Perdu dans les glaces.

L'heure était venue de me glisser dans le délicat échiquier géopolitique du continent. Lentement, tranquillement, à pas délicats sur la toile que j'avais patiemment tissée avec les années. Mes enfants s'étaient multipliées dans les cavernes éparses, prêts à agir au moindre mot de ma part. Avec le doigté de celui qui élabore un motif complexe sur une tapisserie, j'avais préparé ce jour, guettant silencieusement l'occasion de revenir sur le devant de la scène. Sous ma forme humaine préférée, j'avançais à présent dans l'ombre des sous bois décharnés, ma personne toute en constraste de noirs et de blancs se fondant parfaitement dans le paysage. Tandis que je me rapprochait inexorablement dans les ombres traîtresse en direction de ma proie, les sonorités de la nuit se turent peu à peu. Plus habiles que les hommes, les bêtes sauvages se mefiaient de moi et m'évitaient comme la peste. La seule exception à cette règle étaient les petits qui partout me devançaient de quelques pas, raz de marée grouillant d'arachnides dont la taille variant de celle d'une tête d'épingle à celle d'un petit chien. Ou que j'aille, ma Cour m'annonçait par sa simple présence.

Je m'étais dotée d'une longue robe de soie noire, dont le tissus épousait la forme de mon corps sans entraver mes mouvements. Mes pieds nus ne me causaient aucun inconfort et j'evoluais parmi les branchages décrépits et les pierres sans le moindre effort. Si j' avais revêtu une forme si enchanteresse, ce n'etais pas pour mon propre plaisir. J'avais ce soir un  rendez vous surprise qui ne manquerait pas se se révéler intéressant. Il m'avait fallu du temps pour prendre ma décision, et pour terminer les plus urgentes de mes tâches. Pourtant, j'avais finalement choisi de m'allier non pas à l'elfe qui en avait fait la demande à ma fille, mais plutôt au presqu'homme qui l'accompagnait. Celui-ci, m' avait-on dit, n'était ni homme ni ténèbres, ni mort ni vivant.

Vivre eternellement peut sembler séduisant au premier abord et pourtant, ce qui prédomine finalement reste l'ennui et la solitude. Aussi, toute possibilité de distraction était toujours là bienvenue. Depuis bien des siècles j'étais décidée à défaire sauron et à m'emparer de son royaume. Or, mon instinct me disait que l'alliance avec l'homme assis un peu plus loin me permettrait de toucher plus près du but que je ne le pourrais jamais par moi même. Des millénaires m'avaient appris à ne jamais douter de mon instinct, car il ne m'avait jamais failli. Il convenait à présent de faire bon usage de cette chance.

Le frêle feu de camp du presqu'homme n'intimida pas mon escorte et lorsque je m'avancais dans la lumière chiche des flammes, je fus accompagnée d'une vague d'araignées grouillantes qui s'immobilisa en même temps que moi. Ainsi nous nous faisions face, seulement séparés par le foyer minuscule que Krell avait allumé. Enveloppée d'ombres et armée de mon plus beau sourire, je le jauge ai du regard. Derrière moi mes petits s'agglomérèrent afin de me constituer un trône sur lequel je pris place avec légèreté.

'' Bonsoir, Krell du Rhùn. J'ai beaucoup entendu parler de toi, mais nous n'avions pas encore eu l'occasion de nous rencontrer. ''

J'accompagnai ces paroles d'un sourire aimable quoiqu'un peu froid. Je distinguait nettement bon nombre de mes filles tout autour de lui, qui s'étaient rassemblées la probablement depuis plusieurs minutes avant mon arrivée. Ayant déjà rencontré mes petits, le son légèrement aigu qu'ils produisaient ne devait pas lui être inconnu et je supposai qu'il avait senti notre approche.

'' Bienvenue parmi les immortels. Je crois qu'il est d'usage de féliciter tout nouveau venu dans une famille, n'est-ce pas ? ''

J'éclatai de rire, un son guttural qui jurait horriblement avec l'apparence humaine que j'avais revêtue. Puis, j'ajoutai en arborant à présent un sourire prédateur :

'' Il me semble que nous pourrions gagner à discuter un peu, toi et moi. ''

Alors que mes pensées vagabondaient et que mon esprit s'enfermait dans une méditation, seul moyen que mon cerveau au fonctionnement encore trop mortel avait trouvé pour lui offrir le repos, mes sens se relâchaient progressivement. Bel'Akor posée au sol, l'arme massive de près de deux mètres était au repos et je ne voyais dans les reflets de ses lames qu'une version déformé de ma silhouette, illuminée par le feu.


Je ferme alors les yeux pour aider ma concentration a se faire, je repense a mon combat contre Sauron, au plaisir que j'avais ressentit quand j'avais vu la terreur s'installer dans les yeux du seigneur ténébreux, quand mon coup avait pénétré sa garde pour figer vingt centimètre d'acier dans ce qui devait servir d'intestin a l'ancien Dieu-Roi de l'Est. Par cet acte, j'étais probablement devenu le premier mortel a l'avoir autant fait connaitre la terreur. Des elfes, des Ainur avaient affrontés et même parfois vaincu le Ténébreux, mais moi, a l'époque, je n'étais qu'un homme et sentir sa force vitale traverser Bel'Akor, qui elle aussi exultait d'avoir tranché un être aussi mythique, m'avais rempli a la fois d'une joie terrible et cruelle, mais aussi d'une immense fierté.
Sauron n'était pas un combattant, il étais un manipulateur, tant habitué a compter sur la supériorité dut a sa naissance qu'il ne comprenais qu'un être comme moi, un simple humain put le blesser si profondément, même si j'avais voué chaque jour de sa vie a m'entrainer dans l'attente de ce moment.
En le frappant, j'avais prouvé qu'il n'étais pas un dieu a tous les orientaux. En blessant Sauron, j'avais tué le dieu des ténèbres.

Bon, avouons le, j'avais payé chèrement mon acte, j'avais perdu ma Horde, un nombre incalculable de mes frères et sœurs et, moi-même, j'avais passé des mois dans les geôles de Barad-Dur pour payer mon acte.
Je ne comprenais toujours pas pourquoi Sauron ne m'avais pas tué a ce moment la. Peut-être par fierté, peut-être pensait-il pouvoir me briser et, symboliquement, retrouvé sa divinité que je lui avais arraché en me brisant et en m’installant sur un de ses étendards, bien a la vue de tous ?
Ou bien il gardais en lui l’espoir de me voir a nouveau plier le genou devant lui ?
Non, je ne pensais pas Sauron aussi magnanime, il aurait put me briser alors mais il s’y est refusé.
Je ne commettrais pas la même erreur, je n’étais pas devenu indolent par les siècles...Pas encore, tout du moins.

Alors que je méditais sur mon passé, quelque chose me tira de mes songes, c’était discret et, a vrais dire, je ne savais pas vraiment quoi penser de ces bruits subtiles que j’entendais dans la neige. Aucun prédateur de ces contrées n’aurait put être aussi léger, mais ils étaient...Nombreux.
Posant a nouveau la main sur Bel’Akor, je fut transi et brutalement réveillé cette fois par le message qu’elle souhaitait me délivrer : ATTENTION ! Ma plus fidèle amie était bien plus au fait que moi de ce qui approchais.
Gardant les yeux fermés, trop conscient que la faible lumière de mon feu ne me donnerais qu’une vision trop limité de mon environnement et que seul mon ouïe et mon odorat pourrais vraiment m’aider ici.  je passais la main sur le manche d’acier de ma hache de guerre démesurée comme un amant passe sa main sur l’objet de son désir, doucement, fusionnant a nouveau nos deux esprits en un tandis qu’elle me hurlais de me méfier, attendant son signal pour faucher, massacrer, brutalisé ceux qui pensaient que les ombres seraient un allié contre moi.
Ils pensaient que l’obscurité étaient leur alliée ? J’étais né dans les ténèbres, façonné par elles. La pénombre est une mère jalouse qui ne supporte toujours que ceux qui y ont passés le plus de temps et lorsque j’avais connu, a l’âge d’homme, la lumière, elle m’avais juste paru...aveuglante.

Saisissant ma hache a pleine main, mes muscles se tendaient déjà pour préparer un arc de cercle autours de moi qui fauchera tout ce qui se tenait a moins de deux mètres de ma personne. Comme le calme avant la tempête, je goûtais une dernière fois a l’image de ma méditation, un Sauron tremblant, avant de me concentrer pleinement sur mon environnement.
Les ténèbres le trahirons, comme elles trahissent déjà ceux qui sont autours de moi, car elles sont miennes.

Alors que j’étais déjà certain de combattre contre un ennemi inconnu, un bruit de pas, lent et mesuré, calme et infiniment plus doux a l’oreille que la multitude de sons précédents, se fit entendre, la, droit devant moi. Une feinte, peut-être ? Non, ces pas me semblaient trop fin...Des bruits de pieds nus ? Dans la neige ?
Par tous les esprits, Sauron ?

Alors que les pas se rapproche et s’arrête devant moi, de l’autre coté de mon feu de camp, j’ouvre finalement les yeux.


Mes autres sens rechignent alors a se taire mais n’en ont pas le choix tandis que ma vue s’active a nouveau et la, je vois une femme magnifique. Dans une robe qui n’aurais protégée personne du froid mordant de ces contrée, pied nue dans la neige, je vois des douzaines d’araignées de tailles diverses la suivre. Elle est la, stoppée, me fixe avec un sourire charmant qui aurais désarmé l’ancien Krell. Elle est belle, sublimement belle, belle comme aucune mortelle ne peut l’être bien longtemps et alors, entre cela et les araignées, je commence a me faire une petite idée de ce que j’ai en face de moi.

Les ombres sont ses alliées a elle aussi et c’est en partie cachée par des ombres qui ne semblaient pas craindre la lumière de mon feu qu’un trône...d’araignée ? Se forme sous son postérieur. Vision incroyable, je ne me laisse pas trop longtemps impressionné, ma hache veillant bien a ce que ne me ramollisse pas un seul instant.

'' Bonsoir, Krell du Rhùn. J'ai beaucoup entendu parler de toi, mais nous n'avions pas encore eu l'occasion de nous rencontrer. ''

Sa voix est douce, son parler sans faute, c’est une enjôleuse, probablement la plus redoutable enjôleuse à laquelle j’ai jamais eu affaire. Le mortel que j’étais se serais déjà laissé prendre, l’immortel que je suis la fixe, les yeux écarlates bien visible sous le casque de guerre.
Serais tu la maîtresse des araignées, femme ?
Elle continue de parler, je la laisse faire, je ne bouge pas d’un centimètre, la fixant d’un regard qui aurais fait tremblé n’importe quel mortel, mais elle, elle semble amusée de la tension qu’un guerrier peut mettre dans ses yeux.

Alors que la part la plus mortelle de mon esprit souhaitait déjà se détendre, combattu par ma raison et la volonté de ma hache, le rire qu’elle émit me transis cette fois d’un sentiment d’insécurité qui ne fit que renforcer le défi qui luisais dans mes yeux. J’étais déjà dans sa toile et cette idée m’arracha un sourire, invisible derrière mon masque de guerre. Il est en ce monde des maux que je ne connaissais pas encore, des êtres qui pouvaient me faire bien plus de mal que Sauron.

'' Il me semble que nous pourrions gagner à discuter un peu, toi et moi. ''

Je laisse le froid, le feu et le vent reprendre un moment le contrôle total des sons autours de nous. Au milieu d’une nuit glaciale, le craquellement du bois et les vents d’un éternel hiver sont tout ce que nous entendons alors. La meute qui semblait autours de moi quelques instant auparavant ne fais plus un seul bruit, plus rien, un véritable ilot de calme, semblable a celui qui n’étais qu’a moi, avant tout ce remue-ménage.


"Bonsoir, reine de la nuit."

Ma voix, contrairement a la sienne, n’était pas une voix enjôleuse. Grave, sourde et puissante, métallique grâce a mon casque, elle brise le silence sans rien laisser d’autre lui être supérieure. Si je pouvais me faire entendre au milieu d’un champ de bataille, le calme de cette nuit ne pouvais que se plier devant l’intonation brutale et orientale de ma voix.

"J’imagine que je dois te remercier de me souhaiter la bienvenu dans cette...famille ? J’avoue que je ne m’attendais pas a te voir arriver ici. Mais prend place...bien que tu l’ai déjà fait. L’hospitalité est importante pour moi. Réchauffe toi a mon feu, même si a en voir tes pieds, tu crains autant le froid que moi le mordant de l’acier…"

Alors, c’était cela, un immortel pleinement conscient de ses capacités ? Pourrai-je moi aussi me ficher complètement des éléments, des forces naturelles ? Oui, très probablement. Sur bien des cotés, j’étais encore parfaitement trop inconscient de mes forces et de mes faiblesses.
Une humilité bien inconfortable traversa alors mon esprit tandis que mon regard devenait plus doux, passant de la tension guerrière a l’observation neutre. Je relève un peu la tête et celle-ci sors un peu de mes épaules. Les doigts de ma main droite toujours bien posés sur le manche de ma hache, comme un naufragé s’accroche a un radeau de fortune dans la tempête et que des requins lui tournent déjà autours.
Bonne image ca, nan, vraiment.

"Je le pense aussi...Alors, ta fille t’as transmis mon message ? J’imagine que oui ? Qu’en penses tu, dame de la nuit ? ...Vas-tu me livrer a Melkor ou Sauron pour avoir dit tout haut ce que tous les serviteurs des ténèbres pensent tout bas ? Vas tu échanger mon être contre quelques temporaires bienfaits ? Ou va tu te lier a moi, comme d’autre, dans une nouvelle cause, de nouveaux ténèbres qui eux, serons bien plus a même de dévorer le monde ? En bref, souhaite-tu négocier avec moi ou avec Sauron ?"

Je n’étais pas un diplomate, je n’étais pas ce genre d’homme qui tourne autours de la chose, j’étais le dieu de la guerre, l’incarnation de la tempête, du taureau et du dragon. Je n’étais pas comme Sauron, pernicieux, patient, imbu, non. Je suis a l’image du monde qui m’a forgé, a l’image de ma hache de guerre. Je tranche, net. Je suis fort, fier et je me dresse dignement pour faire face, inspirant respect et terreur car c’est cela, a mon sens, ce que devrais être la voie des ténèbres. Pas un jeu de dupe cajoleur, non, je suis le champion des ténèbres, alors je dois être digne de ce titre.
Telle est la voie de mes ténèbres, ceux qui submergerons le monde pour l’offrir en pâture a des êtres telle que la ravissante prédatrice que j’avais en face de moi, la où la voie de Melkor et de Sauron ne partageait que pour mieux reprendre et dupé.

Tandis que dans mes yeux écarlates se reflète les flammes du feu de camp, donnant une orangée vive dans des yeux déjà parfaitement visible dans les ténèbres, j'attends la réponse de la reine des ténèbres.
Deux prédateurs qui se font face, ils ont le choix, faire meute commune ou s’entre-déchirer afin de savoir qui dévoreras l'autre.
A ce petit jeu, j'avouerais que dans la situation actuelle, j'avais clairement moins de dents a disposition qu'elle, mais raison de plus pour savoir tout de suite ce qui allais suivre.

"Alors, Shelob, maîtresse de la nuit et fille de la dévoreuse, finiras tu ce que ta mère avais commencée, ou bien connaîtras tu le même destin qu'elle ? Rassures toi, je n'ai pas de démons de feu a t'envoyer afin de te combattre, moi."

Saroumane m'avais appris le conflit entre Ungoliant et Melkor ainsi que la parenté de Shelob que je croyais auparavant être la mère originelle des araignées, il m'avais révélé cela et bien d'autre chose encore, donnant encore un autre argument que je m'étais empressé d'asséner a la dame de la nuit.
Les mots sont des coups portés pour moi, tranche, coupe et parade et enfin estocade, seulement, c'est avec ma langue que je les donnais, pas avec mon bras.

Alors que j'attendais qu'elle prenne la parole, mes yeux descendirent détailler la forme humaine que la reine araignée avait pris pour me voir et, je devais l'avouer, ce que j'avais sous les yeux était plaisant. Si je n'avais pas autant la certitude qu'elle pourrait me croquer en quelques minutes, je l'aurais ici même enlevé pour la ramener dans mon harem, j'étais certain qu'elle, Assiah et mes autres...courtisanes,  sauraient m'assurer des nuits digne d'un Dieu-Empereur.

Par tous les esprits, combien ce corp pouvait me plaire, brune ténébreuse aux formes alléchantes, ses jambes longues, fines qu'on aimerais parcourir et sa robe qui laissais place tant a l'admiration qu'a l'imagination, des formes de femme, en somme...
Concentre toi Krell, me rappelait mon épouse d'acier, alors, un sourire devenu carnassier aux lèvres, je relève mes yeux vers les siens.
Reine araignée, j'espère pour toi que jamais tu ne tomberas dans mes propres filets, sans quoi tu découvriras a ton tour...
Que penserais donc Assiah de ceci ? Une immortelle comme concubine ? La trouverais t-elle attirante elle aussi ? Sera-t-elle jalouse ?
Arrête de penser avec ton entrejambe ! Tu as bien d'autre chose a faire que cela !
C'est une potable alliée, pas la fille d'un ennemi vaincu qui s'enlève facilement.