écurie familiale. Le temps était un peu humide, la pluie était tombée la nuit dernière si bien que le sol était encore un peu boueux. Le ciel était parsemé de quelques nuages grisâtres qui empêchaient parfois les rayons du soleil de percer. En somme, l'atmosphère était sensé être relativement morose. Pourtant, la femme blonde ne bronchait pas et restait tout sourire. Il ne fallut d'ailleurs pas longtemps avant qu'elle se mette à poser des questions sur la relation qui me liait à Grim. Voilà peut-être la raison qui la rendait si joyeuse : savoir que sa sœur allait recevoir de la compagnie et possédait des amis. Et j'imaginais par la même occasion qu'elle espérait notre rencontre romantique à souhait. Mais bon, je n'en étais pas à ma première fois avec ce genre de questions sottes. J'arborais alors un sourire léger, bien qu'elle ne puisse pas le voir.

- Effectivement, Grim n'a pas l'air d'être du genre à beaucoup parler. Toutefois, la journée de notre rencontre était loin d'être banale. Enfin surtout la soirée. Cela fait déjà plusieurs mois que nous nous sommes vus. C'était à Edoras, alors que nous étions tous deux à la recherche de chevaux pour nos élevages respectifs. Si je me souviens bien, elle venait de vendre des bêtes à la famille royale.

Je marquai une pause après avoir remarqué que j'avais utilisé le pronom féminin. Je me mordis rapidement la lèvre, embarrassé. De toute manière, sa famille aurait un jour ou l'autre su que j'étais au courant, donc autant continuer ainsi. Je repris donc.

- J'avais aperçu ce jeune homme qui jetais un coup d’œil sur quelques braves chevaux. Sous l'amusement, je m'étais lancé en défi de voir jusqu'où il était capable d'aller pour se les approprier. C'était sans dire que ses qualités dans cet art n'étaient pas des moindres. Et au cours de cette bataille factice, les souvenirs d'une fête à Edoras me sont revenus en tête. Une fête durant laquelle ce gracieux garçon portait une magnifique robe et ne semblait pas être l'homme qui se tenait en face de moi. Je fus surpris de reconnaître là le même personnage. Je lui ai finalement laissé les chevaux qui l'intéressait. De toute manière, que pouvais-je faire face à une bourse si bien remplie par la famille royale ?

Au moins, j'avais clairement fait comprendre que j'étais au courant du secret de Grim. Bien que je ne pusse voir le visage de sa soeur, je me doutais bien qu'elle devait être surprise. Comme elle l'avait dit avant, Grim ne parlait pas beaucoup aux gens, et elle cachait bien sa véritable identité, si bien que peu de personnes devaient être au courant de cela. Si je ne m'étais pas souvenu de Grim à cette fête, je n'aurais jamais découvert par moi-même qu'elle n'était pas un garçon. Elle n'était pas non plus très masculine, mais elle savait rentrer dans ce rôle. Du moins quand elle n'était pas en robe de chambre.

Le temps que je raconte cette histoire, le ciel s'était éclairci. Les nuages avaient fui vers le nord. Ma famille aura sûrement à faire face à cette averse d'ici un ou deux jours selon le vent. Cela faisait un moment que je n'étais pas allé les voir. Peut-être irais-je les voir à mon retour. Jonas avait dû beaucoup s'occuper de l'écurie suite à mon aventure à Edoras et à ma blessure au bras. Je lui faisais confiance, du moins je n'avais rien vu de catastrophique à mon retour, et cela lui servait à apprendre la vie et le métier. Il avait même rencontré des soldats elfes selon ses dires. Comme quoi, la vie n'était pas si calme que cela en ce moment.

Je sortis de mes pensées lorsque la jeune femme prit la parole. J'imaginais qu'elle espérait une histoire un peu plus romantique. Cependant, elle n'avait pas entendu toute l'histoire et serait sûrement contente d'en connaître la suite.

La réponse ne fut pas tout à fait celle que j'attendais.

- Effectivement, Grim n'a pas l'air d'être du genre à beaucoup parler. Toutefois, la journée de notre rencontre était loin d'être banale. Enfin surtout la soirée. Cela fait déjà plusieurs mois que nous nous sommes vus. C'était à Edoras, alors que nous étions tous deux à la recherche de chevaux pour nos élevages respectifs. Si je me souviens bien, elle venait de vendre des bêtes à la famille royale.

J'aurais pu soupirer de déception d'apprendre qu'il s'agissait d'une banale rencontre entre collègue, si le mot "elle" n'avait pas attiré mon attention. C'était indubitable, je ne me trompais pas : il avait bien parlé de ma sœur au féminin. Un léger sourire mutin se peignit sur mes lèvres à cette idée : voilà un détail qui contrebalançait aisément la banalité de leur rencontre. Bon, cela ne valait pas le scénario romantique que j'avais espéré, mais c'était tout de même un début prometteur.

- J'avais aperçu ce jeune homme qui jetais un coup d’œil sur quelques braves chevaux. Sous l'amusement, je m'étais lancé en défi de voir jusqu'où il était capable d'aller pour se les approprier. C'était sans dire que ses qualités dans cet art n'étaient pas des moindres. Et au cours de cette bataille factice, les souvenirs d'une fête à Edoras me sont revenus en tête. Une fête durant laquelle ce gracieux garçon portait une magnifique robe et ne semblait pas être l'homme qui se tenait en face de moi. Je fus surpris de reconnaître là le même personnage. Je lui ai finalement laissé les chevaux qui l'intéressait. De toute manière, que pouvais-je faire face à une bourse si bien remplie par la famille royale ?

La fête. Il n'y en avait qu'une à laquelle Grim ait jamais assisté en robe et ce souvenir me fit pouffer de rire. Je me rappelais particulièrement bien de sa mine déconfite, de son supplice lorsqu'on lui avait dit qu'elle devrait porter la même tenue pendant plusieurs heures d'affilée. Il avait fallu toute l'habileté de mon père et la capacité de négociation de notre mère pour la convaincre d'enfiler des chaussons de danse... Qu'elle avait finalement abandonnés dans un fossé à mi chemin du bal pour enfiler ses affreuses bottes en cuir. Heureusement, cachées sous sa robe, personne n'avait remarqué cet étrange accoutrement. La question des chevaux vendus au roi ne m'intéressait pas vraiment, pour tout dire, mais il eut été impoli d'y couper court afin d'en entendre davantage sur le sujet qui m'intéressait.

Je fus éminemment satisfaite lorsque l'averse fut passée : ma coiffure trempée ressemblait à présent à une vieille serpillière et j'étais certaine que Grim m'en ferait la remarque une fois rentrée. Tous les prétextes étaient bons pour qu'elle se moque des tenues un tant soit peu féminines et j'étais convaincue que sa mésaventure au bal y était pour quelque chose...

"Eh bien, voilà qui n'a pas dû beaucoup lui plaire. Elle a dû être bien déçue en constatant que son stratagème ne fonctionnait pas ! Elle qui se complaît dans la perspective de garder l'univers tout entier dans l'illusion... Je parie qu'elle s'est énervée aussitôt que le pot aux roses à été dévoilé, n'est-ce pas ?"

C'était tout à fait son genre. S'irriter d'un rien et se vexer aussitôt que son secret est ébruité... Ma mère parlait parfois avec effroi du jour où la communauté toute entière découvrirait ce qu'il en est et que la fureur de ma sœur s'abattrait sur la région avec la force d'un dragon à qui l'on a dérobé son trésor. Pour ma part, j'hésitais encore : tenterait-elle de rattraper le coup, fuirait-elle ou passerait-elle sa colère sur le premier innocent qui aurait le malheur de s'adresser à elle au féminin ?

Les paris étaient lancés.

Peu de personnes devaient connaître Grim, ses habitudes, sa manière de penser et d'agir. Si bien que je fus presque étonné que sa sœur la connaissait autant. On ne sait jamais ce qu'une personne peut cacher aux autres, à quel point elle se renferme sur elle-même. Par chance, la sphère familiale de Grim avait l'air au courant de tout. Enfin pas totalement puisque sa sœur n'avait jamais entendu parler de moi, l'homme à qui elle avait sauvé la vie. Mais bon, tout le monde qui connaissait le secret de Grim devait se douter qu'elle fut énervée lorsque je découvris ce dernier.

- Oh en effet, j'ai rarement vu des femmes plus agacées que Grim lorsque je lui ai révélé connaître son secret. Elle pensait d'ailleurs que je lui laissais les chevaux uniquement en raison de son sexe, alors que ma bourse ne me le permettait tout simplement pas. On sent qu'elle peut être têtue quand elle le veut. De toute manière, pour agir comme elle le fait, il faut forcément un caractère fort.

Je souris légèrement.

- Même s'il est bien connu que les personnes qui paraissent les plus fermées sont celles qui renferment les cœurs les plus tendres. J'ai même cru apercevoir cela de la part de Grim quelques jours plus tard.

Cette dernière phrase n'avait pas été dite à voix haute, mais plutôt murmurée, comme si mon esprit avait dit ça sans que mon corps ne s'en rende lui-même compte. Il faut dire qu'en deux rencontres, Grim m'avait montré deux faces de sa personnalité complètement différentes. Et cela aurait perturbé même le plus impassible des humains. Rentrer rapidement dans l'intimité d'une personne est généralement déstabilisant car on n'y est pas préparé. Et même si je n'avais pas violer l'intimité de Grim à proprement parler, je n'étais pas préparé à ce que j'avais vu. La voir aussi... déconfite n'avait pas été sans effet. Voir tout ce sang l'avait chamboulée, et la voir tant chamboulée m'avait moi-même bousculé. J'étais plutôt mature, responsable et je savais quoi faire dans les situations urgentes avec mes chevaux. Mais face à la situation de l'auberge, je n'avais su trouver les bons mots, ni les bons gestes pour la rassurer.  Je crois que je m'en voulais.

Perdu dans mes pensées, un déclic dans tête me stressa instantanément.

- Euh on est toujours sur la bonne route rassure moi ?? J'ai toujours continué tout droit sans trop prêter attention au chemin.

Concentrés par la discussion et les souvenirs, il ne m'aurait pas étonné que nous ayons raté une intersection. Il fallait que je m'assure que nous soyons toujours sur le droit chemin. Evitons les détours le plus possible, je n'avais hélas pas trois jours devant moi pour rendre visite à Grim.

La réaction de mon interlocuteur ne se fit pas attendre :

- Oh en effet, j'ai rarement vu des femmes plus agacées que Grim lorsque je lui ai révélé connaître son secret. Elle pensait d'ailleurs que je lui laissais les chevaux uniquement en raison de son sexe, alors que ma bourse ne me le permettait tout simplement pas. On sent qu'elle peut être têtue quand elle le veut. De toute manière, pour agir comme elle le fait, il faut forcément un caractère fort.

C'était assez vrai. Cela dit, bien que je ne sois pas d'accord avec sa façon d'être, je comprenais pourquoi elle se faisait passer pour un homme. Il m'était arrivé plusieurs fois de me faire offrir des chevaux par des soupirants transis qui souhaitaient de faire une place dans la sphère familiale. En tant que femme, on vous désignait souvent en tant que "la fille de..." ou bien "la femme de..." et jamais pour vous même. D'ailleurs, la majorité du voisinage masculin ignorait probablement mon prénom, tandis que tout le monde connaissait Grim pour elle même.

- Même s'il est bien connu que les personnes qui paraissent les plus fermées sont celles qui renferment les cœurs les plus tendres. J'ai même cru apercevoir cela de la part de Grim quelques jours plus tard.
-Grim, le coeur tendre ? m'étonnai-je un peu vivement alors que mon interlocuteur semblait avoir dit ça pour lui même plutôt que pour moi. Elle a le cuir tellement épais qu'on ne pourrait même pas en faire une selle. Je n'ai pas souvenir de l'avoir vue pleurer depuis... Oh, une bonne quinzaine d'années."

J'étais tellement surprise que cela devait se lire sur mon visage. Ma soeur était probablement la personne la plus dure que je connaisse. Quant à son coeur, j'avais la conviction qu'il devait être tellement difficile à toucher qu'elle finirait seule avec une harde des seules créatures à trouver grâce à son coeur : ses chevaux. Oh bien sûr elle jouait une comédie de bourreau des coeur suffisamment convaincante pour qu'une belle partie de la population féminine chuchote à voix basse sur son passage, mais ce n'était qu'un jeu. Un rôle, pour être exacte : elle n'en pensait pas un mot et de cela j'étais certaine. Mis à part pour des histoires de familles, elle ne s'émouvait virtuellement jamais. Même ses protégés ne l'émouvaient qu'à peine. Son étalon, peut être. Oui, celui ci était la prunelle de ses yeux, mais je n'avais pas remarqué qu'il fût blessé lors de cette visite à la capitale. Par conséquent, qu'est-ce qui avait bien pu la chambouler au point que l'on dise d'elle qu'elle avait le coeur tendre ? Je l'avais vue chasser et égorger un lapin sans sourciller, ce dont j'aurais été moi même incapable. Alors, quoi ? Voilà que la conversation prenait un tournant inattendu et je me pris à espérer d'en apprendre davantage. Le sujet dévia soudain, mais ce n'était que partie remise :

- Euh on est toujours sur la bonne route rassure moi ?? J'ai toujours continué tout droit sans trop prêter attention au chemin.
-Oui oui, ne vous inquiétez pas. C'est tout droit, vous ne pourrez pas le rater. De toute façon vous entendrez les sifflements de Grim et les explosions entre une et trois lieue avant qu'on n'arrive."

C'était toujours comme ça quand elle dressait des destriers. Elle faisait un maximum de boucan et s'arrangeait pour qu'ils apprennent à rester impassibles dans les situations les plus improbables. Elle avait d'ailleurs acheté de la poudre à canon d'Erebor pour pouvoir les habituer aux explosions et c'était une des raisons qui m'avait poussée à quitter la maison ce jour là et pas un autre : trop de bruit nuisait à ma tranquillité d'esprit. Je n'étais certes pas pressée d'entendre à nouveau les détonations, mais j'avais bon espoir que son visiteur la distraie de ce travail ingrat, au moins pour un ou deux jours.

"Comme ça elle vous a paru avoir le coeur tendre, hein ? C'est la meilleure de l'année. Pardonnez ma curiosité, mais que c'est il passé ? Elle n'en a presque pas parlé, elle s'est contentée de signaler d'un ton laconique qu'il y avait eu une attaque sur la ville pendant qu'elle y était, mais que ni elle ni les chevaux n'avaient été blessés."

Cela n'avait par conséquent soulevé aucune interrogation, car s'il n'y avait rien à en dire eh bien... De toute façon, elle n'aurait rien d'intéressant à raconter. Sans vraiment laisser au jeune homme le temps de répondre, j'ajoutai :

"C'est tout de même incroyable qu'elle soit aussi secrète. Je veux dire, à part les évidence on ne sait jamais rien d'intéressant sur elle. J'ai toujours cru que c'était parce qu'il n'y avait effectivement rien d'intéressant dans sa vie, mais si elle nous cache les choses importantes, alors... Qui sait ce qu'elle peut avoir caché d'autre ? Un de ces jours elle disparaîtra dans la nuit avec son cheptel et elle ne nous en aura même pas soufflé mot. Je sais bien qu'elle a besoin d'avoir son intimité, tout ça... Mais quand même..."

En fait, je ne savais pas si j'étais plus en colère ou déçue qu'elle n'ait pas parlé plus avant ni de cette attaque, ni de ce jeune homme qui venait à présent la voir. Pour ce que j'en savais, elle n'avait pas d'intérêt pour grand monde... Et pourtant, voilà qu'un inconnu débarquait de nulle part, vraisemblablement au courant de choses dont j'ignorais tout moi même. Au point où on en était, il aurait aussi bien pu m'annoncer qu'ils allaient s'enfuir ensemble pour se marier au mordor que je n'en aurais pas été plus étonnée.

Des... explosions ? J'avais bien ouïe dire que certains éleveurs entraînaient leurs chevaux à ignorer le bruit et le chaos des champs de bataille, mais des explosions ? Rien que ça ? Après tout, Grim semblait avoir son propre caractère. Essayer de la comprendre était contre-intuitif. Même pour les membres de sa famille. En effet, l'histoire d'Edoras n'avait pas l'air d'avoir atteint les oreilles de la famille de Grim. Du moins pas les détails. Et dire que des araignées géantes avaient attaqué la ville était loin d'être suffisant pour expliquer ce qu'il s'était réellement passé ce soir là.

Des gerbes de sang, de pus, Grim qui me sauve, mon bras qui se broie entre les mandibules de la bête. Bien que ces images m'avaient marqué, je l'avais clairement mieux vécu que Grim. Du moins émotionnellement. Mon humérus s'était brisé, mais ce que Grim avait perdu était bien plus précieux qu'un bras. J'avais rarement vu un regard si vague, perdu à ce point dans des souvenirs traumatisants. Grim était une femme déjà de nature réservée, j'avais peur que ces évènements n'aient empiré sa situation. Il ne m'aurait pas étonné qu'elle se renferme sur elle-même et ne s'occupe plus que de ses chevaux. En toute honnêteté, la condition de Grim n'allait rien changer à ma vie. Si jamais elle souhaitait rester seule et ne plus parler à personne, il fallait l'admettre, ça me ferait une belle jambe. Mais sans trop savoir pourquoi, j'espérais qu'elle allait bien. Après tout, face à une personne à ce point enfermée dans la solitude, je ne pouvais pas simplement passer mon chemin.

"C'est tout de même incroyable qu'elle soit aussi secrète. Je veux dire, à part les évidence on ne sait jamais rien d'intéressant sur elle. J'ai toujours cru que c'était parce qu'il n'y avait effectivement rien d'intéressant dans sa vie, mais si elle nous cache les choses importantes, alors... Qui sait ce qu'elle peut avoir caché d'autre ? Un de ces jours elle disparaîtra dans la nuit avec son cheptel et elle ne nous en aura même pas soufflé mot. Je sais bien qu'elle a besoin d'avoir son intimité, tout ça... Mais quand même..."

Je soupirai légèrement.

- Vous savez... Ça ne m'aurait pas dérangé le moins du monde de vous raconter ce qu'il s'est passé. Mais je pense sincèrement que ce n'est pas à moi de décider de cela. Si Grim n'a pas souhaité vous en parler, alors il vaut peut-être mieux que je respecte son silence.

Je marquai une légère pause. En effet, Grim ne semblait pas du genre à se confier. Mais n'importe qui aurait du mal à partager un souvenir aussi marquant. Je préférais d'abord en parler avec elle avant de m'expliquer avec les membres de sa famille.

- Si vous voulez mon avis, je pense que vous avez raison, la vie de Grim n'est pas très passionnante. Il semble normal qu'elle n'ait rien à raconter à son propos. Elle ne semble toutefois pas avoir trop de mal à parler, du moins quand elle parle d'affaires. Je pense que vous devriez prendre son silence au sérieux. Si elle ne vous partage pas ce genre d'évènement, ce n'est peut-être pas qu'elle ne veut pas en parler, mais plutôt qu'elle n'y arrive pas. Enfin je ne suis pas dans sa tête, ce n'est en rien une certitude.

Mieux valait prendre ses précautions. Si la propre famille de Grim venait à penser de la sorte, je craignais les conséquences qu'il aurait pu y avoir sur son moral. Ce dernier tenait sûrement déjà à un fil.

Pnj : sophie


Je fus un peu déçue de la réponse que le jeune homme m'apporta :

- Vous savez... Ça ne m'aurait pas dérangé le moins du monde de vous raconter ce qu'il s'est passé. Mais je pense sincèrement que ce n'est pas à moi de décider de cela. Si Grim n'a pas souhaité vous en parler, alors il vaut peut-être mieux que je respecte son silence.

Je comprenais son sentiment mais... C'était tellement frustrant ! Je manquais cruellement de détails sur... Eh bien, à peu près tout. Étant moi même d'une nature gaie et ouverte je ne parvenais pas à comprendre pourquoi elle préférait tout garder pour elle. 

- Si vous voulez mon avis, je pense que vous avez raison, la vie de Grim n'est pas très passionnante. Il semble normal qu'elle n'ait rien à raconter à son propos. Elle ne semble toutefois pas avoir trop de mal à parler, du moins quand elle parle d'affaires. Je pense que vous devriez prendre son silence au sérieux. Si elle ne vous partage pas ce genre d'évènement, ce n'est peut-être pas qu'elle ne veut pas en parler, mais plutôt qu'elle n'y arrive pas. Enfin je ne suis pas dans sa tête, ce n'est en rien une certitude.

Une expression de stupeur se figea sur mon visage. Il avait peut être raison. Elle faisait encore moins de choses qu'avant. Travail, travail, travail. Il n'y avait déjà pas grand chose à dire de son existence avant, mais c'était de pire en pire. Et si ça cachait quelque chose ? Et si elle était traumatisée ? Le reste du trajet se perdit dans un silence causé par mes profondes réflexions. Je ne parvenais pas à réfléchir à un moyen de la sortir de sa coquille. Si je la brusquais, elle se rebifferait et ne me parlerait plus du tout. Si j'y allais trop délicatement, elle m'ignorer air probablement. Je n'étais pas précisément du genre à y aller avec le dos de la cuillère... Peut être que notre père y parviendrait mieux ? Ou bien... Le fait qu'il s'y intéresse l'offenserait. Possible également.

'' Dites... Vous pourriez essayer de... Je ne sais pas... De prendre la température ? Peut être que comme vous avez vécu ça ensemble ça sera plus facile pour elle ? Je suis presque sûre que je ferais empirer les choses si je lui parle. Elle a horreur d'avoir l'air fragile, vous savez. ''

C'était d'ailleurs complètement idiot mais ça allait bien avec son personnage fictif. Je n'eus pas tellement le temps d'aller plus avant, car notre propriété arrivait enfin en vue. Un gros '' boum'' souligna mes dires quant aux expériences explosives de ma sœur. Un léger nuage de fumée se dégageait d'un corral que je désignai au visiteur :

"Elle est la bas, d'après le boucan. Je vais prévenir notre père que nous avons de la visite, je pense qu'il insistera pour vous garder à dîner. Les connaissances personnelles de Grimehilde sont rares.''



Pnj : Grim


J'avais passé une bonne partie de ma journée à entraîner de gros destriers à rester stoïques dans diverses situations délicates. J'avais bien vite senti le filon, car la guerre était monnaie courante récemment. J'avais entendu parler des armes de guerre naines et j'avais pensé que des chevaux capables de guerrier y compris en présence d'explosions seraient un formidable atout pour n'importe quelle armée. Ce n'était peut être pas très utile au fin fond du Rohan, mais d'autres pourraient être intéressés. J'avais donc sélectionné cinq bêtes d'excellentes lignées afin de tâter le terrain. Trois étalons et deux juments particulièrement bien bâties, qui promettaient de devenir littéralement des bêtes de guerre. Quatre des chevaux réagissant fort bien a mon in sensibilisation, mais le dernier, un étalon bai particulièrement ombrageux, ne cessait de ruer en tous sens à chaque détonation. Je l'avais donc pris à part afin de travailler sur la question.

Juchée sur son dos, j'avais résolu de m'adonner à une petite session de rodéo. Bien que l'animal ait une confiance en moi à toute épreuve après avoir littéralement grandi en ma présence, il prenait toujours la mouche. Il importait donc de le rassurer par ma présence immédiate et de lui faire comprendre qu'il ne lui arriverait rien de fâcheux. Désolidariser le bruit et la peur, voilà en quoi résidait mon travail du jour. J'avais installé un vieux canon branlant dans un coin, affublé d'une mèche suffisamment longue pour me permettre de remonter en selle après l'avoir allumé. Il était chargé uniquement de poudre et d'une motte de terre herbeuse, histoire de donner l'impression que des petits morceaux de projectiles pleuvaient autour de nous.

Quand la détonation se produisit, l'animal réagit légèrement moins violemment qu'avant, probablement apaisé par la pression de mes genoux sur ses flancs, mais ils se mit tout de même à ruer comme un beau diable. Il en fallait cependant bien plus pour m'impressionner et je réussis à me maintenir en selle tout au long de son moment d'éclat.