Quête triviale : le triste sort d'Alasdair (Maedhros) [fini]

La réponse de l'étranger à mon introduction me laissait à penser qu'il avait su voir bien des batailles et bien des tentatives semblables échouer au cours des siècles... 

– La diplomatie pure est rarement efficace.

Il avait raison, mais j'avais fait de mon mieux pour essayer. Nous étions si peu nombreux, après de longues périodes à servir de paillassons à nos voisins (quand ils ne nous chassaient pas pour le sport) que j'aurais voulu éviter de réduire encore notre nombre, de façon tout à fait inutile selon moi. Les questions clanique à Dun étaient si ancrées dans notre sang que j'étais certain qu'il s'agissait plus d'une obstination par principe que d'une attitude tellement réfléchie. Le vieux grigou se serait probablement rebiffé contre mon autorité même s'il était encore le seul debout. Ses hommes, par contre, seraient probablement plus faciles à convaincre avec un peu de poudre aux yeux... 


'' Régler ce genre de conflit rapidement permet ensuite de se concentrer sur des problèmes plus importants. Si je peux vous y aider, je serai ravi de le faire, vous pouvez en être assuré. Il est aussi possible que mon frère vienne me rejoindre, même si j’ignore si ce sera avant cette bataille. Nous avons l’habitude de combattre ensemble.'' 

Ainsi, il avait un frère également. Il comprenait certainement fort bien les liens qui m'unissaient avec Alasdair, dans ce cas. L'idée d'avoir un combattant aguerri supplémentaire de mon côté n'était pas pour me déplaire, je devais bien l'avouer. 

'' Il sait se battre aussi. Et n’a rien contre coopérer avec des Humains. Pour quand prévoyez-vous cela ?
-Je ne vois aucune objection à la participation de votre frère. J'ai d'ores et déjà fait parvenir une missive aux nains de Khazad Dum, je prévois de partir d'ici une lune. Je vous avoue que j'ai pour but premier d'impressionner l'adversaire par des troupes très nettement supérieures aux siennes, en nombre comme en équipement.''

Il n'y avait aucun risque à lui expliquer mon plan : même si celui ci venait à fuite, il n'y aurait rien que l'ennemi ne puisse faire pour nous contrer.

'' Nous sommes moins nombreux que jadis, nous autres Hommes de Dun. Mon intérêt en unifiant le pays était de le faire prospérer et de donner une chance à mon peuple d'avoir une meilleure vie. Cela n'a plus de sens si je me contente d'écraser purement et simplement mon adversaire. Une bataille ouverte dans le sang et la violence réduirait encore nos effectifs... A quoi bon être unis si nous sommes voués à disparaître en tant que peuple ? Non, si nous voulons rester forts et tirer notre épingle du jeu politique, il est important que le peuple se plié de lui même devant moi. Ainsi, seulement, nous pourrons espérer redevenir une grande nation, comme aux temps jadis.''

C'était une certitude depuis que j'avais décidé de prendre la mainmise sur tous les clans de Dun : l'éradication pure et simple de l'un ou de l'autre mènerait immanquablement à notre perte à tous. Chacune des spécificités régionales, des coutumes claniques, des histoires de vieilles femmes murmuré es au coin des feux, chacune de ces choses méritait d'être préservée afin de garder l'identité de chacun. Pour cela, si la diplomatie n'était pas une solution, j'aurais recours à l'intimidation. J'espérais ne pas avoir besoin de trancher dans les rangs de nos frères, mais je m'y résoudrait si je n'avais pas d'autre choix. Une fois ce clan rallié à ma cause, le dernier se soumettrai également sans sourciller : il ne pourrait plus entretenir de neutralité comme à l'heure actuelle. Et enfin... Enfin, nous serions unis à nouveau.

'' Je projette d'utiliser les formidables techniques de guerre des nains pour impressionner l'ennemi. Avec un peu de chance, ses hommes reculer ont et il devra bien se résoudre à entamer des pourparlers. J'espère faire jouer une ancienne règle de tournois, visant à départager deux adversaires de force égale : le duel à mort. Lui, contre moi. S'il refuse, il sera ridiculisé et déshonoré et ses hommes refuseront de lui obéir. S'il perd, son clan s'unira à mon royaume. Et s'il vainc... Eh bien, cela m'étonnerait qu'il y parvienne mais si c'était le cas, alors mon royaume deviendrait le sien.''

Nous faisions rarement les choses à moitié, à Dun. Cela permettait généralement de régler rapidement les problèmes, à moins que l'un des deux partis se débrouille toujours pour esquiver habilement l'affrontement. La menace des nains, cette fois ci, allait cependant jouer en ma faveur... Sans oublier que j'avais acquis un bout de terrain tout autour du territoire ennemi, ce qui me permettrait de l'encercler sans peine. Ce rat était fait.

"Il faudra probablement quelques escarmouches avant d'impressionner qui que ce soit, cela dit. Je compte sur vous pour vous tenir avec moi en avant garde, si cela vus convient.''

Une lune, donc, très bien… Cela laissera bien assez de temps à Maglor s’il voulait le rejoindre, même si son aîné ne doutait de toute façon pas qu’il le fasse. Qu’il y ait une bataille ou non, maintenant, ça dépendra de l’humeur du camp d’en face. Ce genre de stratégie pouvait très bien effectivement intimider votre adversaire mais aussi provoquer l’effet totalement inverse. Le gonfler de l’énergie du désespoir, de la colère, le pousser dans un dernier baroud d’honneur, et donc en arriver à se retrouver avec des adversaires bien plus motivés sur les bras qu’initialement. Quelqu’un qui n’a plus rien à perdre peut très bien choisir de mourir armes à la main plutôt que se rendre, tout dépendait de comment ils voyaient ce genre de chose. Maedhros sourit légèrement, écoutant le roi avec cette fois bien plus d’intérêt quand il mentionna préférer cette méthode car il ne souhaitait pas en arriver à une éradication totale de ses adversaires, sans plus s’en soucier. Ils avaient donc là un homme de scrupules, tiens donc ! C’était toujours agréable à rencontrer. Il comprenait mieux sa première approche, avec son frère comme émissaire, quand bien même ce type d’approche avait toujours très peu de chance de fonctionner. Si les gars d’en face ne voulaient absolument pas discuter, après tout.

– Je projette d'utiliser les formidables techniques de guerre des nains pour impressionner l'ennemi. Avec un peu de chance, ses hommes reculer ont et il devra bien se résoudre à entamer des pourparlers. J'espère faire jouer une ancienne règle de tournois, visant à départager deux adversaires de force égale : le duel à mort. Lui, contre moi. S'il refuse, il sera ridiculisé et déshonoré et ses hommes refuseront de lui obéir. S'il perd, son clan s'unira à mon royaume. Et s'il vainc... Eh bien, cela m'étonnerait qu'il y parvienne mais si c'était le cas, alors mon royaume deviendrait le sien.

Quoi ? Ils faisaient ça, les Humains, maintenant ? Ce n’était pas un peu dangereux ? Ou trop radical ? Il retint d’extrême justesse une remarque, pinçant un peu les lèvres. Dans le cas où il perdait, il laissera son royaume, et donc tous les habitants, à un abruti… Pas fameux, comme projet. Enfin, Maedhros ne connaissait pas le chef des Caterans, mais au vu du niveau de ses hommes, ça ne lui laissait pas supposer que ce type était une lumière.

– Il faudra probablement quelques escarmouches avant d'impressionner qui que ce soit, cela dit. Je compte sur vous pour vous tenir avec moi en avant garde, si cela vous convient.

– Bien sûr, ça me rappellera notre jeunesse.

La guerre avait beau être un drame, il fallait bien reconnaître que la flambée d’adrénaline venant vous prendre à chaque combat, petit ou grand, était comme une drogue incroyable, qui n’avait pas d’égal dans ce monde. Il ne connaissait rien d’autre qui vous donne un tel coup au cœur et vous fasse vous sentir si vivant. Il mentirait s’il disait qu’il n’aimait pas ça. Cette fois, il souriait plus franchement au roi de Dun, curieusement bien plus détendu à l’idée de pouvoir se replonger dans l’action, et finalement, faire ce qu’il savait faire de mieux. Au fond, les affaires politiques, aujourd’hui, ça ne le concernait plus du tout, pas plus que la gestion de territoires, mais se battre, il savait toujours le faire et aimait le faire. Plutôt que ressasser en boucle les mêmes pensées, combattre pour une cause ou pour un autre, ça faisait partie des dernières choses qui lui faisaient apprécier encore cette vie. Et qui valaient la peine qu’il respire encore. Les bras croisés, il continuait de sourire légèrement, quitte à passer pour un allumé.

– Il me faut juste un peu de temps pour récupérer mon petit frère, je lui ai envoyé un message peu de temps avant votre arrivée. A moins que vous ne préféreriez qu’on ne vous rejoigne plus tard à un endroit convenu, si ça ne vous gêne pas, je compte rester dans les parages d’ici vos premières escarmouches, comme vous dites. Étant donné que vous avez l’air d’avoir pas mal de scrupules, il y a -t-il des choses que je dois savoir avant tout ? Du style, la façon dont vous vous battez habituellement ou ce que vous faites de vos prisonniers ?

La règle des tournois était une vieille coutume poussiéreuse de Dun, qui servait souvent à départager des clans lors de questions d'importance entre les chefs. L'avantage, c'est que j'avais une connaissance profonde de nos diverses lois. Et puis... Mon opposant était vieux et décrépit. Il ne devait sa place actuelle qu'à la présence de ses caterans qui étaient réputés sans pitié. Soit il désignerait un remplaçant qu'il enverrait au combat à sa place, auquel cas il s'exposait à ce que celui ci reprenne sa place une fois le conflit terminé, soit il s'opposait lui même à moi, auquel cas je n'en ferais qu'une bouchée. Il n'avait qu'un fils, qu'on disait impotent et qui ne pourrait jamais succéder à son père. J'aurais pu attendre paisiblement que l'ancêtre ne rende l'âme, mais j'avais craint que ses caterans ne reprennent le contrôle du territoire à sa mort. Auquel cas, le chaos serait total et la situation bien plus périlleuse. 

'' Bien sûr, ça me rappellera notre jeunesse.'' 

Sa jeunesse, hein ? Depuis ma plus tendre enfance m'a vie était jonchée de combats, aussi ne me souvenais je pas avec précision de quand la mienne s'était achevée. Probablement avec la mort de mon aîné. Personnellement, je ne voyais rien de mal à aller guerroyer tant que cela restait... Propre. Même les caterans, autrefois blanchis de tout méfait de par leur statut, commençaient à perdre de leurs privilèges. Les histoires de caterans attaquant des villages et violant les filles se raréfiaient... Malheureusement ce type de comportements étaient bien ancrés dans les esprits mais j'avais bon espoir de nous faire évoluer vers une civilisation moins... Brutale. Cela n'irait pas sans quelques aménagements bien sûr, mais j'étais certain qu'un contexte politique plus stable irait dans ce sens. 

L'expression de l'elfe lorsqu'il était question de se battre ne me surprenait pas outre mesure. J'eus été bien malhonnête de ne pas admettre que je trouvais moi même une certaine satisfaction au combat. J'étais toujours en première ligne et généralement le dernier sur le champ de bataille. On ne m'appelait pas l'ours de Dun pour mon amour du miel, après tout, mais bien pour ma férocité. 

'' Il me faut juste un peu de temps pour récupérer mon petit frère, je lui ai envoyé un message peu de temps avant votre arrivée. A moins que vous ne préféreriez qu’on ne vous rejoigne plus tard à un endroit convenu, si ça ne vous gêne pas, je compte rester dans les parages d’ici vos premières escarmouches, comme vous dites.
-Faites comme bon vous semble, répondis je seulement, n'ayant aucune préférence. 
-Étant donné que vous avez l’air d’avoir pas mal de scrupules, il y a -t-il des choses que je dois savoir avant tout ? Du style, la façon dont vous vous battez habituellement ou ce que vous faites de vos prisonniers ?'' 

C'était une bonne question. A vrai dire, la politique dunnoise était bien plus coulante que la mienne. Pour ma part, j'essayais de voir à long terme et non pas à la satisfaction immédiate. 

'' À dire vrai... Je n'ai de scrupules que pour les civils. Une fois sur le champ de bataille, on sait à quoi s'attendre, pas vrai ? Si on a peut on n'a qu'à rester dans les jupes de notre mère et ne plus en sortir. Si un homme se rend au combat, je me méfie toujours. Pour sauver leur peau certains sont prêts à beaucoup, mais dès que vous avez le dos tourné ils se font un plaisir de vous poignarder par derrière. Le mot d'ordre en général est '' vie sauve et aux fers'', comme ça ça me laisse le temps de trier ensuite. Quant aux batailles en elles mêmes... Que le meilleur gagne. Tous les coups sont permis. ''

La survie et la victoire, voilà tout ce qui importait une fois sur le terrain.

'' Je pensais demander quelques guérisseurs à mes... Nouveaux alliés. Il est temps de nous moderniser en ce qui concerne l'après : étant un peuple belliqueux et souvent brutal, il pourrait nous avantager de savoir guérir les blessures afin de réduire le nombre d'invalides de guerre.''

Ils étaient légion, ces gens là. J'avais réussi à leur trouver des occupations un peu plus productives que de se bourrer la gueule dans les rues à longueur de journée, mais ils étaient si nombreux que cela posait un véritable problème de société.

– À dire vrai... Je n'ai de scrupules que pour les civils. Une fois sur le champ de bataille, on sait à quoi s'attendre, pas vrai ? Si on a peut on n'a qu'à rester dans les jupes de notre mère et ne plus en sortir. Si un homme se rend au combat, je me méfie toujours. Pour sauver leur peau certains sont prêts à beaucoup, mais dès que vous avez le dos tourné ils se font un plaisir de vous poignarder par derrière. Le mot d'ordre en général est '' vie sauve et aux fers'', comme ça ça me laisse le temps de trier ensuite. Quant aux batailles en elles mêmes... Que le meilleur gagne. Tous les coups sont permis.

Parfait, il préférait largement entendre ça ! Pas à cause d’une soif immodérée de sang, bien évidemment, mais surtout parce que ça vous faisait peser beaucoup moins de questions, une fois plongé au cœur de l’action. La remarque suivante sur les guérisseurs, en revanche, et sur la nature de leur peuple, lui fit se demander dans quel état d’esprit ce peuple s’était vraiment construit… Un ensemble de clan ne vivant que pour et par la guerre ? Si c’était vraiment le cas, quoi que ça lui semblait tout de même un peu trop terre à terre pour être juste, il trouvait bien étrange que leur pays soit toujours debout aujourd’hui. Avec ce genre de mentalité, un peuple pouvait facilement se détruire de l’intérieur, sans avoir besoin qu’un autre peuple ne vienne terminer le travail à leur place. Cela dit, leur politique et leur manière de se développer, ce n’était pas son problème. S’ils y arrivaient sans peine, tant mieux, ce sera utile pour la suite, et si ce duel d’un autre temps se tenait et que ce roi venait à perdre, ça annoncera un avenir assez sombre et destructeur pour tout ce pays. Heureusement, la vie des hommes étant courte, ce ne serait pas un règne qui durerait assez longtemps pour mettre à mal le pays en profondeur, merci Eru.

– Soit. Dans ce cas, nous vous retrouverons d’ici peu de temps à votre capitale.

Il comptait se mettre en route lui aussi pour réceptionner Maglor. Pour ici, sa présence n’avait pas d’intérêt, il n’y avait plus rien à combattre et il ne pouvait pas faire grand-chose de plus pour le blessé, profondément endormi sous sa tente. De toute manière, maintenant que son frère était là, il allait pouvoir le mettre dans un chariot et le ramener dans un endroit plus confortable pour achever sa guérison. Il salua donc le roi de Dun avec respect, puis s’écarta, allant d’abord reprendre quelques affaires laissées près du feu. Se reposer vraiment attendra un peu, il ne serait de toute façon pas capable de s’endormir paisiblement cette nuit. Avoir un nouvel objectif en tête était rassurant, presque apaisant, même s’il n’avait pas grand-chose à voir avec ce pays.