La taverne "A l'Oeil sombre"

[Hrp : Nous te demandons pardon pour ce délai de réponse !]

[MJ]


Visiblement de mauvaise humeur ou très renfrogné, l'homme exprimait une moue de mépris qui, associé à ses traits fins bien que vieillis et selon l'angle de vue qu'avait alors Dirk, lui donnait un air profondément arrogant. Pourtant, par la prestance de son allure et son noble maintien sur une chaise à l'équilibre fort précaire, il était sans nul doute un Numénoréen. Puisqu'il se trouvait là, dans une taverne puante d'une terre faite de cendres et peuplée d'êtres immondes, c'était sans conteste un Numénoréen Noir. Un "frère" de Dirk, de toute évidence. Malgré ces ressemblances, leur relation ne pouvait pas réellement être qualifiée d'être "sur la bonne pente"...

« Cette table est assez grande pour nous deux, il me semble. Inutile de s'énerver. Nous valons mieux que ces bêtes écervelées. »

A ces mots, un Orque non loin poussa un grognement d'insatisfaction. Visiblement, il n'avait pas aimé ce qu'il avait entendu. Prenant un air menaçant ressemblant à un coq en parade, il s'approcha dangereusement du Numénoréen au nom encore inconnu. Celui-ci, sans éprouver la moindre inquiétude, plongea son regard dans celui de l'Orque. Ce que ce dernier y vit sembla le terrifier, au point qu'il s'en alla sans demander son reste, n'exprimant que quelques sons étranges signifiant certainement de la déception ou de la colère (le langage d'un écervelé, en somme).
L'homme sembla éprouver une certaine satisfaction devant ce spectacle, affichant un léger sourire en coin. Celui-là disparut pourtant à mesure qu'il se retournait vers Dirk, il ne dura qu'un bref instant.

« Mon nom est Blunvan. Quel est le vôtre ? »

Il était probablement important de noter que Blunvan était repassé au vouvoiement, lui qui avait tutoyé Dirk lors de sa toute première phrase. Peut-être n'avait-il pas tout d'abord réalisé que tous deux étaient Numénoréens ou peut-être Blunvan attachait-il un peu plus d'importance, déjà, à respecter Dirk (bien qu'elle fusse encore très minime).

[Hrp: Aucun problème!]

[MJ]

Son interlocuteur montrait plus de distance et de véhémence qu'il ne l'avait prévu... Qu'à cela ne tienne et bien que Blunvan n'appréciait aucunement l'irrespect flagrant de ce Numénoréen à une seule main, il savait parfaitement se contrôler, rester maître de lui-même et ne point s'emporter. Dirk, bien qu'il ne cherchait pas à se battre, ne montrait guère dans son attitude et ses mots qu'il en était ainsi -il exprimait même l'inverse-.

« Pourquoi ne serais-je pas venu à cette table ? Là est la vraie question. »

Rétorqua Blunvan à l'interrogation belliqueuse de Dirk. L'âge lui avait appris à jouer avec les mots et les langues (il connaissait le Noir Parler aussi bien que le Sindarin, même s'il n'avait pratiqué ce dernier que fort longtemps avant cette histoire), son tempérament lui imposait toutefois de ne point pousser cela jusqu'à l'agacement.

« Nous avons les mêmes origines, vous et moi. Cela se voit autant qu'un Troll au milieu d'une horde d'Orques, autant que le Grand Gobelin au milieu de ses fidèles. »

Il ne détourna qu'un instant son regard, parcourant la salle des yeux avec un air de profond mépris. Oh oui, l'orgueil chez un Numénoréen Noir était aussi naturel que le fait de respirer. Ce n'était pas un peuple qui n'avait pas mérité sa réputation, loin de là.
Le tavernier, à côté de cela, avait fini de renvoyer les deux Orques à la porte et porta un regard similaire à celui de Blunvan sur les vermines encore présentes avant de revenir à son comptoir miteux. Le message était clair : "Vous aurez le droit au même sort et au même traitement si vous cherchez des problèmes." Blunvan, à nouveau, eut un sourire ironique devant cette menace. Rien ne semblait lui faire peur en ce bas-monde. Le Numénoréen reporta son attention sur Dirk.

« Vous ne devriez pas voler ce verre. En vérité, vous ne devriez pas avoir à le faire. Nous valons mieux que ça, ne croyez-vous pas ? Nous sommes plus forts, plus vifs, plus intelligents que ceux qui peuplent en masse le Mordor. Nous sommes le bras droit du Seigneur de Barad-Dûr alors qu'ils ne sont qu'une de ses nombreuses armes. »

Un éclat de ferveur brilla dans ses yeux, il paraissait reprendre de l'énergie à mesure qu'il parlait du pernicieux Sauron. Il arbora un énième sourire, certes, celui-là avait quelque chose relevant à la fois du sadisme et de l'allégresse. Blunvan se redressa de toute sa hauteur sur le siège, faisant craquer son dos, s'appuya contre le dossier en bois de la chaise et murmura, les yeux plissés comme pour témoigner qu'il parlait d'un sujet plus intime, plus secret.

« Dites-moi, Dirk, l'avez-vous déjà rencontré ? »

Dehors, une bête parcourait depuis plusieurs heures les kilomètres de plaines, de vallons et de pentes du Mordor en quête d'une chose dont elle seule connaissait le nom. Elle était d'une grâce infinie et d'une puissance effrayante. Arrivée non loin de l'auberge et en toute discrétion, son regard ambré se porta sur les deux Numénoréens en pleine discussion et visibles grâce à l'une des fenêtres du piteux édifice.

[Hrp : C'est pas mal, ne t'inquiètes pas. Avec de l'exercice, tes RPs vont s'allonger peut-être même sans que tu ne t'en rendes compte. ^^]

[MJ]

La Bête avait tous ses sens en éveil. Enfin, les Numénoréens à l'intérieur du bâtiment l'avaient remarqué, ce qui était exactement dans son intention. Peut-être cette Puissance avait-elle usé de quelques pouvoirs dont elle avait le secret pour accaparer toute l'attention de Blunvan sur lui. Peut-être même n'en avait-elle pas eu besoin tant l'aura de la Bête était puissante, attirante, envoûtante... Pour un Numénoréen Noir correctement entraîné, il était aisé de percevoir et reconnaître cette énergie tant elle était caractéristique d'une seule et unique personne... D'un seul Seigneur...

A la vue de l'animal, les pupilles de Blunvan s'étaient dilatées sous l'effet d'une intense excitation. Dans ce même laps de temps d'étonnement, il ressentit de la peur, de l'inquiétude, de l'angoisse, de la joie et un soupçon correctement distillé de haine. D'où lui venait toutes ces émotions, il l'ignorait. La Bête, elle, le savait. Elle en était la cause, la messagère. Hurlant l'excès de puissance qui lui venait du fait de sa satisfaction, l'animal fit le tour du bâtiment comme pour en inspecter les environs et marquer son territoire. C'était là son Domaine, cela l'était depuis fort... fort... longtemps. La dernière vision que Dirk ait alors eu de la Bête fut son approche vers l'entrée de la taverne. Puis, soudainement, alors qu'il était tout à fait en son droit et dans la logique des choses de s'attendre à ce que l'animal franchisse le pas de la porte, ce fut un homme qui entra.

Il était grave et beau bien que ses habits entièrement noirs ne lui donnent un air très sombre, voire macabre. Il était élégamment habillé, ce qui aidait encore davantage à lui donner une aura manifeste de puissance. Le temps de quelques secondes, la salle se plongea dans un silence de mort. La lumière sembla décroître et l'air se fit plus froid, comme une lame caressant la peau et l'égratignant. L'homme paraissait extrêmement sérieux et parfaitement conscient de l'effet que son entrée avait produit. Il en semblait même responsable, sans que cela ne puisse être véritablement prouvé... Il porta son dur regard sur les deux Numénoréens et ces derniers le ressentirent aussi physiquement que l'on pouvait ressentir un coup de pied dans les parties génitales. La douleur et le malaise s'installèrent dans leurs esprits et ils eurent l'impression commune qu'en quelques secondes, cette souffrance pouvait croître incroyablement rapidement... Mais tout s'arrêta lorsque l'homme détourna son regard, se retourna et ressortit de la taverne aussi vite qu'il y était entré. Tout parut redevenir à la normale à cet instant présent... Hormis pour les deux Numénoréens...

Alors que les Orques éprouvèrent une ferveur presque triplée et qu'ils hurlaient que leur Maître était apparu aux yeux et aux seuls yeux de tout un chacun (ils se battirent alors avec une infinie violence pour savoir lequel était le favori du Maître, lequel le Maître était-il venu féliciter par sa seule présence), les Mercenaires hésitaient entre le sentiment de bonheur qui ressemblait pour tout dire à celui des Orques et celui de l'ultime crainte, celle de ne pas avoir compris le message qu'avait voulu faire passer le Seigneur de Barad-Dûr. Car Sauron était l'un des noms de l'homme qui était responsable de toute cette agitation. Lorsque Dirk porta son regard vers la fenêtre où il avait vu pour la première fois la Bête, il vit qu'elle s'y trouvait encore, marchant à pas rapides vers le Nord. Sa trajectoire semblait indiquer qu'elle sortait tout droit de la taverne elle-même... Alors, sans qu'ils n'aient pu s'y attendre, une voix résonna dans la tête des Numénoréens Noirs.

« Suivez-moi. » dit cette Voix, et mieux valait-il encore, vu la puissance et la violence tacite manifestée dans ces deux seuls mots, qu'ils obéissent...

Blunvan, lui, était dans un état de semi-transe. Tous ses membres tremblaient, tous ses rêves se réalisaient.

[Hrp 1 : Une absence imprévue, désolé !]

Hrp 2: je te demande de ne pas jouer Sauron, que ce soit une parole ou un acte, car d'une part je suis là pour ça et d'autre part c'est un PNJ trop puissant pour être incarné par un membre non-MJ ou admin. Pour cette fois, je vais m'arranger avec ce que tu as fais.]

[MJ]

La Bête s'était remise à courir à l'instant même où Blunvan et Dirk croyaient la rejoindre à l'extérieur. Il ne serait pas simple d'avoir une entrevue avec le Seigneur de Barad-Dûr, pas même s'il y était volontaire voire s'il en était l'instigateur. C'était en effet le cas et pour les deux Numénoréens, il était venu l'heure de la première épreuve : suivre un animal sauvage, agile, puissant, vif sur les pentes escarpées et les roches noires et aiguisées qui constituaient l'environnement autour de la taverne. A mesure qu'ils croyaient la rattraper, elle redoublait de vitesse et d'aisance à se faufiler dans les coins les plus dangereux de la montée (car ils montaient bel et bien). Bien que tout ceci semblait interminable, Blunvan était dans un tel état de fébrilité qu'il ne prêtait aucune attention à sa santé et sa vie, suivant la Bête où qu'elle puisse aller et avec une ferveur accrue à chaque pas. Il était définitivement en transe, comme transporté sans le réaliser par la seule puissance qui émanait des traces laissées par la Bête sur le sol.

Dirk, quant à lui, ne cessait d'entendre encore et encore dans sa tête les mêmes mots :


Ils revenaient à chaque fois plus forts, plus violents, plus pressants et forçaient inévitablement l'allure du Numénoréen, qu'il l'ait alors voulu ou non. Simple réminiscence obscure du passage du Noir Seigneur dans son esprit (ce dernier ne s'abaissait certainement pas à lui parler encore et encore pour l'obliger à le suivre), ces mots avaient aussi l'effet de rendre Dirk profondément mal à l'aise. Que dire de Blunvan, donc, qui semblait peut-être encore plus affecté psychologiquement que son compagnon de poursuite ?

La course durait depuis déjà dix minutes lorsque la fin fut aussi brusque que violente. La Bête se retourna soudainement, affichant un profond regard de méchanceté, de vilénie, de cruauté, de haine. Sans laisser une seconde de répit pour les deux Numénoréens maintenant face à Elle et sous leurs yeux ébahis (plus certainement horrifiés), la Bête se fit Homme.

[Suite dans : "La rencontre alpha".]