Chroniques d'Arda
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 Deux paumées et un infirme

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Idril Felagund
Diplomate de la Lorien

Idril Felagund
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MessageSujet: Re: Deux paumées et un infirme   Deux paumées et un infirme - Page 2 EmptyDim 7 Mai 2017 - 14:17

Après de nombreuses heures durant lesquelles je ne relâchais pas ma vigilance d'un pouce, nous parvînmes enfin aux frontières de la forêt. Devant nous, des champs dorés, formant de petites collines, s'étendaient à perte de vue. Seule une vague tâche verte ressortait au loin, dont je n'étais pas certain que les yeux de la Naine puissent la percevoir, surtout dans son état. Dans le doute, je la désignais en expliquant:
-Nous ne sommes plus bien loin de la Lothlorien. Cette tâche verte à l'horizon est l'orée d'une multitude de bosquets, que nous allons traverser. Nous faisons un léger détour, mais nous aurons grâce à cela un meilleur couvert, si vous voyez ce que je veux dire.

Avant de m'exposer au grand jour, je pris le temps de passer les environs au peigne fin. La menace que j'avais ressentie lors de la pause de midi ne m'avait pas quittée un seul instant, tantôt se rapprochant, tantôt s'éloignant. Je n'aurais su dire si le danger était composé de multiples créatures ou non, mais mon pressentiment, en tous les cas, n'annonçait rien de bon. Sa parole faisait foi de loi pour moi, car il ne m'avait jamais trompé. Il fallait donc que je reste constamment sur mes gardes.
Je portais instinctivement la main à mon fourreau, où dormait paisiblement Humilité. J'avais nommé ainsi ma lame par conscience que tuer ne faisait en rien de nous des êtres plus hauts. Ce mot m'était venu à l'esprit en un clin d'œil lorsqu'une membre de ma compagnie avait évoqué les noms des lames de nos grands Rois. Je n'en avais pas cherché d'autre.
Par prévention, je défis aussi mon arc et mon carquois, que j'armais dans mon dos. Ainsi, j'étais un peu mieux préparé à nous défendre face au danger, qui allait s'abattre dans quelques instants sur nous au même titre que la pluie battante qu'annonçaient les lourds nuages gris dans le ciel. Ils arrivaient vers nous avec une vitesse extraordinaire, et bientôt, ils masqueraient complètement le soleil. Avant de quitter le couvert forestier, je récupérais aussi la fiole qui contenait ma préparation, et la confiais à Ciara.

-Usez-en si votre esprit s'en va errer dans les limbes contre votre gré, ou si vous avez besoin d'être au meilleur de votre forme pour un court instant. N'en respirez toutefois pas plus d'une grande inspiration par heure: Vous ne trouveriez plus le repos pendant plus d'une semaine, et les conséquences seraient terribles pour votre esprit !
J'évaluais la Naine du regard. Elle était toujours pâle, et ne semblait pas très à l'aise à cheval. Sur ce dernier point je ne m'attardais pas. De tous mes amis Longues barbes, je n'en connaissais qu'un seul qui accepte de monter un équidé...et encore, seulement les poneys !
« Bon, allons-y, et prions les Valars pour que nous puissions atteindre les Bois d'Or sains et saufs... ». J'engageais Arùn et son chargement sur la terre sèche et grumeleuse du champ, avec un dernier regard pour Mirkwood, et sentant naître dans mon cœur, comme d'habitude, une sorte d'étouffement qui m'enserrait sitôt que je quittais la forêt.

Nous n'avions pas fait une centaine de pas que le danger que j'appréhendais depuis le début de l'après-midi déboula enfin à vue. Dans un premier temps, je le sentis plus que je ne le vis.
Sous nos pieds, la terre se mit à palpiter férocement, martelée par la course rapide d'ennemis que je ne pouvais pas encore voir.
Un frisson glacé me parcourut aussitôt l'échine. Mon sang ne fit qu'un tour.
Debout comme nous l'étions au beau milieu d'un champ, nous représentions une cible idéale visible à des kilomètres. S'enfuir n'aurait servi à rien, à cette distance de la Lorien. Seul les arbres de Mirkwood, se dressant entre nos ennemis et nous, empêchaient encore qu'ils ne nous repèrent. J'entrevoyais déjà les premiers ennemis au travers des arbres. De plus, Arùn était trop âgé. Il ne pouvait plus tenir un galop forcé avec deux personnes dont une Naine sur son dos. Seul ou avec Ciara, je me battrais. Et je mourrais à coup sûr.

-Couche-toi ! dis-je à Arùn, qui se mit aussitôt à terre comme il avait appris à le faire.
-Blottissez-vous contre lui ! Ordonnais-je sans autres politesses à une Ciara qui devait être surprise de se retrouver à terre alors qu'elle se trouvait un mètre au-dessus du sol la seconde d'avant.
Je me dévêtis de ma longue cape grise, que j'étendis sur nous tant que je le pouvais, et nous n'eûmes plus qu'à attendre. La ruse était risquée, mais elle restait la meilleure solution que nous ayons. Nous mettre à couvert n'avait pas pris plus de deux secondes...Deux secondes qui étaient peut-être déjà de trop.

Ils étaient nombreux, et marchaient d'un pas suffisamment cadencé pour comprendre qu'ils avaient une formation militaire assez rigoureuse. Je pariais pour une troupe d'Orcs de diverse extraction. Les frontières de Mirkwood pullulaient en ce moment de groupes de racaille dans le genre.
Allongé sur le sol aux côtés de Ciara et Arùn, j'osais à peine respirer. Le champ, fort heureusement, n'était pas qu'une étendue de terre aride et caillouteuse. De hautes herbes dorées poussaient aux alentours. Si elles ne suffisaient pas à assurer notre couvert, elles permettaient tout de même de rendre notre camouflage plus naturel, et de planquer assez bien les petites parties que ma cape ne pouvait pas couvrir.
Le risque qu'un Orc à l'œil plus aiguisé que les autres nous repère n'en était pas pour autant réduit à zéro, rendant l'attente d'autant plus insupportable.

La troupe continuait sa marche. Elle devait avoir entièrement contourné les derniers arbres qui nous masquaient encore à leur vue. Les soldats n'étaient pas à plus de cinq cents mètres...S'ils nous repéraient, nous serions dans une drôle de situation.
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MessageSujet: Réveil et questions   Deux paumées et un infirme - Page 2 EmptyMer 7 Juin 2017 - 0:15

Une main autour du manche de sa hache, l'autre tenant la fiole confiée par Idril Felagund un peu plus tôt, Ciara était coincée entre son guide et sa monture, sous la pèlerine elfique. La brume qui enveloppait son esprit plus tôt s'était dissipée, bien que des taches dorées lui passent encore devant les yeux de temps en temps. Elle hésita à ouvrir le flacon mais y renonça, réalisant sans peine que le moindre bruit pourrait leur être fatal.
Après un temps qui lui sembla infini, les chocs sourds qui faisaient trembler la terre semblèrent s'apaiser. Elle osa déplacer légèrement sa main pour soulever d'un doigt hésitant un pan de cape. La vue sur trois touffes d'herbe haute et un fond de ciel ne lui apprit pas grand-chose, sinon qu'a priori aucun orc ne se tenait à dix centimètres d'elle, ce dont elle se doutait déjà. Elle ouvrit alors la précieuse fiole remise par son compagnon de route et inspira profondément avant de la reboucher. Elle se sentit encore mieux, l'esprit débarrassé de tout engourdissement. La proximité du danger avait, semblait-il, produit un choc salutaire pour elle.

Ciara se redressa doucement, précautionneusement, souhaitant éviter d'avoir à nouveau un vertige qui la replace au rang de faible du groupe. Être dépendante de l'elfe, elle devait bien s'y résoudre, au moins pour un temps. Mais être un poids mort et un maillon faible, elle s'y refusait absolument. Elle s'assit dans l'herbe, reprenant son souffle qu'elle avait contrôlé durant ces interminables minutes de danger. Ainsi installée en tailleur, ses affaires groupées autour de ses jambes, elle ne dépassait guère des hautes herbes de la plaine.

"Décidément", fit-elle d'une voix basse et hésitante, plus pour elle-même que pour Idril, "il semblerait que je sois vouée à filer tête baissée de danger en danger."

Le son qui sortait de ses lèvres la surprit, rauque et haché. Elle n'avait pas ouvert la bouche depuis des heures et la soif devait lui assécher la gorge, à moins que ce ne fussent les effets combinés de la peur et de l'étrange élixir inhalé quelques instants plus tôt. Elle fouilla dans sa besace, à la recherche de sa gourde. Elle finit par la découvrir, nichée entre une paire de cailloux et des sculptures de bois inachevées. Les quelques misérables gorgées qu'elle contenait ne suffirent pas à étancher la terrible soif qui l'avait prise, mais elles lui permirent de reprendre d'un ton un peu moins coassant :

"Je vous suis redevable de beaucoup. Soyez assuré de ma reconnaissance, je sais reconnaître une dette lorsque j'en contracte une, et il semble que vous m'ayez sauvée plus d'une fois aujourd'hui. Mon bark* sera vôtre lorsque vous en aurez besoin."

Après ce court laïus, elle s'arrêta, ne sachant comment poursuivre. Elle ne pouvait que faire confiance à cet elfe qui l'avait tiré de plusieurs mauvais pas et s'était montré un compagnon de route parfait. Malgré cette étrange amitié naissante, cependant, elle ne pouvait détourner son esprit de la suite du voyage. Une suite dans laquelle elle ne voyait pas de place pour cet ami aux oreilles pointues, aussi courtois qu'il puisse être. Un elfe dans une mine ? Non. Et à présent qu'elle avait un but de voyage, imposé à son esprit alors qu'elle était brinquebalée, impuissante, sur le dos du cheval-qui-donne-mal-au-coeur, il s'agissait de parvenir à bon port. Elle se trouvait donc coincée entre cette dette contractée envers le Grand et son désir personnel d'atteindre Khazad-Dûm pour rencontrer les forgerons et artisans légendaires que la mine abritait. Elle finit par s'en ouvrir à son compagnon, espérant que deux cerveaux sauraient mieux qu'un seul trouver une solution.

"A dire vrai, je ne sais comment agir à présent. Rallier enfin Khazad Dûm est mon vœu le plus cher, et je ne pense pas que rester à vos côtés puisse être d'une quelconque aide, au contraire..."

Elle se tut, consciente que sa phrase n'avait de toute manière pas de fin et attendant la réaction d'Idril.

*bark : hache, en khuzdûl
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